Cet exposé doit beaucoup à la conférence de Stéphane VALDENAIRE Au cœur de l’art grec antique : la peinture sur vase. Ville de Saint-Louis, 2021. https://www.youtube.com/watch?v=kaDyU_oDExs
Les sites des musées qui mettent leurs collections en ligne me furent d’un grand secours, tant pour les photos que pour les descriptions des œuvres. Une partie des images vient de Wiki Commons.
1. Céramique mycénienne
La culture mycénienne, née dans les îles cyclades, trouve son apogée entre 1400 et 1200.
Ecriture : linéaire B
Langue : grec ancien
Organisation politique : plusieurs petits royaumes avec villes, palais et temples.
Dame de Mycènes, vers 1300 – 1200, fresque, hauteur : 53 cm, découverte dans la « maison de l’archiprêtre » de Mycènes. Musée archéologique d’Athènes.
Hypothèse : il s’agirait d’une déesse ?
L’expression sérieuse et pensive de la déesse révèle la solennité du moment, alors qu’elle accepte une offrande — un collier qu’elle tient serré dans sa main droite. Son corsage à manches courtes et chemisier donnent du volume à sa poitrine. Elle porte une coiffure travaillée et des bracelets et colliers.
La conservation des peintures murales est rare, nous savons pourtant par les textes qu’elle était très présente dans l’architecture d’intérieur et les auteurs nous ont transmis les noms des peintres les plus connus mais rien de ce qu’ils ont produit ne nous est parvenu. On étudie donc la peinture grecque à partir de la peinture des céramiques.
Vase aux guerriers, large cratère trouvé à l’acropole de Mycènes, 1150 avant notre ère. Musée national archéologique d’Athènes.
Groupe de soldats qui partent à la guerre. Ils sont représentés l’un à côté de l’autre (en file indienne), nous faisant croire qu’ils sont l’un derrière l’autre. Leurs jambes faites de courbes sont de profil et rendent leur mouvement réaliste. Leur tronc est de face, plat, leur tête de profil, avec l’œil en amande et un long nez pointu. Ils portent une tunique courte (chiton), des jambières et un casque à corne. Un petit sac contenant sans doute des vivres pend à leur lance.
Les boucliers sont derrière les corps, tenus par le bras gauche invisible, les lances passent devant les corps, tenus dans la main droite (dans le meilleur des cas). Ces éléments « devant et derrière » font comprendre la prise de volume dans l’espace.
De l’autre côté du vase, à l’arrière de la colonne de soldats qui s’éloignent, une femme les salue en levant le bras.
1200 à 1000 : déclin, destruction de palais, moins d’écrits, on entre dans ce que les historiens appellent « l’âge obscur. »
2. Période géométrique
Vers 1000, (re)naissance de l’art grec.
Amphore cinéraire (cendres d’un défunt). Protogéométrique attique, vers 975 – 950 avant notre ère. British Museum.
Peinture sombre sur fond d’argile assez claire. Bandeau à l’extérieur de la lèvre et à la base du cou, sur l’épaule deux séries de neuf cercles concentriques tracés au compas, puis trois bandeaux de différentes largeurs qui donnent un rythme à la composition. Tout en bas, de nouveau trois bandeaux minces. C’est la couleur claire qui domine.
Amphore noire du VIe siècle ACN, Péloponnèse, British Museum.
Les décors noirs des vases sont réalisés en barbotine et demandent trois phases de cuisson. La barbotine est obtenue lors de la décantation de l’argile dans l’eau pour en éliminer les impuretés. La terre la plus fine reste en suspension dans l’eau, elle est ensuite récupérée par évaporation de l’eau jusqu’à en faire une pâte fluide, la barbotine, qu’on peut utiliser comme engobe pour réaliser les décors peints sur la terre crue, voire encore humide.
Après séchage viennent les cuissons.
1. Première cuisson dans un four ouvert, en atmosphère oxydante à 900 degrés. La céramique est claire à la sortie du four, les parties peintes également.
2. Deuxième cuisson à 950° dans un four fermé, en atmosphère réductrice, en ajoutant du bois vert qui produit beaucoup de fumée. Le monoxyde de carbone dégagé provoque une réaction avec l’oxyde ferrique qui se transforme en oxyde ferreux et l’ensemble du vase noircit. Les parties peintes vitrifient, les parties non peintes restent mates et poreuses : la température de fusion de la barbotine est plus basse que celle de l’argile brute.
3. Troisième phase à 875° dans un four à apport en oxygène, la céramique reprend la couleur de la terre à l’exception des parties vitrifiées lors de la deuxième cuisson. Cette phase peut avoir lieu lors du refroidissement de la deuxième cuisson ou lors d’une troisième cuisson après la pose de nouveaux éléments décoratifs blancs ou colorés.
Transformations chimiques
Le feu de la deuxième cuisson, avec l’apport de bois vert, dégage du monoxyde de carbone (CO), instable, qui se combine (au-dessus de 927°) avec un atome d’oxygène de l’oxyde ferrique rouge (Fe2O3) contenu dans l’argile – et encore plus dans l’engobe – le transformant en oxyde ferreux noir (Fe3O4 = magnétite) : 3 Fe 2O3 + CO donnant 2 Fe3O4 + CO2.
Pendant la troisième phase, l’atmosphère à nouveau riche en dioxygène permet la réaction inverse : l’oxyde ferreux noir se transforme en oxyde ferrique rouge dans la terre poreuse, tandis que les parties vernissées, imperméables à l’air, restent noires.
Pélikè attique, vers 600, British Museum.
Un exemple de deuxième cuisson incomplète.
Pinax de Penteskouphia, plaque votive. Corinthie, vers 575 avant notre ère. Hauteur : 7,2 cm ; Epaisseur : 0,7 cm ; Largeur : 10,2 cm. Musée du Louvre.
On y voit un artisan, devant son four, avec l’outil qui lui sert à retirer les cendres. Le four est fermé mais une porte permet de l’ouvrir. En réalité, les fours étaient construits partiellement enterrés.
Maquette, reconstitution d’un four gallo-romain. Site-musée, http://www.sallelesdaude.fr/-Le-Site-Amphoralis-.html
Oinochoé attique, vers 900 avant notre ère, MET (Metropolitan Museum of Art, New-York). Hauteur 30 cm.
Les zones sombres dominent, une ligne dans le bas de la panse n’a pas été recouverte d’engobe et montre la couleur claire de la terre. La frise principale est claire avec des demi-cercles tracés au compas.
Pyxis, vers 900 ACN, Musée de l’Agora antique d’Athènes.
La surface occupée par les frises est plus importante, les espaces laissés en terre claire forment le décor.
Amphore cinéraire, IXe siècle ACN, 71 cm. Musée de l’agora antique d’Athènes ou musée du Céramique d’Athènes, les sources divergent et les catalogues ne sont pas mis en ligne…
Trouvée dans une tombe à crémation au nord de l’acropole d’Athènes.
Décor de frises superposées avec un jeu d’alternance de clair et de sombre. Ce sont les zones sombres qui dominent. Toute la surface est occupée par le décor plus dense et plus rigoureux. La frise principale, entre les deux anses, est divisées en trois parties encadrées par des motifs complexes : des triangles, des chevrons et des méandres. Dans les zones carrées, on retrouve des cercles concentriques. C’est l’apogée du style géométrique.
Cratère pyxide. Nécropole du Dipylon, Athènes. Vers 800 ACN. Hauteur : 40 cm, diamètre maximal : 20,4 cm. Musée du Louvre.
Pyxide = boîte à large ouverture munie d’un couvercle.
Le décor est fait de frises superposées qui recouvrent toute la surface, il n’y a plus aucun vide. La frise centrale, entre les deux anses, est constituée de trois parties. La partie centrale est décorée de méandres de grecque. Dans les deux parties latérales, on observe des chevaux disposés symétriquement par rapport au centre.
Vers 800 avant notre ère, la figuration fait son retour parmi les motifs géométriques. Le cheval est révélateur de la société grecque de l’époque, fondée sur l’aristocratie et dans laquelle les cavaliers avaient un rôle important.
Amphore du Dipylon, vers 750 ACN. Hauteur 1,55 m. Musée national archéologique d’Athènes.
Tout l’espace est occupé par le décor qui montre que l’ordre règne en maître. Les formes, y compris humaines, sont représentées par des dessins et des motifs géométriques. L’ensemble est organisé et symbolise de l’ordre du cosmos.
On peut observer trois réseaux de motifs :
1. Des motifs géométriques, lignes parallèles superposées, méandres et triangles.
2. Des motifs animaliers sur le col, cervidés en train de paître et chèvres couchées au pied du col. Elles sont très stylisées et tournent la tête comme pour imiter des méandres.
3. Une scène funéraire avec des figures humaines, scène de prothésis, présentation de la défunte qui est déposée sur un lit, au centre de la frise. D’autres personnages la pleurent dans une composition convergente.
Tous les personnages sont représentés sur la même ligne de sol.
La représentation des corps humains est géométrisée, en trois parties : des jambes à la taille, le dessin est assez réaliste, avec des courbes ; le tronc est représenté de manière géométrique par un triangle, la tête est un simple cercle avec une protubérance au menton.
Des décors non figuratifs comblent les espaces entre les personnages. une sorte d’horreur du vide.
Le maître du Dipylon est le premier peintre qu’on identifie. Sa production évolue et fait la transition avec la période suivante.
Guerrier peint par le maître du Dipylon, vers 750-725 avant notre ère. Louvre.
Le personnage très schématisé est entouré de symboles dont la swastika. Sa provenance pourrait être l’Asie mineure, elle relève d’un signe magique symbolisant les forces cosmiques qui remonterait vers -4000 voire -5000 avant JC. Illustration des échanges commerciaux avec le moyen orient.
3. Période orientalisante
Le VIIe siècle avant notre ère, c’est l’époque d’Assurbanipal qui construit ses palais à Ninive et fonde sa grande bibliothèque. L’Egypte est sous domination assyrienne jusqu’en 653 ; la civilisation Etrusque s’épanouit en Italie, la civilisation celte de Hallstatt s’étend vers l’ouest. Les Assyriens sont vaincus par les Babyloniens et les Mèdes en 612. L’araméen devient la langue internationale.
Dès le VIIIe siècle, des colons quittent les bords de la mer Egée pour diverses raisons, la première étant qu’ils manquent de terres cultivables. Ils fondent des colonies en Sicile, dans l’Italie du sud et jusqu’en Egypte. Ils étendent leur influence en Méditerranée et sur les bords de la Mer Noire pendant tout le VIIe siècle. La culture grecque s’étend par les relations commerciales mais les colons vont également produire eux-mêmes des objets dans le style qu’ils importent de Grèce.
On peut observer une grande influence de la culture ionienne. L’Asie mineure est très développée, son commerce avec le Moyen-Orient donne lieu à des échanges culturels et à l’importation de nouveaux thèmes iconographiques : c’est la naissance du style orientalisant.
On voit apparaître des sphynx, des sirènes, des griffons, des végétaux. La courbe remplace les motifs géométriques et les scènes représentées font écho aux récits mythologiques, poétiques ou tragiques.
Loutrophore du peintre Analatos, Athènes, vers 700-680 ACN, Hauteur : 80 cm ; Diamètre : 27,5 cm. Louvre.
Un loutrophore sert à transporter l’eau de purification des jeunes filles la veille de leur mariage, on en retrouve dans les tombes des défunts célibataires.
Nous retrouvons les frises superposées mais le style a complètement changé. Les triangles se terminent en volutes, sous le motif principal de la panse, on a une frise de volutes, sur le col une frise de rosettes avec des tresses verticales.
Tout l’espace est occupé, aucun vide n’est laissé.
Trois scènes figurées
1. Sur la panse, un défilé de chars tirés par des chevaux dessinés l’un « derrière l’autre ».
2. Sur le col, entre les deux anses, une scène de danse au son de l’aulos (double hautbois) : motif en rapport avec la célébration d’un mariage.
3. Tout en haut du col, la frise de sphynx tourne dans le sens inverse de la frise des chars. Dans la mythologie grecque, le sphinx a une tête de femme, des ailes d’aigle et des pattes de lion.
La peinture est plus détaillée qu’à l’époque géométrique, les têtes sont mieux dessinées, les yeux sont marqués. Toutes les lignes sont adoucies par des courbes, même si les bustes restent triangulaires. Les hommes sont peints en noir, les femmes au trait de contour. Pour la première fois, nous voyons des incisions dans le décor noir : la surface recouverte de barbotine a été grattée pour que puisse apparaître la ligne de séparation des silhouettes des chevaux, de même que leurs yeux et les courbes de leur crinière.
Amphore d’Eleusis, Peintre Polyphemus, vers 650 ACN, 142 cm.Musée d’Eleusis (ville à 20 km à l’ouest d’Athènes).
Les scènes figurées sont plus importantes que les motifs décoratifs qui encadrent les trois scènes figurées et remplissent les vides entre les personnages ou les animaux.
La chasse aux sangliers, représentée sur l’épaule, est un thème orientalisant fréquent.
Les Gorgones, êtres parmi les plus dangereux de la mythologie grecque, sont représentées de manière effrayante : dents, cheveux faits de serpents. Alternance de traits de contour pour le haut du corps et en aplat noir pour leur jupe. Pour la première fois, nous voyons leur tête de face : l’artisan veut nous montrer leur laideur.
Sur le col, illustration du chant IX de l’Odyssée d’Homère : Ulysse et ses compagnons aveuglent le cyclope ivre (il tient une coupe dans sa main).
Le cyclope et les compagnons d’Ulysse sont représentés par des silhouettes noires tandis qu’Ulysse est représenté par des traits de contour rehaussés de quelques traits pour souligner son anatomie. Son visage est dessiné de manière très fine dans la représentation orientale avec un long nez et un menton fuyant. Il était peint en blanc, comme les visages des Gorgones.
Olpé protocorinthienne aux animaux et aux sphinx. Peintre du Sphinx, fabrication : Corinthe, découverte : Italie centrale. 630-620 ACN Hauteur : 32,5 cm ; Diamètre : 17,2 cm, Louvre.
Elle préfigure le nouveau style qui va se développer à Corinthe avec ce décor miniaturiste aux dessins très détaillés avec de nombreuses incisions. Les vides autour des animaux sont comblés par un motif qui se répète dans toutes les frises, un cercle pointé.
4 zones d’animaux
1. chèvre, lion
2. cerf, cygne, panthère, chèvre
3. cygne, sphinx, lion, sanglier, biche
4. panthère, cerf, oiseau, bélier, lion, taureau, chèvre
et des motifs décoratifs
4. Le VIe siècle et les maîtres de la figure noire
Au VIe siècle, la technique des incisions se développe dans le style de la figure noire. Le style orientalisant cède la place aux différents styles des ateliers de Corinthe et d’Athènes.
Dinos attique du Peintre de la Gorgone. Hauteur totale : 93 cm, cuve : 44 cm, pied 59 cm. Style corinthien, retrouvé en Etrurie. Vers 580 ACN. Louvre.
Le Peintre de la Gorgone était l’un des premiers peintres de vases attiques à figures noires. Il était actif entre 600 et 580 avant notre ère.
Les frises sont superposées sans être séparées par des bandeaux. Décor miniaturiste très fin, nombreux traits de pinceau fin et incisions.
Les frises figuratives animalières sont composées d’animaux réels ou imaginaires : lions, cervidés, sirènes, sphinx, panthères.
La frise supérieure illustre un épisode de la mythologie, le combat de Persée contre les gorgones.
Quatre chevaux côte à côte tirent le char. Si le char est représenté frontalement, les multiples pattes des chevaux indiquent une profondeur Remarquer les incisions qui fournissent des détails, ainsi que celles des vêtements d’Hermès à droite.
Méduse décapitée, à gauche, Athéna et derrière elle Hermès. Persée s’enfuit, il vient de décapiter Méduse, il est poursuivi ses deux sœurs, les gorgones.
Combat singulier entre hoplites.
Les corps sont dessinés en suivant le principe du maximum de représentation : on montre la surface la plus grande de chaque partie du corps. La tête est de profil, le torse de face.
Amphore du peintre de Nessos, vers 600, hauteur 1,22 m. Musée national archéologique d’Athènes.
Les frises décoratives se font plus discrètes : une frise de canards sur le col, des palmettes, des volutes, des fleurs de lotus. Des éléments décoratifs comblent les vides laissés entre les personnages des scènes figurées.
Sur la panse : Persée poursuivi par les gorgones.
Sur le col : combat d’Héraclès contre Nessos. Le centaure a voulu violer la femme d’Héraclès, ce dernier veut la venger. La scène montre que Nessos s’avoue vaincu, il lève les mains pour demander grâce.
Les incisions sont d’une précision remarquable. Il y a des rehauts de couleur pour les vêtements. La composition est équilibrée, avec de nombreuses superpositions qui donnent une impression de volume, de prise de place des corps dans l’espace.
L’écriture fait son apparition : les noms des combattants sont écrits, en rétrograde pour Héraclès, Netos pour Nessos.
La production de Corinthe devient nettement moins importante, c’est la production athénienne qui domine la fin du VIe siècle avec par exemple Exékias qui est à la fois potier et peintre.
Signature d’Exékias ΕΧΣΕΚΙΑΣ ΕΠΟΙΕΣΕ.
Exékias époïésé, Exékias m’a fait.
Amphore d’Exekias, British Museum, hauteur 41 cm, diamètre 29 cm.
Combat d’Achille contre la reine des Amazones, Penthésilée. Pendant la guerre de Troie, les Amazones étaient alliées aux Troyens. Achille tombe amoureux de Penthésilée au moment où elle va expirer.
Composition en triangle, les lances structurent le groupe. Penthésilée se retourne, les visages se font face, les regards se croisent comme les lances mais on est dans un jeu amoureux. Un filet de sang jaillit de la blessure. Les détails anatomiques et les rehauts de couleur renforcent le drame.
Le volume des différents éléments et la place qu’ils prennent dans l’espace sont exprimés par des chevauchements : on voit que certaines partie des corps entrecroisés sont devant, d’autres derrière. Les boucliers sont représentés de profil dans une perspective d’objet très réaliste.
L’espace est occupé de spirales et de pointillés.
L’autre face est beaucoup plus statique, le calme de la scène contraste avec le drame précédent. Dionysos et son fils Oinopion. Dionysos est barbu, ses cheveux bouclés et couronnés de lierre, il porte un long chiton blanc et un himation brodé. Il tient dans sa main gauche des sarments de vigne, et avec la droite tend un cantharos à son fils, Oinopion, qui se tient face à lui, nu et imberbe, les cheveux bouclés, tenant un oinochoé dans la main droite comme s’il allait servir son père. Son torse est dessiné de profil, de manière réaliste.
Devant Dionysos est inscrit son nom, Διονυσος ; au-dessus d’Oinopion : Οινοπιον ; derrière lui : Εχσεκιας εποιεσε, Exékias m’a fait.
Achille et Ajax jouant aux dés, Exékias, vers 530, Musée étrusque du Vatican. Hauteur 61 cm, diamètre de l’embouchure 18 cm, largeur totale avec les anses 29 cm.
La finesse des traits et les détails de l’ornementation des manteaux sont à couper le souffle. On peut lire, devant les bouches, les scores qu’ils annoncent : Achille, quatre ; Ajax, trois.
On est arrivé au sommet de ce qui est possible en figures noires.
5. Figures rouges
Dans le dernier quart du VIe siècle, une nouvelle technique s’impose : la figure rouge. Le fond est recouvert d’engobe qui va vernisser lors de la deuxième cuisson, les décors laissés en couleur de terre apparaîtront après la troisième phase de cuisson. Les détails ne doivent plus faire l’objet d’incision, ils sont peints de manière beaucoup plus fine. On attribue cette invention au peintre d’Andokidès dont l’activité s’étend de 535 à 515 environ. Ce peintre est resté anonyme, Andokidès est le nom du potier pour qui il travaillait.
Vers 515, peintre d’Andokydès, Hauteur : 58,2 cm Diamètre : 37 cm, Louvre
Vase conservé au Louvre montre deux faces, l’une en figures noires rehaussées de blanc, l’autre en figures rouges.
La face en figure noire : Dionysos console Ariane après son abandon par Thésée. Dionysos est suivi par des satyres, Ariane lui verse à boire. Remarquer la vigne, les nombreuses couleurs, les vêtements richement décorés.
Au revers, la technique change : le fond est vernissé de noir, les figures apparaissent en rouge, la couleur de l’argile utilisée par le potier. Il n’est plus nécessaire de faire des incisions, les détails sont peints en engobe et seront vernissés et noirs après cuisson. La couleur rouge plus foncé est obtenue en posant un engobe d’une terre plus chargée en oxyde de fer.
Héraclès enchaîne Cerbère, le chien des enfers, sous le regard d’Athéna. L’agenouillement nous rappelle les peintures d’Exékias, sans doute le maître du peintre d’Andokidès.
Les détails plus fins donnent du volume à Héraclès dont le corps est dessiné de manière réaliste. Cerbère est derrière un portique qui marque la porte des enfers, ses deux têtes sont l’une derrière l’autre. Il y a un arbre derrière la scène. Les chevauchements donnent de la profondeur à la scène. On a une vraie impression d’espace malgré l’absence de perspective.
Tous les attributs d’Héraclès sont représentés : il est couvert de la peau du lion de Némée, il porte son arc et son carquois, on voit l’épée derrière lui et son gourdin à ses pieds. Tous ces éléments renforcent l’idée de volume pris dans l’espace.
Euphronios, peintre à figures rouges dès 520 avant notre ère. Il travaille à Athènes jusqu’en 470 environ.
Signature d’Euphronios
Cratère d’Anthée, vers 515 – 510 ACN Hauteur : 45,5 cm Diamètre : 56 cm Poids : 11,5 kg Louvre. Ce cratère a été trouvée en Etrurie.
Sur la face B on voit une scène de la vie quotidienne, un concours musical. Un jeune homme monte sur l’estrade pour jouer de l’aulos. La composition est claire et ordonnée, elle respire le calme et la détente. Les jeunes gens assis sont dessinés de manière réaliste, tandis que le personnage du centre est plus stylisé et plus grand. L’espace est exprimé par les jeux de chevauchement et la présence de l’estrade. La scène est encadrée de motifs végétaux stylisés.
Sur la face A, l’ambiance est très différente ! Il s’agit d’un combat mythologique : Héraclès lutte contre le géant Anthée. Pour rester invincible, Antée, qui puise sa force de la terre, doit rester en contact avec le sol. Héraclès a laissé sa massue et sa peau de lion, visibles au-dessus de l’anse. Il fait tout ce qu’il peut pour soulever Anthée parce que c’est la seule manière de le vaincre. Les trois femmes font penser aux chœurs des tragédies grecques.
La composition est très innovante avec un triangle encadré qui donne une stabilité à une scène qui n’a rien de stable.
Les corps des combattants sont tordus et très finement peints avec de nombreuses indications spatiales, les têtes et bras entrecroisés. Il est intéressant de remarquer la variété des points de vue dans la position des corps : Héraclès est de profil, le géant a la tête de profil et le torse de face, une de ses jambes est vue de face, l’autre de profil. Les choristes sont représentés de face ou de trois quart.
Agonie d’Anthée : il a les révulsés, la bouche entrouverte. Les forces le quittent.
Remarquer les coiffures et les barbes, soignées pour Héraclès, hirsutes pour Anthée.
6. Ve siècle, Athènes domine le monde grec.
Trois styles vont se succéder.
1. Le style sévère : entre 500 et 475 avant notre ère. C’est la fin de l’époque archaïque.
Cratère en cloche du peintre de Berlin
Zeus et Ganymède
Hauteur : 33,7 cm Diamètre : 39 cm Louvre
La décoration est réduite à une simple frise de grecque en guise de ligne de sol.
Le premier personnage, un homme mature, habillé, à la coiffure et la barbe strictes, est tendu vers la droite et fait signe de la main en direction d’une autre personne. Sur l’autre face, un jeune homme imberbe aux cheveux longs joue avec un cerceau. Son corps est tourné vers la droite, sa tête vers la gauche. Il tient un coq dans la main gauche. Les hommes offraient des cadeaux aux jeunes gens qu’ils voulaient séduire : un coq ou un lapin. C’est une scène de poursuite amoureuse qui relate le mythe de l’enlèvement de Ganymède par Zeus qui avait pris la forme d’un aigle.
Si on compare la représentation qu’en a fait Rembrandt avec celle sur cette céramique, on prend la mesure de la retenue dont a fait preuve le peintre de Berlin.
En plaçant les deux figures côte à côte, on voit que les deux corps sont réalisés en utilisant le même schéma de composition bien que le torse soit de dos pour Zeus et de face pour Ganymède. Le peintre reste fidèle au principe de représentation maximale de l’époque archaïque avec les jambes de profil, les torses de face et les têtes de profil mais il ajoute de la tension par des torsions : la jambe droite de Ganymède, mise en évidence par le cerceau, est vue de face, les muscles du tronc montre le mouvement de fuite (poursuite amoureuse ?). La puissance du dieu, marquée par sa lance (foudre) et ses vêtements, contraste avec la fragilité du jeune homme. Les lignes droites dominent pour Zeus, les courbes pour Ganymède, avec un jeu de courbe et contre courbe dans les bras. Le cerceau renforce le jeu des courbes.
La prise de place dans l’espace est bien marquée : lance derrière le corps, cerceau devant, cheveux derrière l’épaule ressortant sous l’aisselle.
2. Premier classicisme, entre 475 et 430. Détente, sortie définitive des règles de l’archaïsme.
Céramique peinte à figures rouges, haut. cm 59,8 ; diam. goulot cm 29,6 ; diam. pied cm 21,1. Musée du Vatican. 445/440 avant notre ère.
Le peintre d’Achille est l’élève du peintre de Berlin, actif entre 460 et 430. C’est la grande période de la sculpture grecque classique. Il représente, comme son maître, un personnage par face, posé sur un sol en frise de grecques : Achille et sa captive et compagne Briséis. Achille est représenté en soldat au repos : il porte l’armure sans casque, sans bouclier et sans protection pour les jambes. Son manteau est posé sur le bras gauche. Il est représenté comme dans certaines statues classiques : un jambe en appui, une jambe au repos, un déhanchement, la tête tournée vers le côté opposé de la jambe libre. La jambe en appui est représentée de trois quart, la jambe libre de face avec un raccourci du pied.
Le visage est typique de ce qu’on appelle le « profil grec » : nez droit dans le prolongement du front, œil de profil, lèvres charnues, menton important.
Le peintre des Niobides – Cratère en calice représentant le massacre des Niobides. 460 – 450 avant notre ère. Hauteur : 54 cm ; Diamètre : 51,5 cm.
Des héros sont assemblés autour d’Héraclès qui porte la massue, la peau de lion, son arc et des flèches.
Athéna lui fait face, elle porte la peau de chèvre, le bouclier à ses pieds est représenté en perspective d’objet. A gauche : Arès, le dieu de la guerre. Les corps sont représentés de façon variée : vues de face, de profil, de trois quart étagés sur plusieurs lignes de sol non figurées. L’espace est modifié, quelques chevauchements montrent qui est devant et qui est derrière.
On retrouve le déhanché et des positions des sculptures classiques.
« Doryphore ». Marbre retrouvé à Pompéi. H. 1,98 m. Copie de l’époque d’Auguste d’après un original de Polyclète en bronze, réalisé vers 440.
Polyclète voulait montrer les rapports de grandeur des parties du corps humaine par une « statue dont toutes les parties seraient entre elles dans une proportion parfaite. »
Sur l’autre face, le peintre raconte le massacre des Niobides, le fils et la fille de Niobé. Ils sont tués par Apollon et Artémis pour venger leur mère Léto dont Niobé s’était moquée parce qu’elle n’avait eu que deux enfants.
3. Le second classicisme, fin du Ve siècle.
Les peintres du style fleuri ou style riche propose des sujets féminins accompagnés de nombreux éléments décoratifs. On retrouve les compositions chargées et l’horreur du vide.
Peintre de Meidias – Lécythe, vase destiné aux huiles parfumées. Diamètre 18,6 cm, hauteur 30,3 cm.
Vers 420 avant notre ère, The Cleveland Museum of Art.
Le groupe central de ce vase représente la déesse de la terre Gaia, assise, remettant son bébé, Erichthonios, à Athéna. Conçu à partir de la postérité d’Héphaïstos, Erichthonios deviendra roi d’Athènes.
Il n’y a que des femmes pour entourer la scène, probablement les trois filles de Kekrops qui regardent d’en haut, avec Aphrodite et plusieurs personnifications abstraites telles que Peitho (Persuasion) et Eudaimonia (Bonheur) debout et assises à proximité. Athéna porte le gorgonéion, masque de la Gorgone, sur la peau de chèvre qui recouvre sa poitrine.
L’impression d’espace est généré par les différentes lignes de sol et les chevauchements qui montrent ce qui est devant et ce qui est derrière. Observer les éléments en relief : casque d’Athéna, bracelets, fruits.
Le drapé est à rapprocher du drapé mouillé des sculptures contemporaines, comme sur cette statue du Parthénon d’Athènes. Musée du Louvre.
A la même époque, le style monumental illustre les hauts faits mythologiques et héroïques.
Peintre de Pronomos – Pélikè, 42 cm, fin du Ve siècle. (Pélikè : vase dont la panse s’élargit vers le bas.) Musée archéologique national d’Athènes.
Sur une face, des jeunes gens en pleine conversation alors que sur l’autre face, on assiste à une gigantomachie : Poséidon, Arès et Hermès combattent les géants.
Les corps sont dans des positions très variées. L’espace n’est pas dessiné en tant que tel mais on voit bien que le combat se joue entre ceux qui sont à l’arrière et ceux qui sont plus proches de nous, le cerveau comprend que la scène se déroule sur une certaine profondeur. La perspective d’objet est très présente avec les nombreux boucliers. Les drapés agités ajoutent du mouvement à la scène. Quelques motifs végétaux remplissent les vides.
Amphore de Milo, hauteur 69,5 cm, diamètre 32,4 cm. Peintre de Suessula, Athènes, vers 410 avant notre ère. Musée du Louvre.
Style proche des sculptures monumentales avec une grande variété des postures.
Arès est sur le char conduit par Aphrodite, Eros s’accroupit sur le premier cheval, tendant son arc. Les quatre chevaux côte à côte indiquent une importante prise de volume dans l’espace.
La couleur blanche est obtenue en ajoutant un engobe blanc avant la troisième cuisson.
Athéna portant le gorgonéion et derrière elle, Héraclès dont la massue est posée au sol.
Poséidon et son trident.
Tout l’espace est occupé. Les nombreux chevauchement donnent de la profondeur à cette composition qui reste lisible malgré sa complexité et son manque de perspective.
7. IVe siècle : Le style de Kertch s’épanouit au deuxième quart du IVe siècle.
Les guerres ont fait mourir beaucoup d’hommes, le rôle des femmes devient plus important. Les décors complexes laissent peu de vide et sont rehaussés de couleurs.
Enlèvement de Thétis par Pélée. Vers 360 – 350 ACN. Hauteur 42,5 cm, British Museum.
Face A: au centre, Thétis, surprise en se baignant, a été saisie par Pélée. Elle est accroupie, le corps tourné vers la droite et la tête vers la gauche, son bras gauche est inséré dans son manteau, son bras droit est saisi par Pélée qui pose la main sur son épaule gauche. Un serpent ou monstre marin entoure la jambe droite de Pélée, c’est Thétis qui s’est transformée. Cette scène fait l’objet de nombreux chevauchements qui indiquent la profondeur de l’espace.
Au-dessus du groupe, Éros s’envole, tendant les deux mains, comme s’il déposait une couronne sur la tête de Pélée. À gauche, à un niveau plus élevé, Aphrodite, assise, regarde la scène centrale. À côté d’elle, un peu plus bas à gauche, une femme (Peitho ?) se tient debout, appuyée sur son bras gauche et regardant à droite. À la droite de Thétis se trouvent trois Néréides (nymphes marines) : l’une court vers la droite, mais se retourne, la droite levée et le visage de trois quarts, pour regarder Pélée. À ses pieds, un dauphin plonge à gauche dans la mer. Ces positions variées font penser à des ensembles sculpturaux.
Face B : Dionysos assis et imberbe, un Satyre et une Ménade. Dionysos a le corps tourné vers la gauche, la tête vers la droite. Il regarde une Ménade (adoratrice de Dionysos). La peinture est souple, libre, avec des couleurs et de la dorure ; une grande partie de la surface a été utilisé. Les nombreux traits fins détaillent les anatomies et le mouvement des étoffes. Les aplats de couleur se multiplient.
Lécythe (vase funéraire à col étroit) du peintre d’Apollonia, environ 350 avant notre ère, hauteur 35.5 cm, diamètre 16.7 cm, Walters Art Museum, Baltimore, USA.
Péliké Hauteur : 35,5 cm ; Diamètre : 23,5 cm, -375 / -350 Louvre
Scène dionysiaque. Le char est tiré par deux panthères.
La polychromie est obtenue par diverses techniques : pose d’un engobe blanc mêlé ou non de pigments avant la troisième cuisson ou peinture à la détrempe et même parfois à l’encaustique après cuisson, sur fond blanc. Le décor est parfois rehaussé de dorures
8. Production italique
Les écoles de céramique grecque dans les colonies italiennes vont pousser encore plus loin les recherches sur l’espace et le volume.
Cratère du peintre de Dolon, vers 380, Lucanie (sud de l’Italie, juste à l’ouest du talon de la botte).
Cratère = calice, bol pour mélanger le vin et l’eau.
Au-dessus des dessins, couronne de laurier et frise en U, en dessous, frise en U et palmettes.
La face B montre deux groupes avec une figure féminine à droite qui, tend une couronne dans la main droite à un jeune homme qui lui fait face, l’un est nu, l’autre est enveloppé dans un himation (manteau drapé sans manches).
La face A illustre de façon truculente et pittoresque, à la limite du grotesque, un épisode de la guerre de Troie.
Dolon, espion troyen, s’est déguisé sous une peau de loup. Il est surpris par Ulysse et Diomède. Au centre se trouve Dolon se déplaçant vers la gauche, la tête tournée à droite dans une attitude de surprise et regardant autour de lui. A gauche apparaît Ulysse, à droite Diomède. Ulysse est barbu, il tient une épée courte dégainée dans la main droite, et sa main gauche, enveloppée d’un manteau, est levée vers l’épaule droite de Dolon. Diomède passe son bras droit derrière Dolon.
La végétation n’est pas là à titre décoratif, elle fait partie du récit de l’action, les personnages se cachent derrière les arbres. De nombreux chevauchements montrent la prise de volume de la scène dans l’espace : le pied et l’arc de Dolon passent devant les arbres, les deux héros grecs sont derrière les arbres. Ceux-ci ont leur écorce détaillée.
Les visages et les attitudes sont assez comiques, ils marchent sur la pointe des pieds, ce qui donne des jambes courbées en mouvement.
L’expression des visages est une vraie nouveauté dans la peinture : les yeux écarquillés traduisent la surprise ou la peur. Les sourcils de Dolon sont baissés. Le récit d’Homère est épique, le peintre en a fait une parodie. Le théâtre des colonies grecques d’Italie est spécialisé dans les farces parodiques.
Cour préparé par Françoise PERCY.
Qu’elle en soit remerciée.