Cette nouvelle thématique est en lien avec les procédés techniques d’Analyse Esthétique. Elle est relative à la 2D comme à la 3D et en lien avec les ateliers artistiques suivis à l’Ecole des Arts.
Il y a beaucoup plus d’écrits sur le procédé technique lumière dans la peinture, ou la 2D en général que dans la 3D.
DÉFINITION :
Selon la physique, la lumière désigne un ensemble de radiations électromagnétiques appréhendées par l’œil humain composée de photons ou quantum d’énergie lumineuse. Tous les organismes vivants ont besoin de plus ou moins de lumière pour vivre et se développer. L’être humain perçoit les ondes électromagnétiques de la lumière visible pour autant qu’il y aie assez de luminosité.
La lumière est intimement liée à la notion de couleur. Au XVIIème siècle, Newton propose un cercle chromatique basé sur la décomposition de la lumière blanche.
Du point de vue physiologique l’œil est composé de plusieurs parties dont la rétine qui tapisse le fond du globe oculaire. De forme concave, elle est composée de cônes et de bâtonnets qui réagissent aux différentes longueurs d’onde de la lumière. Les informations captées par la rétine sont transmises via le nerf optique à notre cerveau qui analyse et renvoie ces informations vers nos systèmes de références culturels. On comprend aisément que nous ne voyons pas les couleurs de manières semblables sachant que nos rétines sont multiples et différentes.
La lumière est importante et en lien avec la vue puisque sans lumière pas de couleur, et sans lumière impossible de prendre conscience de toutes formes ou objets en 2D ou en 3D.
- Et du point de vue de l’artiste ? Pour le sculpteur ou celui qui travaille la 3D, la lumière va mettre l’œuvre en valeur, le volume et le vide, les creux, les reliefs, les états de la surface ou autrement dit la matière dont est fait l’objet.
Pour rappel les trois phénomènes lumineux en lien avec un volume :
1) La lumière est absorbée c’est ce phénomène qui permet de prendre conscience de l’objet, de sa forme, de son volume, de sa matière et éventuellement de sa couleur.
2) La lumière est réfléchie c’est-à-dire qu’elle percute l’objet et revient vers le spectateur, repart dans l’espace.
3) La lumière révèle les jeux d’ombres et de lumières créés par les creux et les reliefs.
Elle peut aussi mettre en évidence les transparences. L’utilisation de la lumière ouvre des perspectives de travail, de réflexions, d’intentions artistiques importantes.
Dans une 2D, c’est une illusion d’espace que l’artiste va créer. La lumière sera un des procédés techniques utilisés pour créer cette illusion. La matière utilisée aura aussi un effet : l’aquarelle ne va pas donner le même résultat que l’acrylique ou la peinture à l’huile sans parler des autres médium qui existent. Le fond, support, et sa préparation auront également un impact sur la réception de la lumière à la surface de l’œuvre.
Les artistes comme Van Eyck et autres de ses contemporains ont compris qu’il fallait absolument avoir une base composée d’une surface blanche, pour que les rayons de la lumière qui traversent les différentes couches de peinture percutent le fond blanc qui, amplifiant la réflexion lumineuse, renvoie toutes sortes d’informations colorées.
Le peintre a un challenge, comment va-t-il « saisir », prendre cette lumière et l’apposer sur cette 2D ? Souvent, on parle de la source de la lumière, qui vient d’un extérieur, et éclaire l’intérieur de l’œuvre. On parlera de source de lumière possible, on peut la situer; mais, elle peut aussi venir vers nous, à partir de l’intérieur et alors on parlera plutôt de lumière inventée par l’artiste.
Travailler la lumière, implique de maîtriser les reflets, les silhouettes, les modulations de la lumière, les comprendre. Par exemple dans l’espace où vous vous trouvez, il y a des modulations de la lumière qui sont diverses, ça paraît facile, comme ça quand on les voit, mais les retranscrire sur une toile, c’est une autre histoire.
Le travail complexe de l’ombre, peut être très modulé : de très légère à une ombre intense, jusqu’à arriver au clair-obscur et enfin à l’obscurité totale. Avant d’arriver à ce stade, il y a aussi des notions de crépuscule, les entre-deux, tout cela est très riche en sujets à exploiter. On verra que les artistes ont cherché et trouvé énormément de possibilités en matière de lumière.
LA NOTION DE REFLETS DANS LA 2D
La réflexion de la lumière sur une surface : ce reflet peut être tout à fait homogène (produire une lumière identique sur l’ensemble de la surface) ou modulé (zones de lumière différentes). Les reflets vont mettre en évidence l’apparences des matériaux dont sont fait les objets. Une lumière qui se reflète sur un pot en étain ne sera pas du même effet que sur de la porcelaine ou du bois, une carafe de verre, ou sur du tissu de laine ou de soie, …. Grâce à la science physique, on sait que les objets réagissent différemment, parce que les propriétés physiques des matières qui les composent sont différentes. Quand la lumière percute un objet, il peut y avoir : réflexion, diffusion, réfraction, dispersion, absorption. Il y a un lien entre la nature même de la matière de l’objet et le rayon de lumière qui va le percuter.
Le peintre figuratif va tenter de représenter la matière de la manière la plus naturaliste possible et d’imiter le plus fidèlement la réalité de la réaction de la lumière sur ces différentes matières.
Le premier reflet qui est exploité, depuis très longtemps, c’est le reflet cornéen, le reflet dans l’œil.

Portrait de Paquius Proculus et de son épouse, artiste inconnu, 20 après JC, 58×53 cm Fresque de Pompéi
Pompéi à été fondée au VI ème siècle av JC et détruite en 79 après JC.
Petites billes blanches, reflets de la cornée, le premier dans l’histoire de l’art.
Pourquoi les artistes ont ressenti la nécessité de générer du reflet dans l’œil ? Pour l’aspect de véracité, la vie, un œil qui luit vit. Ce petit point manifeste de la vérité, il permet de dépasser l’illusion de la 2D, à l’époque déjà, l’artiste a l’intention de nous faire croire en la réalité de ces deux personnages. On ne voit pas bien le petit point blanc dans l’un des yeux du personnage masculin, parce que la peinture a été abîmée.
Des reflets sur le front, l’arête du nez, les joues, les boucles d’oreille ajoutent du modelé et de la vie. La lumière est déjà une préoccupation des artistes. On a l’impression que les personnes devant nous sont bien vivantes. Un lien se crée entre le spectateur et les personnages. Les portraits, déjà à ce moment-là, sont assez corrects en termes de représentation. Fresque murale, elle a été décollée et transformée en tableau.
Les portraits de Fayoum
En Égypte, du 1er siècle jusqu’au IIIe siècle après JC, c’est la culture grecque qui prévaut alors que le pays est sous domination romaine. L’Égypte a gardé un culte, une vénération pour Osiris, dieu qui s’occupe du passage entre la vie et l’au-delà.
Ce sont plus de mille portraits qui ont été trouvés dans le cadre de fouilles archéologiques. On constate une diversité de type morphologique, elles, ils ne sont pas tous habillés à l’Égyptienne, mais pour beaucoup d’entre elles, eux, à la romaine. Politiquement, l’Empire romain s’étend dans tout le bassin méditerranéen et jusqu’en Grande Bretagne. Fayoum, est une fausse oasis elle est alimentée par un diverticule du Nil construit en -2300, c’est une des plus ancienne zone agricole d’Egypte. C’est, à l’époque, un lieu caractéristique par sa multiculturalité, en termes de religion, de langues, et d’expression artistique. La population est en pleine croissance. Et bien qu’ils écrivaient et parlaient en grec, la population d’origine grecque a adopté des traditions et des rituels de la culture égyptienne comme les rituels de momification.
Les gens organisaient leur futures funérailles, ils croient en la vie après la mort, ils envisagent facilement de préparer les rites funéraires. Les femmes sont bien habillées, se sont parées de leurs bijoux… la peinture les révèle avec un beau visage, un beau sourire. Ce qui crée un paradoxe, puisqu’on présente une personne sous son meilleur jour, alors qu’elle est morte. Des bandelettes de tissu de lin entourent le corps, le portrait est apposé sur la tête de la momie. Les peintres, considérés comme des artisans, « employés des pompes funèbres » exécutaient les portraits, du vivant de l’individu représenté qui le gardait dans sa maison. Réalisés sur le côté convexe d’une lame de bois légèrement incurvée, posée sur le corps et entourée de bandelettes pour que le portrait fasse corps avec la momie. Créer l’identité du défunt par une représentation la plus réelle possible avait pour but de garder intact l’essence de l’individu et l’aider au moment du passage au royaume d’Osiris.
Le reflet dans les yeux est travaillé de manière à nous montrer la source de la lumière : en haut à gauche, comme pour nous faire entrer dans l’espace du personnage. De cette manière le peintre nous met en contact avec la personne pour l’ancrer plus dans la vie. Comme si on était à la place du peintre, en face du personnage, proche de lui.
Par l’axe mis sur la lumière et sur le jeu déjà complexe de celle-ci, l’artiste nous offre une perception de son sujet surprenante de véracité.
Les peintures sont en général réalisées sur bois, mais parfois sur du lin durci. La peinture utilisée est de l’encaustique, des pigments mélangés avec de la cire d’abeille, en plusieurs couches, de manière à obtenir la richesse de la couche picturale. Cette excellence de la couleur afin de reproduire la vie.
Deux méthodes : à l’encaustique, les portraits sont plus brillants, grâce à la cire. L’autre technique, c’est la tempéra : peinture à l’œuf (pigments mélangés au blanc ou jaune d’œuf). Certains portraits comportent quelques éléments en feuille d’or. Ces feuilles d’or vont avoir une action intéressante, puisque la lumière va mieux se refléter sur les parties dorées. On peut croiser le regard des portraits de Fayoum, en Égypte, à Londres, à Los Angeles où ils sont exposés.
Pendant toute une période on ne trouve plus de reflet cornéen dans la peinture.
Il réapparaît au moment de la renaissance flamande et du Nord.

Portrait d’Hiéronymus Holzschuher par Albrecht DURËR, , 1526. Peinture sur bois 51×37. Renaissance du Nord.
Durër est dans un Naturalisme assez incroyable, observez la texture, la perfection du rendu des matières, les poils de barbe, les cheveux, le col de fourrure, …
Quelle est l’intention de Durër en montrant la fenêtre dans ce reflet cornéen? Montrer le monde extérieur. Nous sommes à la Renaissance, la phrase « magique » à retenir : l’humain au centre de son environnement, dans une dimension d’humanisme. La religion est toujours là mais, elle va être placée au second plan et, au premier plan, l’humain associé à la compréhension de son environnement. Avec le développement des sciences, on va de mieux en mieux comprendre le monde, l’espace dans lequel l’homme vit, l’espace sur terre, mais de plus en plus aussi le système solaire ; cette dimension de l’environnement est essentielle pour un artiste de la Renaissance.
Mais nous revenons à notre thématique sur la lumière avec un gros plan sur les yeux : reflets d’une fenêtre en quatre parties dans chaque œil. Le détail du reflet de l’œil droit montre les 4 parties d’une fenêtre, à gauche, dont l’une de ces parties se résume, à juste un tout petit point.
Quand Durër s’attache à faire la fenêtre à 4 parties, dans le petit œil (la taille du tableau de 51×37, et donc la taille de l’œil de peut-être 1 cm de diamètre, l’iris et, dans l’iris, le reflet). S’il éprouve la nécessité de montrer la fenêtre, c’est pour nous donner accès à l’espace du personnage, à sa gauche plus précisément. C’est vraiment pour donner de l’ importance à cette notion de l’humanisme : l’homme dans son univers. L’artiste renaissant, en général, beaucoup plus précautionneux pour montrer l’arrière-plan s’attache à peindre avec grand soin un personnage dans une pièce, avec une fenêtre qui donne un accès visuel sur un paysage peint dans tous ses détails.
La philosophie de l’humanisme, met en évidence que l’homme a la possibilité de prendre son destin en main, de réfléchir et d’agir. À ce moment-là, la représentation de l’humain en tant que tel, va devenir fondamentale, alors que précédemment, au Moyen-Âge, les personnages ont presque tous le même visage. À la Renaissance, les traits de visage sont individualisés. Avec le développement des villes et l’apparition d’une nouvelle classe sociale, les bourgeois (habitants du bourg), le développement économique important, et l’acquisition de possibilités financières, il est d’un certain intérêt de se montrer, montrer l’individu que l’on est. C’est comme cela que le portrait émerge.
Ces portraits vont avoir aussi une fonction politique ; on est toujours dans une procédure médiévale pour l’acquisition de territoires. Comment peut-on acquérir de nouveaux territoires ? Par la guerre, mais c’est difficile, c’est onéreux, compliqué. La deuxième démarche plus facile, c’est le mariage. On va utiliser les filles associées aux terres, comme monnaie d’échange, essentiellement dans les hautes couches sociales, la noblesse, c’est-à-dire, les rois, les princes, mais également les comtes et ducs. Les artistes sont convoqués pour peindre les portraits des jeunes filles, qui seront envoyés au potentiel parti, afin d’aider aux négociations. De temps en temps, l’artiste est sollicité pour enjoliver les portraits, mais pas trop. Ainsi, on peut dire que l’artiste était très mauvais… en cas de déception à la rencontre établie entre les futurs époux !
Durër est très en lien avec les sciences de son époque, tout comme la plupart des artistes renaissants qui veulent comprendre au mieux leur environnement, le monde dans lequel ils vivent, au-delà de la sensibilité qu’ils ont envers les contextes religieux, historique, philosophique et économique.
LE MIROIR
À l’époque, on ne sait pas encore réaliser de miroir plane, il faudra encore un certain temps avant de l’inventer.
Ils fabriquent des miroirs concaves et convexes ; concave (creusé) : la courbure va vers l’intérieur, la lumière qui percute la surface est réfléchie et l’image est amplifiée. Pour le miroir convexe (bombé), la lumière se réfléchit et l’image est diminuée.

Jan Van Eyck Les époux Arnolfini, 1434, (82,2×60) huile sur panneau de chêne
National Gallery Londres
Célèbre tableau, le plus connu avec miroir, ou un intérieur bourgeois est représenté, il marque un tournant de l’art sacré vers l’art profane.
Nous sommes à Bruges, port maritime le plus important de l’Europe à ce moment-là, parce qu’il ouvre vers toutes les autres contrées, contrairement à l’Italie, puisque ses ports ne s’ouvrent, eux, que sur la Méditerranée. Bruges fait le lien entre le Nord et la Méditerranée. Elle est riche, très commerçante. Par la suite, le sable va rentrer dans l’estuaire et Bruges ne sera plus en contact avec la mer.
Les Arnolfini sont italiens. Monsieur et sa jeune épouse, c’est un tableau qui représente un mariage, et non pas un heureux événement à venir ! Le moment se situe en hiver, on le voit bien avec la tenue du mari, son manteau bordé de fourrure, son chapeau. La robe de l’épousée, c’est du velours, qui est doublé, matelassé de laine et bordé de fourrure. L’ensemble fait certainement de 2,5cm d’épaisseur. Elle a pris un morceau de sa robe qu’elle plaque contre son ventre, le tissu compte certainement 15cm d’épaisseur, de plus la mode de du XVem s. voulait que les femmes aient un ventre proéminent ce qui est obtenu par un coussinet placé sous la robe et la ceinture haute, elle est certainement fort encombrée.
C’est un couple aisé, les vêtements de tissus luxueux, un intérieur bourgeois, le lustre est travaillé, ciselé, le lit à baldaquin, l’ameublement, les tapis, le petit chien symbole de fidélité, les sandales de bois, … C’est une maison où les fenêtres ne sont pas en verre blanc, c’est du verre soufflé et coupé en « tranches ». Et surtout des fruits, des oranges, il y en a sur le bord de la fenêtre. Les oranges viennent d’Espagne et coûtent cher. Tout ceci illustre la richesse dont jouit le couple.
Dans ce tableau, il y a plein de références symboliques dont nous avons perdu le sens et d’autres qui sont parvenues jusqu’à nous, une seule bougie allumée renvoie à la flamme, la lumière éternelle, la lumière de Dieu. Les tentures du lit protègent l’intimité et conserve la chaleur. Il n’y a pas encore de cheminée dans les chambres à l’époque. Les jeunes filles étaient mariées très jeunes, et c’est courant qu’elles soient mariées à des hommes plus âgés.
Zoom sur le fameux miroir : c’est un miroir convexe, bombé, il fait 12-13cm de hauteur. On y voit le chemin de croix autour du miroir, sous forme d’émaux. Dans ce miroir, se reflètent les deux époux de dos, le coffre et les oranges. La fenêtre ouvre sur un espace extérieur, on est dans l’attitude d’un artiste renaissant qui nous fait comprendre que c’est la ville, espace d’activités du marchand et ouverture sur le monde extérieur.
Il y a deux personnages en vêtement rouge pour l’un et bleu pour l’autre, que l’on voit de face, qui se tiennent devant les époux. Ces personnages, c’est comme si c’était nous, les spectateurs de la scène. Derrière eux, l’espace est sombre et on distingue une petite embrasure qui nous fait deviner un deuxième espace. Et là encore un petit point de lumière.
N’est-ce pas une mise en abîme ? Souvent dans les vraies mises en abîme, il y a une répétition d’une même scène à l’infini. Ou serait-ce la représentation d’un peintre en train de peindre ou encore un tableau dans un tableau? Ici, on voit une ouverture vers d’autres espaces. On observe de la perspective linéaire : sol, baldaquin, plafond; de la perspective chromatique : du rouge et du bleu au milieu de tons assez uniformes et de la perspective aérienne : 4 zones de lumière, dans ce tout petit espace ! Rien que dans le miroir !
Dans le traitement de l’espace : il y a la perspective linéaire, mais on constate également un reliquat de la perspective « boîte », avec le volume de la pièce représenté par un parallélépipède rectangle.
Au niveau des plans, que se passe-t-il ? Sans compter le miroir, combien de plans ?
Rappel : définition du plan en HA : une portion d’espace suivie d’un autre espace entre lesquels on peut glisser une vitre SANS QUE CELLE-CI NE COUPE AUCUN ÉLÉMENT. Si la vitre coupe quelque chose, on ne peut pas considérer qu’il y a un autre espace. Cela signifie que l’on est dans un seul plan.
MISE AU POINT : Les Primitifs flamands : en comparant les peintures italiennes et flamandes de la Renaissance, les historiens d’Art du XIXeS, ont qualifié les artistes du nord de l’Europe de « primitifs » car ils traitaient au premier plan des sujets encore religieux, pas ici mais dans beaucoup d’œuvres de l’époque, alors qu’en Italie, ces sujets-là, passent au second plan. De plus, le traitement de l’espace apparait moins aboutit chez les flamands. Actuellement et de plus en plus dans les références, on parle de RENAISSANCE FLAMANDE (avec l’humanisme et l’homme au centre de son environnement), parce que ces « primitifs » se révèlent être, en outre, très performants de par la qualité de leurs techniques, mais également par l’esprit renaissant dont ils font preuve dans leurs choix de composition, de représentation et dans leurs intentions.
Revenons à notre couple représenté dans son univers bourgeois, mais c’est bien un couple de la Renaissance, inscrit dans son univers, son environnement intérieur et extérieur.
Combien de plans ?
• Le plan 1 = la pièce où se trouve le couple (espace intérieur)
• Le plan -1 = les personnes en rouge et en bleu dans le miroir = même espace mais hors cadre, hors du tableau qui illustre un espace existant. Dans ce – 1, il y a aussi une vue sur ville par la fenêtre, à gauche, donc un autre espace.
• Le plan -2 = embrasure et espace noir dans le miroir (espace intérieur).
• Le plan -3 = la petite fenêtre, petit rectangle blanc (espace intérieur).
• Même si ces plans laissent deviner l’extérieur, on les comprend à partir des espaces intérieurs. On se contente de les citer.
Le rôle de la lumière : matérialisation de toutes les réalités de ce couple, sa richesse, sa vie à Bruges, la ville commerçante et riche, le port, mais surtout, toute la complexité de ces espaces. C’est le rôle essentiel de la lumière dans ce tableau.
Une inscription sur le mur du fond, au-dessus du miroir, inscrite en latin, « JAN VAN EYK FUT PRÉSENT » donne à penser aux spécialistes de ce tableau que Van Eyck s’est lui-même représenté dans ce tableau. Il serait l’un des personnages du plan -1.
Quand il y a du reflet : ATTENTION ! Il faut se méfier : ouvrir grands les yeux, bien réfléchir à ces notions d’espace. Le travail du miroir permet de représenter l’espace, mais ce qui est à comprendre, c’est que Van Eyck éclate complètement les limites de l’espace, même si ce tableau est, au premier abord, « classique » au niveau du sujet : un portrait. Le miroir, constitue trois plans à lui tout seul !
Plans : 4 plans intérieurs et des vues sur l’extérieur (pour matérialiser les espaces extérieurs).
Perspectives :
Linéaire : les lignes du sol, du baldaquin, du plafond, qui portent le regard vers l’arrière de la scène et donnent une profondeur.
Chromatique = couleurs : grandes zones de couleurs, aplats de deux couleurs qui s’opposent, marron et vert, avec du noir d’un côté, du blanc de l’autre (organisation structurée). Derrière, du rouge qui ressort et un peu de blanc cassé et du marron clair, le rappel des zones intermédiaires (orange) avec le jeu de couleurs marron, vert et rouge en arrière-plan.
Aérienne : La lumière est-elle homogène sur les personnages ? Non, elle est contrastée. Beaucoup de lumière sur le visage du mari, malgré le chapeau qui devrait assombrir le visage. C’est une construction de l’artiste. On pourrait imaginer que le visage est éclairé par une fenêtre (qu’on ne voit pas), il est possible qu’il y ait une fenêtre. Mais on voit que l’artiste a délibérément posé de la lumière un peu partout, là où il le souhaitait. Les sandales hyper éclairées, la lumière sur les oranges posées sur le coffre, l’ombre portée sur le sac à tissus pendu au baldaquin, les ombres dans l’angle de la pièce, le mur plus éclairé, tout cela concourt à mettre en évidence un seul élément, le miroir. Le 1ersujet, ce sont les époux Arnolfini. Mais avec toute la complexité qu’il y a dans ce miroir, est-ce que le second sujet ne serait pas la gestion de l’espace ? L’espace, l’univers tellement enthousiasmant à l’époque, et que l’on commence seulement à comprendre.
Reliquat de la perspective « boîte », on sent la volumétrie de l’espace, on sent le parallélépipède rectangle dans lequel on entre. C’est tout-à-fait caractéristique des Renaissants flamands et de certains renaissants italiens, avant qu’ils ne maîtrisent bien la perspective.
Van Eyck est considéré comme l’artiste le plus important pour l’utilisation de la peinture à l’huile ; il n’en est pas l’inventeur, mais il va être celui qui va travailler un maximum cette technique, de manière à la maîtriser de façon incroyable. Il a l’idée d’y ajouter de la térébenthine qui va fluidifier le mélange d’huile de lin et pigments et ralentir le processus de séchage, ce qui va permettre de faire de minutieux détails. Il peint plusieurs couches successives, très fines, il attend qu’elles sèchent bien, afin d’éviter des dégradations par la suite. On peut aller jusqu’à une douzaine de couches, de l’ordre du micron. 12 couches, on atteint 1mm !
Quand la lumière traverse toutes ces couches, elle réfléchit le fond blanc, et quand elle revient, elle propulse sur nos yeux de la lumière colorée, qui nous fait prendre conscience du travail de la couleur. La lumière met en évidence l’espace mais aussi la couleur et donc la matérialité du sujet.
Pétrus est un élève de Van Eyck. Il a une certaine dextérité technique. L’espace intérieur, c’est la boutique, l’orfèvre et un couple de jeunes gens. Posé devant l’orfèvre, il y a aussi un miroir convexe, qui nous projette vers l’extérieur, où l’on voit deux personnages scrutant la vitrine, une rue et des structures architecturales, des maisons. Les gens regardent vers nous. Pétrus Christus nous met en contact avec l’extérieur et ces deux personnes, comme s’il y avait une communication entre ce qui se passe à l’intérieur et ces gens qui vont peut-être entrer dans la boutique.
Avant, on pensait que l’orfèvre était St Éloi, le Saint Patron des orfèvres, mais actuellement, on pense que c’est juste un orfèvre, qui a vécu au XV ème siècle. Il est en train de peser un anneau, symbole d’un mariage, celui du jeune couple placé auprès de lui. L’épouse et sa tenue vestimentaire : la ceinture juste dessous la poitrine, le tissu, du brocard.
Les objets posés sur l’étagère sont minutieusement représentés. La lumière va mettre en évidence la matérialité des objets, les reflets vont permettre de matérialiser leurs volumes, leur présence dans l’espace. Une ceinture posée sur la table en boucle évoque également le mariage et la pesée évoque la pesée des âmes lors du jugement dernier.
Un des paradoxes relevés dans l’œuvre de Christus, qui a une haute maîtrise des textures et des reflets : les personnages ont l’air «raides ».
Un détail du miroir : un oiseau, un faucon. Mais aussi, la perspective chromatique qui nous fait bien comprendre les différences de l’espace, les 2 personnages avec deux zones de couleurs importantes et contrastées, un espace intermédiaire avec la rue, des ocres et des marrons pour les maisons et derrière, un ciel dans les bleus . C’est comme pour le miroir des « Époux Arnolfini », les trois zones de couleurs bien définies nous font comprendre que ce sont des espaces différents.
Anvers au 16eme siècle est, un port international, la place la plus importante pour les échanges commerciaux dans le nord de l’Europe. Banquier, prêteur sur gage, vendeur d’objets sont nombreux et le commerce en pleine expansion. Dans ce tableau est matérialisée la véracité des divers objets : le métal, le verre, les petites perles, les monnaies d’or, celles-ci ont été étudiées par des spécialistes et elles témoignent de différentes origines géographiques.
Nous sommes dans un espace intérieur, une petite ouverture donnant un accès visuel à l’extérieur et, bien sûr, le miroir convexe. Où l’on voit un personnage assis, hors cadre et la fenêtre qui donne accès sur l’extérieur et un bâtiment : amplification de l’espace. Pour nous faire prendre conscience qu’on individualise les personnages, on les met en évidence, on modifie leur visage, ils ont des expressions (montrer leur humanité) et ils ont des activités, la dame lit un livre (oui à l’époque, les femmes avaient accès à l’éducation !). Mais l’intérêt de l’artiste, même si le tableau est certainement une commande, est d’y marquer sa position de citoyen renaissant humaniste, avec l’intention d’illustrer l’espace extérieur à travers le miroir. S’il n’y avait pas le miroir, attention de bien observer un autre reflet (sur la panse d’un vase en verre, posé sur l’étagère) où l’on voit également les parties de la fenêtre.
Metsys avait-il déjà compris où nous mènerait ce capitalisme galopant ? dans ce tableau il met en opposition humanisme et spiritualité.