Rembrandt Harmenzoon van Rijn, Jérémie se lamentant de la destruction de Jérusalem. 1630 – 58×46 – Huile sur panneau.

I IMPRESSIONS GÉNÉRALES

Pas de description mais des ressentis, pour s’aider on peut commencer la phrase par « je me sens … » ou « L’ambiance est… »

  • Cafardeuse
  • Pensive
  • perplexe, intrigué
  • accablée
  • isolée
  • triste, désespérée ces deux mots sont dans le même champ sémantiques avec une gradation dans l’émotion. Les mêmes procédés techniques serviront pour les deux termes.
  • Assoupie, ce n’est pas une émotion. Face à cet homme qui semble assoupi (ça c’est de la description) je me sens… compatissante
  • petite
  • apaisée
  • agacée

II PROCÉDÉS TECHNIQUES

1 LE PLAN

Combien de portions d’espaces se déroulent devant nous ?

Deux plans, le premier de nous jusqu’à l’ouverture de l’espace premier sur un espace extérieur où on voit une ville qui brûle.

Un plan, si l’on considère que ce qui se passe dans le fond est un décor peint et que le tout est dans un même plan.

Peut-on imaginer mettre un premier plan avant le tapis ? Non, parce que alors on coupe le rocher. Et peut-on dire que cet espace est d’une autre nature que le reste.

POUR RAPPEL : En Histoire de l’ art, il faut, dans ce point plan, prendre conscience des types d’espaces différents que l’artiste met en œuvre. Ce n’est pas le même travail qu’en dessin par exemple ou les plans seront conditionnés par les objets qu’ils contiennent.

2 LIGNES DE DIRECTION

La diagonale manifestée par le personnage… pour que ce soit une diagonale on devrait avoir des éléments qui relient les deux coins opposés, ce qui n’est pas le cas ici. On dira plutôt une oblique posée sur la diagonale.

C’est cependant intéressant que ce soit cette ligne diagonale qui s’impose à notre esprit. Souvenons nous que la diagonale est une ligne de tension.

3 FORMES GÉOMÉTRIQUES

Un triangle quelconque, un triangle dont chaque segments à une longueur différente. Et, dont deux angles sont hors cadre. Il est important de prendre ce point en compte car il nous servira pour construire un effet recherché dans la suite de l’analyse.

Des cercles…, nous n’en tiendrons pas compte ici, ce sont de petites formes qui tiennent plus de la construction du dessin d’objets que de la forme globale de la composition.

4 LA COULEUR

Feutrée, sobriété, ne sont pas des termes de vocabulaire émotionnel mais ils peuvent servir à trouver des émotions. Feutrée peut mener à douceur, sobriété à calme. Peut-on dire d’une couleur qu’elle est tempérée ? Oui mais c’est descriptif, on pourrait le mettre dans l’intensité.

On ne fait pas toutes les couleurs, quelques-unes des plus marquantes suffisent pour dégager l’intention de l’artiste.

5 LA LUMIÈRE

Possible / Impossible /Sa source

La situation de lumière est totalement inventée par l’artiste. Sa source est la couleur. Rembrandt est un Maitre du clair obscur, il nous propose ici une lumière très travaillée qui nous donne l’illusion d’un éclairage possible. C’est une lumière contrastée, ce qui est le but du procédé clair obscur. En effet, l’artiste met la lumière où il veut amener notre regard.
Ne peut-on imaginer une ouverture qui laisserait entrer de la lumière ? Une vraie lumière irradierait en cercles concentriques alors qu’ici on a des zones très éclairées et d’autres laissées dans l’ombre. On passe d’une intensité d’ombre à une intensité lumineuse. Et puis dans ce plan extérieur une lumière bizarre… « qui ressemble à son manteau », en effet et cela nous servira pour la suite.
La couleur de la lumière : elle est jaune, ocre, bleu grise, un peu verdâtre, et bleue à l’extérieur.
L’aspect émotionnel de la lumière : si j’avais le bleu vaporeux qui est près de son genoux comme lumière dans ma pièce de vie je me sentirais : apaisée, cafardeuse, protégée, rassurée,…

6 LA PERSPECTIVE

Sommes nous d’accord qu’entre le bord du tableau et le fond il y a un espace et une profondeur ?
Quelle type de perspective Rembrandt a-t-il utilisé ? Chromatique et aérienne.
De la perspective aérienne, c’est à dire construite par la lumière. Il y a des zones de lumière qui nous permettent de conscientiser un espace. Par convention, on part toujours de soi pour aller vers le fond du tableau. Et, il commence par poser un espace sombre, puis un peu moins. Ensuite, Jérémie est dans un espace très lumineux avec même des coups de flash sur le front et sur les objets posés à côté de lui. Après la lumière est plus assourdie dans des tons de gris. A côté, une lumière plus dorée du fait des ocres, suivie d’un éclat un peu verdâtre donc plus sombre. Dans le haut des zones très sombres et dans cet espace que certain.e.s on qualifié d’extérieur, elle est d’une autre nature encore avec un rappel du bleu du manteau comme on l’a dit plus haut. Mais dans cet espace elle est homogène avec un coup d’éclat orangé.
Ce sont donc bien ces différentes qualités de lumières qui nous font percevoir l’espace et grâce auxquelles nous avançons dans l’espace du tableau.

La perspective chromatique :

il n’y a pas de perspective linéaire, ni de Sfumato. Il y a du flou à divers endroits mais pas au sens du Sfumato qui est le flou progressif vers le fond.

7 LA FACTURE PICTURALE

Si je passe la main sur le tableau, c’est :

C’est lisse mais pas comme chez Ingres. Il y a du relief, des ondulations mais ce n’est pas très marqué.

Qualité de la matière :

La texture serait yaourt fluide,

La touche est :

perceptible et imperceptible. Multiple, elle passe du fondu plat à des touches plus épaisses. Cela donne un résultat de zones floues et d’autres de précisions plus importantes sans atteindre la netteté d’un Van Eyck.

Geste de l’artiste :

Concentré, très maîtrisé et pour les zones de fondu souple, instinctif. C’est l’aspect paradoxal des œuvres de Rembrandt.

Humeur : à la fois concentrée et désinvolte

III LES EFFETS RECHERCHES

Construction d’un effet recherché

LE PLAN

  • Perplexe, par le plan unique qui me fait penser à l’intérieur d’un temple où d’un tombeau.
  • Petite, par le plan unique qui me transpose dans un temple ou dans un tombeau gigantesque.

Ce qui est intéressant c’est de voir que les émotions peuvent servir à plusieurs procédés techniques.

LA, LES LIGNES

  • Emphatique par la diagonale qui place Jérémie dans une attitude de lassitude.
  • Agacée par l’oblique qui n’est pas une diagonale qui me donne envie de bousculer le bonhomme.
  • Les deux sont tout à fait acceptables c’est ce qui est intéressant, si la phrase est bien construite émotion+ procédé technique et son explication + une causalité qui relie émotion et procédé c’est que nous créons un dialogue avec l’oeuvre en apportant notre point de vue, les un.e.s l’empathie, la compassion et les autres l’agacement. Face à l’art nous apportons notre bagage culturel, émotionnel, notre vécu individuel. Cela nous permet d’avoir des réactions spontanées et des discussions. De temps en temps il faut être un peu subversifs, subversives.

LA, LES FORMES GEOMETRIQUES

  • Compatissante par la forme géométrique triangulaire hors cadre qui me rapproche du personnage.

LES COULEURS

  • Triste par ce cercle chromatique dont le bleu terne, fade m’invite à soutenir le personnage.

LA LUMIERE

  • Apaisée par la lumière ocre jaune qui donne envie de s’y lover.

LA PERSPECTIVE

Quand on est coincé.e on fait le travail à l’envers et on se demande ce qui pourrait fonctionner avec la perspective aérienne, qui semble plus facile à traiter. Selon que nous la percevons de manière positive ou négative cela donnera :

  • Apaisée par la perspective aérienne qui génère un espace contrasté d’ombre et de lumières qui m’évoquent les brumes de l’endormissement.
  • Cafardeuse par la perspective aérienne qui génère des lumières très contrastées d’ombres et de lumières qui m’angoisse.

LA FACTURE PICTURALE 

  • Intriguée par la facture picturale différenciée, multiple, qui me donne envie de toucher, de regarder, pour mieux comprendre. Le choix de la reproduction pour faire un travail d’analyse. Il est en effet important de trouver une reproduction la plus proche possible de la réalité de l’œuvre. Mais ce n’est pas toujours évident. Lors d’une analyse on se base sur un document et peut-être que si on a la chance de voir l’œuvre en vrai nos impressions générales en seront modifiées.

IV LE CONTEXTE CULTUREL

Dans ce paragraphe on rassemblera des informations nécessaires à la compréhension de l’œuvre.

Le contexte historique, sociologique, économique :

On introduira dans ce paragraphe les informations à propos du contexte de création ; si cela a eu une influence sur l’œuvre.

Par exemple : une analyse de Guernica de Picasso devra évoquer dans son contexte culturel le moment historique, guerre d’Espagne. Si cela n’apparaît pas on passe à côté de quelque chose.

Le contexte historique, sociologique, culturel.

Nous sommes au 17ème siècle, en 1630 au Pays-Bas qui ne porte pas encore ce nom là. C’est le siècle d’or de la peinture hollandaise. On l’appelle même âge d’or entre 1584 et 1702. Charles Quint et de Philippe II d’Espagne règnent sur une grande partie de l’Europe. Il y a constitution d’une nation que l’on nommera les 7 provinces des Pays-Bas Espagnol.
Le conflit entre les habitants du nord qui ont une tendance à l’expression de la liberté de culte alors qu’au sud, les gouvernants sont catholiques une révolte et une guerre civile aboutiront à la création de la République des Sept Provinces Unies des Pays-Bas en 1581.

Quand, à Leyde, en 1630 Rembrandt peint son tableau nous sommes déjà dans cette configuration ou les Sept Provinces Unies des Pays-Bas sont une République et sont en majorité protestantes mais les catholiques ne sont pas inquiétés d’ailleurs Rembrandt lui même reste un fervent catholique. On est donc dans une ambiance de liberté de culte, de travail, d’opinions,… De nombreux écrivains, d’intellectuels vont se réfugier là-bas comme Descartes, Spinoza, ils y travailleront enseigneront et publieront en toute liberté. La peinture va connaître un moment de gloire majeure et beaucoup de peintres vont devenir marchands d’art. Ils géreront leurs ateliers, qui se développeront et s’agrandiront pour produire de grande quantité d’œuvres. Et qui dit augmentation de la production dit rationalisation du travail. Les apprentis se spécialiseront qui dans les fonds, qui dans les structures architecturales, les fleurs et les animaux, les cheveux et les barbes,… Rembrandt avait alors entre cent et cent cinquante personnes sous ses ordres. Au départ d’une esquisse qu’il a exécutée, il leur répartissait la tâche en fonction de leur spécialité et donnait des indications précises de ce qu’il voulait quant aux couleurs ou à la facture picturale. Lui, passait à la fin donnait quelques coups de pinceaux et apposait sa signature. Ce procédé de travail était réservé aux commandes qui étaient énormes à l’époque. Le mécénat religieux et ses grands tableaux ou institutionnel et la peinture d’histoire du Moyen-Âge ou de la Renaissance ont disparu. L’émergence d’une société bourgeoise qui s’est enrichie grâce au commerce maritime qu’entretiennent les Provinces Unies des Pays-Bas avec une grande partie du monde. Ces riches commerçants éprouvent le besoin de montrer leur richesse et la peinture est un des moyens d’étaler celle-ci. Il y aura pléthore de sujets profanes qui seront traités : les portraits individuels seront une demande croissante, les scènes de familles ou les assemblées de congrégations seront également très prisées. Trois grandes figures vont émerger de ce Siècle d’or de la peinture : Frans Hals, Vermeer et Rembrandt dont nous parlons ici.

L’artiste

On introduira dans ce paragraphe les informations à propos de l’artiste nécessaires pour mieux comprendre l’œuvre. Il s’agit d’être concis.e, de choisir les éléments relevants et en rapport avec l’œuvre de ne pas se perdre dans trop de matière.

Reprenons l’exemple Picasso, est-il important, si on analyse Guernica, de raconter qu’il s’est marié x fois, non. Par contre évoquer son origine espagnole, les engagements politiques du moments voilà qui est primordial.

Rembrandt dont nous analysons le tableau intitulé « Jérémie se lamentant de la destruction de Jérusalem ». Né à Leyde, dans une famille d’artisans, très jeune il ressentira l’appel pour tout ce qui est expression artistique. Il fera son apprentissage chez un peintre à Amsterdam. Il est très doué et très rapidement il ouvrira son propre atelier. Il s’initiera à la gravure :

Il produira jusqu’à trois cents gravures réalisées à partir de plaques de cuivre.
Il se marie avec Saskia van Uylenburg elle lui servira de modèle dans de nombreux tableaux et pour de nombreux dessins. Fille d’un très grand marchand d’art qui lui ouvrira les portes de clients potentiels. Sur les quatre enfants que Saskia mettra au monde un seul atteindra l’âge adulte.

Il va s’acheter une très grande maison à Amsterdam où il installe son magasin d’art. Il vit grand train.

Après la mort de celle-ci en 1642, elle aura stipulé dans son testament que Rembrandt pourrait jouir de son héritage à condition qu’il ne se remarie pas.

Il aura une concubine Hendrickje Stoffels qui deviendra également son modèle.

Rembrandt à bon caractère mais il est bien trempé et il sait ce qu’il veut cela va transparaître dans les nombreux autoportraits qu’il réalisera tout au long de sa vie, une centaine : peinture, gravure, dessin. En peinture, c’est la facture picturale qui l’intéresse, il s’y exercera toute sa vie.

Rembrandt Autoportrait 1640 – Huile sur toile – 92×76 National Gallery Londres

Zeuxis ou Zeuxippos est un peintre grec d’Héraclée qui aurait vécu de 464 à 398 avant J-C. Jouant sur les couleurs et les contrastes d’ombres et de lumière, il excellait à donner l’illusion de l’espace.

Dans son autoportrait en Zeuxis on voit la matérialité de la facture picturale, qui donne de la vie au sujet et proposant cela, à ses client.e.s, il va perdre de son aura. Aujourd’hui c’est le portrait que l’on retient du fait de la modernité de cette touche picturale qui est très vingtième siècle. Il périclite perd beaucoup d’argent et meurt dans la pauvreté. C’est cependant le maître du clair obscur, d’une certaine intimité qui permet d’être en contact avec l’intériorité des personnages.

L’œuvre

On introduira dans ce paragraphe les informations à propos de l’œuvre proprement dite.

  • Date de création
  • Les dimensions
  • Le commanditaire
  • La genèse de l’œuvre, pourquoi, comment,…
  • Le sujet de l’œuvre, il est intéressant d’en donner des informations si on en trouve.
  • Les matériaux utilisés, huile sur toile, huile sur panneau, techniques mixtes, …
  • le courant artistique.

Il est important d’avoir un point de vue META, une vue globale de ce qui entoure l’œuvre et à propos de l’artiste qui l’a créée. On peut bien sûr étoffer ce contexte culturel pour une satisfaction personnelle mais dans une épreuve de fin d’année le professeur ne lira pas tout.

A savoir, si vous êtes dans un musée face à une œuvre que vous ne connaissez pas et pour laquelle vous n’avez aucunes informations de contexte culturel vous pourrez quand même dégager un message.

Jérémie prophète reconnu tant dans la Bible que dans le Coran était appelé le prophète pleureur, on lui doit aussi le terme de jérémiades. Selon la tradition il aurait écrit : Le livre de Jérémie, Le livre des rois, Le livre des lamentations. Ses paroles sont citées tant dans Le nouveau testament que dans le Coran.
Il a été appelé par Dieu à prophétiser la destruction de Jérusalem par les envahisseurs du nord. Le tableau représente la scène après la destruction. Jérémie se lamente sur la vanité (symbolisée par les objets de valeur qui sont auprès de lui) des hommes.

V LE MESSAGE 

Le sujet :

Une description  succincte :

  • Le prophète Jérémie abattu, résigné, se lamentant ( c’est dit dans le titre) et derrière lui, la destruction de Jérusalem. Il est dans un espace informel.

Les procédés techniques importants :

En 2D il y en a 7.

Rembrandt a utilisé pour peindre ce tableau :

  • Le jeu complexe de la lumière,
  • La facture picturale riche et différenciée.
  • L’oblique posée sur la diagonale qui amplifie l’effondrement
  • La forme géométrique triangulaire avec ses angles hors cadre qui nous rapproche du personnage
  • Le peu de plans qui nous confronte au sujet.

Les éléments de contexte culturel importants:

Liberté de culte, de pensées, quelque soit la religion à laquelle on adhère.

LE MESSAGE

Assembler les éléments retenus et en faire un texte.

Il nous parle de la résignation de Jérémie face à la catastrophe qu’est la destruction de Jérusalem et de son impuissance.
Aujourd’hui, si on ne sait pas qui est Jérémie et qu’on ne connaît pas la prophétie on dira quoi ?

  • On parlera de la solitude, de la tristesse, de la ruine,
  • De la possibilité de perdre, de déchoir
  • d’impuissance,

On peut parler d’universalisme pour ce tableau. Sans connaître le contexte culturel et notamment l’histoire de Jérémie, on est touché par l’accablement qui se dégage du personnage.

On pourrait résumer le message à : L’HOMME ACCABLÉ PAR LE DESTIN.