I IMPRESSIONS GÉNÉRALES
Pas de description mais des ressentis, pour s’aider on peut commencer la phrase par « je me sens … » ou « L’ambiance est… » :
Angoissé, effrayé, inquiet
Intrigué, surpris, curieux, perplexe, interloqué
Ecrasé
Dégouté, écœuré
Petit
Perdu, désorienté
Impressionné
Snobé
Triste
Seul
Déstabilisé
Menacé
Envahi
Dominé
L’ambiance est chaotique, je me sens déstabilisé : deux axes d’entrée complémentaires, partant de l’œuvre ou partant de mon ressenti.
L’ambiance est austère, hallucinante.
II PROCÉDÉS TECHNIQUES
1 LE PLAN
Une peinture est une surface dans laquelle l’artiste donne l’illusion d’un d’espace qui se déroule en profondeur. Nous cherchons à diviser cet espace en plusieurs plans. Les propositions des élèves sont de 2, 3 ou un seul espace.
Deux plans : le premier plan inclut toute la place, jusqu’au pied de la maison blanche. Le deuxième plan inclut les maisons du fond.
Trois plans : premier plan, du spectateur jusque derrière le bâtiment de gauche… non, on coupe le fond de la place, on est obligé d’aller jusqu’au bout de la place. Le plan est une portion d’espace, on ne peut couper l’espace de la place illustrée par le sol. Le premier plan va donc du spectateur jusqu’au pied de la maison blanche. Deuxième plan : les maisons du fond. Troisième plan, le ciel. Le ciel est au-dessus de l’ensemble mais certains ont envie de voir le ciel comme un plan à part entière. Ce n’est pas une erreur.
Un seul plan non divisible : le décrochement entre les deux bâtiments au fond à droite empêche de séparer deux plans au niveau du fond de la place. Soit on coupe le trottoir en s’arrêtant au pied du bâtiment blanc, soit on va au pied du bâtiment un peu en retrait et on coupe le bâtiment blanc. Il n’y a donc qu’un seul plan, deux si on veut considérer le ciel comme un plan.
Attention donc aux subtilités introduites par le peintre. Dès le premier procédé technique, on constate que De Chirico joue avec nous. Et ce n’est pas fini !
2 LIGNES DE DIRECTION
La ligne que suit notre regard est verticale. L’objet sculpture vertical à l’avant-plan est centré. Cette verticale située au centre de la toile stabilise un peu le regard. Imaginons qu’il l’ait décentrée, cela aurait amplifié encore l’aspect étrange qui provoque notre malaise.
Autre ligne de direction ? Les obliques ? Les obliques au sol dirigent notre regard, elles nous font avancer dans l’espace mais ce ne sont pas des lignes de direction, ce sont des lignes de fuite de la perspective linéaire. Dès qu’on voit des obliques, une sonnette d’alarme doit s’allumer dans notre esprit et nous rappeler que les obliques sont la plupart du temps des lignes de perspective linéaire. Les lignes de toiture sont des obliques mais elles ne structurent pas la composition de l’œuvre. Les lignes des bâtiments du fond peuvent paraître horizontales mais elles sont légèrement obliques. Ces obliques, ainsi que celles présentes dans la sculpture représentée, structurent les éléments du sujet de la peinture mais pas sa composition.
Il y a donc une seule ligne de direction : la verticale centralisée. Les verticales des bâtiments accentuent la verticale du sujet principal.
La ligne, le plan et la forme géométrique sont des procédés de composition d’une œuvre, de gestion d’espace. Le quatrième procédé technique de composition est la perspective, nous la voyons plus loin parce qu’elle peut être construite par la couleur et la lumière que nous devons décrire au préalable.
3 FORMES GÉOMÉTRIQUES
Le volume du sujet principal est un parallélépipède rectangle qui devient un rectangle en 2 D. Ce rectangle est centralisé.
Attention à ne pas confondre la forme telle qu’on la travaille en analyse avec les formes géométriques que l’on utilise pour faciliter la composition du dessin. Souvent, le dessinateur construit son travail à partir d’éléments géométriques pour insérer tous les éléments dans la composition.
En analyse, on se demande si l’espace est conditionné par une ou plusieurs formes géométriques. Ici, la forme géométrique principale qui structure l’espace est ce rectangle centralisé. Toutes les autres formes ne servent qu’à l’amplification du sujet. Il y a une différence entre les formes qui construisent le sujet et celles qui structurent la composition.
4 LA COULEUR
Le cercle chromatique, le noir / le blanc.
Couleurs primaires : du jaune tirant vers l’ocre ; très peu de bleu dans le ciel et au pied du sujet principal ; du rouge (bordeaux) pour le tissu tombant en haut à droite de la sculpture.
Chacun voit les couleurs différemment. Si on cite ici des couleurs que certains ne voient pas, c’est normal. Dans le travail d’analyse, chacun cite les couleurs qu’il perçoit. La copie couleur de l’œuvre est parfois différente de ce que l’on perçoit en la voyant. Il est utile de signaler ces différences pour que l’analyse des couleurs soit compréhensible. Il faut que l’argumentaire couleur tienne la route, même si les couleurs qu’on y décrit ne sont pas visibles de la même manière par tous.
Couleurs secondaires : vert dans le ciel, vert acide des fenêtres du bâtiment au fond à droite ; ocre, orange.
Couleurs tertiaires : rouille, brun clair et marron foncé.
Non-couleurs : noir dans la sculpture et dans les fenêtres du bâtiment de gauche, les tiges métalliques de l’élément central semblent également noires.
Blanc : la tête et les épaules du personnage, la façade du bâtiment du fond.
Les contrastes/ les harmonies.
Le contraste est un jeu entre deux couleurs assez proches l’une de l’autre et qui s’opposent en générant une espèce de choc. Il existe de nombreux contrastes, l’un d’eux est très spécifique : le contraste de couleurs complémentaires, c’est-à-dire des couleurs qui se situent face à face dans le cercle chromatique. Il est très utile de disposer d’un cercle chromatique pour bien les visualiser.
Ici, nous avons les contrastes des complémentaires rouge/vert, orange/bleu.
On voit aussi les contrastes jaune/ bleu.
Le marron, couleur tertiaire, contraste avec toutes les autres couleurs.
On ne parle pas des contrastes avec les noirs ou les blancs qui sont des non-couleurs, des absolus extrêmes.
Après les contrastes, on parle des nuances. Une nuance émane d’une couleur qui est dégradée par le blanc ou le noir. Y a-t-il des couleurs nuancées ? Le marron. Le ciel est composé de différentes couleurs, jaune, vert acide, turquoise, vert et différents bleus. Nous avons des nuances de différents bleus et de différents verts. Le jaune est également nuancé.
Après avoir observé les contrastes et les nuances, nous faisons un premier constat. L’artiste travaille-t-il plus dans les contrastes, plus dans les nuances ou dans les deux ? Parle-t-on de notre impression au premier regard ou de la surface ? Ici, la surface nuancée est plus étendue mais ce qui nous frappe au premier regard, c’est le contraste. Ce qui est intéressant, c’est de se demander quelle était l’intention de l’artiste. Il veut que nous soyons frappés par les contrastes mais quand on analyse plus profondément, on prend conscience de l’importance des nuances. Un paradoxe essentiel apparaît entre les contrastes que nous voyons d’abord alors que la majorité des surfaces est travaillée avec des nuances.
Chaud ou froid ? Pour travailler la question, nous nous référons à deux axes. La théorie des couleurs nous dit que les bleus et les verts sont froids, les rouges et les marrons sont chauds. Ici, les surfaces sont à peu près équivalentes mais il y a de l’ocre, du rouge et de l’orange dans la sculpture à l’avant-plan. Il y a donc un peu plus de chaud. Le deuxième axe nous parle de l’ambiance que nous percevons. S’agit-il d’une ambiance chaude ou d’une ambiance froide ? Nous nous basons sur notre ressenti, nos émotions. C’est complètement subjectif mais il est très important de se positionner parce que c’est souvent un des aspects travaillés dans les effets recherchés. Ici, l’ambiance est froide pour certains, chaude pour d’autres.
Les intensités.
Nous observons la quantité de pigment dans la couleur. Prenons le bleu : dans le ciel, il est pastel à plusieurs endroits mais entre les barres de la structure, il est terne. Le bleu dans le bas de la sculpture est saturé.
L’orange au milieu de la sculpture est pur, vif. A d’autres endroits est fade, pâle.
Une couleur est dite vive quand elle est pure, avec une quantité de pigment moyenne. Une couleur est saturée lorsqu’il y a tellement de pigment qu’on ne la voit presque plus et qu’elle bascule vers une autre couleur ou vers le noir lorsqu’il s’agit d’une couleur foncée. On trouve des marrons saturés dans les ombres.
Le jaune sur le bâtiment n’est pas le même jaune que sur le socle : jaune pastel et jaune vif.
Constat numéro deux : l’artiste reste-t-il dans des intensités faibles, fortes ou voyage-t-il dans l’ensemble des intensités ? Ici, il voyage dans les différentes intensités mais ce que l’on voit en premier, ce sont les couleurs les plus intenses. Il fait tout pour nous dérouter.
Aspects émotionnels :
Pour cerner l’émotion liées à une couleur, un exercice mental est nécessaire. Il faut « sortir la couleur du tablea et la placer sur une feuille blanche ». Nous sommes dans le champ émotionnel donc les ressentis divergent !
On ne fait pas toutes les couleurs, quelques-unes des plus marquantes suffisent pour dégager l’intention de l’artiste.
On travaille cet aspect en commençant par un exercice conceptuel qui consiste à extraire les couleurs du tableau.
La couleur jaune du socle de la sculpture quitte ce socle pour être étudiée sur une surface blanche sans référence au sujet du tableau. Quelles émotions s’en dégagent ? Joie, rassurant, sérénité, énervement. Nos réponses nous emmènent dans des champs très différents de la palette des émotions et c’est ce qui est intéressant. Nous ne partageons pas tous la même vision d’une œuvre et cela nous permet de partager et confronter nos avis sur les œuvres d’art.
L’idéal est de travailler sur les couleurs qui nous frappent le plus et nous intriguent.
5 LA LUMIÈRE
Possible / Impossible
Situation possible ou inventée ? La lumière nous paraît-elle possible, réaliste ou construite par l’artiste ? Très souvent, nous avons l’impression que la situation de lumière est possible mais, après analyse, nous voyons qu’elle ne l’est pas parce des éléments ne fonctionnent pas. Ici, de nombreux éléments nous montrent que la lumière est construite par l’artiste.
Aspects techniques de la lumière
Source. D’où vient la lumière ? Inutile de dire ‘du soleil’… il faut préciser : en haut à gauche, en bas à droite. L’idéal est de faire un petit dessin avec une flèche. Certains disent que la lumière vient d’en bas à droite mais comment expliquer que les éléments en haut de la sculpture soient très illuminés et que d’autres, plus bas, le soient moins ? Une source en haut à droite ? Ces propositions sont faites à partir des ombres mais les ombres ne constituent pas toujours un argument valable, elle peuvent être construites. Si on observe la sculpture, on remarque plusieurs qualités de lumière dans son élévation. De plus, si la lumière vient de droite, on ne peut expliquer que la façade de gauche soit dans l’ombre. La façade du fond est très éclairée, comme si la lumière venait de face, mais une partie de la place n’est pas éclairée. Y aurait-il une rangée de spots juste après l’ombre ? Une autre source de lumière, derrière les bâtiments, génère l’éclaircissement du ciel. Nous avons donc a minima cinq sources de lumière. Est-ce réaliste ? La magie est que l’artiste parvient à faire croire à certains que la lumière est possible.
Couleur de la lumière : jaune, blanche en haut de la sculpture et sur le bâtiment du fond.
Nature de la lumière : est-elle naturelle, artificielle ? Elle nous semble artificielle tellement elle est improbable mais il s’agit d’une scène d’extérieur et il n’y a aucune trace de lampadaire ou de source de lumière artificielle. C’est donc une lumière naturelle bien que très étrange.
Contraste : la lumière est-elle contrastée ou homogène, c’est-à-dire semblable sur l’entièreté de la surface ? Elle est contrastée, avec des jeux d’ombre et de lumière sur la place, une différence significative de luminosité entre le haut et le bas du ciel, des façades illuminées de manière différente. Le mieux est à nouveau de réaliser un schéma. Cet exercice est essentiel parce que si la lumière est contrastée, cela signifie automatiquement qu’il y a de la perspective aérienne. La lumière contrastée implique que l’on peut circuler dans l’espace du tableau grâce aux contrastes de lumière. Notons que la lumière est très rarement homogène, si ce n’est dans l’abstraction.
Aspect émotionnel de la lumière. Il est intéressant de se questionner sur nos émotions, sur l’ambiance produite par la lumière. Nouvel exercice conceptuel : il s’agit d’isoler la lumière ou les lumières, de les sortir de l’œuvre et les imaginer dans notre espace de vie. La lumière est ici ressentie comme mystérieuse, dérangeante, inquiétante, perturbante, hallucinante. Ces mots peuvent être riches de sens et très utiles lorsque nous travaillerons les effets recherchés.
6 LA PERSPECTIVE
La perspective est le procédé qui travaille sur l’illusion. Elle nous fait croire que sur le plan vertical du tableau il peut y avoir une profondeur. Les différentes perspectives que nous utiliserons dans ce cours sont :
- La perspective chromatique liée à la couleur qui selon des zones différentes font avancer le regard dans le tableau.
- L’aérienne liée à la lumière, qui par une qualité différente conduit également le regard vers le fond de la composition.
- La linéaire liée aux lignes allant vers un point de fuite et qui nous vient de la Renaissance. Mais qui est parfois suggérée par le rétrécissement des éléments chez les peintres flamands dits « primitifs ».
- La rabattue qui donne l’illusion que les éléments vont tomber.
- Le sfumato qui est lié au flou et qui doit être redéfini par le groupe de travail « lexique »
1. Perspective linéaire
Une perspective linéaire utilise deux éléments : les obliques qui se rejoignent en un point de fuite et la diminution de la taille des éléments représentés. Nous voyons des obliques sur le sol de la place, au pied des façades, au bas des fenêtres, au pignon du bâtiment blanc du fond. Au premier regard, on est ennuyé par la situation qui ne paraît pas vraiment crédible, la mise en évidence des lignes montre qu’elles ne se rejoignent pas en un seul point de fuite comme le voudrait la perspective classique fondée sur les mathématiques.
Note : la perspective d’objet (ici le socle de la sculpture) exprime la place que prend l’objet mais pas l’espace complet qui se déploie dans l’œuvre.
Le personnage au fond de la place semble respecter le principe de la diminution de la taille mais à nouveau, cette réduction de la taille ne correspond pas à une projection mathématique stricte.
2. Perspective aérienne
Plusieurs zones de lumière et d’ombre ainsi que plusieurs qualités de lumière se succèdent : la lumière est jaune sur la place, blanche sur le bâtiment, jaune dans le ciel. De plus, la lumière est jaune au pied de la sculpture et blanche à son sommet. Ces différentes qualités de lumière permettent de prendre conscience d’un espace différencié. Même si la situation paraît aberrante, deux arguments pour parler de perspective aérienne sont présents : l’espace est exprimé par la couleur de la lumière et par la présence de zones d’ombre et de lumière.
3. Perspective chromatique : des zones de couleurs différentes font avancer dans l’espace. Les contrastes sont forts au niveau de la sculpture du premier plan qui comprend une multiplicité de couleurs. Sur la place, c’est le marron qui domine. Le fond de la place va du blanc au beige clair. Le ciel est vert – bleu.
4. Il n’y a pas de perspective atmosphérique. La perspective atmosphérique est caractérisée par le flou dans le fond de l’espace et la netteté au premier plan. Ici, l’arrière des bâtiments est net.
5. Perspective rabattue : le sol monte un peu trop haut, la perspective linéaire ne fonctionne pas bien. Cette élévation du sol est faible mais fait penser à la perspective rabattue.
7 LA FACTURE PICTURALE
Si je passe la main sur le tableau, c’est : lisse
Qualité de la matière : la peinture est d’une texture crémeuse.
La touche est perceptible dans le ciel et à certains endroits de la place, sur le devant, mais dans tout le reste du tableau la touche est imperceptible. Le peintre alterne donc entre touche perceptible et imperceptible. Le résultat est net.
Humeur et geste de l’artiste :L’humeur du geste de l’artiste : appliqué, méticuleux, concentré, maîtrisé pour l’essentiel du tableau ; rapide, instinctif et spontané dans le ciel.
III LES EFFETS RECHERCHES
LE PLAN
- (Je me sens perdue par le plan unique qui fait que mon regard ne sait où regarder.) C’est contradictoire : si on a un plan unique, le regard sait où aller, on ne peut pas être perdu.
(Je me sens angoissée par le plan unique qui me confronte à un espace angoissant … après discussion, la justification donnée parle de la perspective rabattue.)
Je me sens petite dans ce plan unique et vaste qui me submerge. On peut valider cette phrase même si elle est tellement peu détaillée qu’on pourrait la dire pour d’autres œuvres, on pourrait préciser : Je me sens petite par le plan vaste de cette place désertique qui me submerge.
LA, LES LIGNES
- Je me sens dominée par la ligne verticale centralisée qui éveille en moi l’idée de la vénération d’un totem.
LA, LES FORMES GEOMETRIQUES
- Je me sens menacé par la forme rectangulaire posée au centre de la composition qui me domine et m’empêche d’avancer sereinement vers la place.
LES COULEURS
- Je me sens perplexe face aux couleurs contrastées qui génèrent une ambiance irréelle dans laquelle je me sens perdue.
LA LUMIERE
- Je me sens déstabilisé par la lumière qui semble naturelle et possible au premier regard mais qui en réalité ne l’est pas du tout, ce qui me donne l’impression que le peintre me trompe.
LA PERSPECTIVE
- Je me sens désorientée par les lignes de fuite qui ne se rejoignent pas et par la perspective rabattue qui font que je me perds dans cet espace incompréhensible.
LA FACTURE PICTURALE
- Quand le dernier procédé technique reste sans que nous trouvions l’effet recherché à partir des impressions générales, c’est que ce n’est pas si évident que cela. On peut alors partir de ce qu’on en a décrit : la facture picturale est lisse, appliquée, le résultat est précis, net. Elle nous montre une sculpture bizarre dans un espace étrange. Nous retournons à la liste des mots des impressions générales pour y trouver un mot qui correspondrait à cela.
L’ambiance est hallucinante par la facture picturale nette et précise qui décrit un objet et un espace complètement improbables.
IV LE CONTEXTE CULTUREL
Dans ce paragraphe on rassemblera des informations nécessaires à la compréhension de l’œuvre.
Le contexte historique, sociologique, économique :
On introduira dans ce paragraphe les informations à propos du contexte de création.
L’artiste
On introduira dans ce paragraphe les informations à propos de l’artiste qui sont utiles pour comprendre l’œuvre choisie.
L’œuvre
On introduira dans ce paragraphe les informations à propos de l’œuvre proprement dite ; la date, les dimensions, la technique utilisée, et autres éléments éclairants.
Giorgio Di Chirico naît en 1888, en Grèce, issu d’une famille d’origine italienne il part en Italie à l’âge de 14 ans avec sa famille. Il connaît la Grèce et le contexte de l’Italie. Il étudie à l’Académie des Beaux-Arts de Milan où il acquiert une formation artistique classique. Il part ensuite en Allemagne et étudie à l’Académie des B-A de Munich, où sa formation se différencie de celle qu’il a déjà acquise. Il sera influencé par le Néoclassicisme (ex : grandes toiles classico-classiques comme le « Couronnement de Napoléon » de David). Mais aussi par le Symbolisme (=vision symbolique et spirituelle du monde), courant très différent naissant fin XIXe – début XXe S.
En 1910, il s’installe à Paris : grand lieu artistique au début du XXe S où nombres d’artistes y travaillent, y construisent leur personnalité, leur art, leurs œuvres. Il rentre en contact avec ces artistes mais aussi des écrivains de l’avant-garde, comme Apollinaire, et en terme d’artistes, il va côtoyer les (futurs) surréalistes, qui n’existent pas encore, ce sont surtout les Dadaïstes qui sont présent même si Dali et d’autres sont déjà à Paris.
Entre 1910 et 1918, la peinture de Di Chirico est nommée par lui-même de « métaphysique » (=courant spécifique de la philosophie où l’on réfléchit en prenant de la hauteur face aux concepts, c’est de la philosophie « conceptuelle »). Il ne fait pas référence à ce courant métaphysique de la philosophie, il invente autre chose.
« Dans le mot métaphysique, je ne vois rien de ténébreux. C’est cette même tranquille et absurde beauté de la matière qui me paraît métaphysique. Et les objets qui, grâce à la clarté de la couleur et grâce à l’exactitude des volumes, se trouvent classés aux antipodes de toute confusion et de toute obscurité, me paraissent plus métaphysiques que d’autres objets »
Il dit qu’il ne voit rien de ténébreux (la mort, les ténèbres, l’obscurité), on se pose un peu la question, car en termes de lumière, on est déjà embêté. C’est cette même « absurde beauté de la matière » : absurde, le courant dada : l’homme s’autodétruit, donc, l’artiste dada va détruire l’art. Il est ici en lien avec le courant dada. « La clarté de la couleur » : on en a parlé, c’est un peu spécial ; « l’exactitude des volumes » il y a en effet une recherche de construction de l’espace et de volumes, même s’il y a des éléments qui ne fonctionnent pas du tout. « Antipodes de la confusion » : on est bien dans la confusion ; et « de toute obscurité », on trouve qu’en terme de lumière, ce n’est pas évident.
Il nous donne une définition de la peinture métaphysique qui ne correspond pas à ce que l’on voit de son œuvre. Il faut constater qu’à certains moments, les artistes disent des choses, et quand on regarde, on n’est pas trop d’accord avec eux.
La peinture métaphysique de Di Chirico :
Ce sont souvent des paysages urbains, des œuvres très vite reconnaissables, des ambiances désertiques, des lumières et couleurs très particulières, des procédés de composition d’espace et des perspectives bancales (ex : une perspective linéaire associée à une perspective rabattue donnent quelque chose d’étrange). Des références à l’antiquité (influence du néoclassicisme).
Exemple : dans « Les muses inquiétantes » : on retrouve les critères qui viennent d’être cités, des associations d’éléments disparates qui génèrent une atmosphère de mystères et qui va explorer la solitude. Il exploite aussi la temporalité. Dans l’espace urbain, des références à l’antiquité (bâtiments renaissants antiques) qui jouxtent une usine (industrialisation XIXe-XXe S).
Il va explorer tous ces éléments de référence culturelle qui font des grands écarts dans le temps et la géographie, et nous faire croire à un espace réel, pouvant exister, à une réalité complètement imaginaire.
Ayant fui l’Italie, il va y revenir pour s’engager dans le conflit de la première guerre mondiale avec son frère. Car l’Italie promet l’armistice à ceux qui ont fui et qui reviendraient. S’ils ne reviennent pas, ils risquent la mort.
Il s’engagera dans un travail administratif et rapidement, il sera bouleversé par ce conflit, il est conscient de ce qu’il se passe. Il va être envoyé en hôpital psychiatrique pour troubles nerveux. Antimilitariste, il voit dans cet hôpital les gens blessés et va peindre des prothèses, des humains sans visages, des hommes mutilés, comme beaucoup d’autres artistes qui peindront les horreurs de la guerre (Expressionnistes allemands, Otto Dix, Max Beckmann).
Ce qui intervient de manière récurrente dans l’œuvre de Di Chirico, c’est la déshumanisation. Des peintures où ne figurent que peu ou pas de personnages. Il y peint des mannequins, dont les têtes n’ont ni yeux, nez, bouche, oreilles. Ces mannequins font penser à de la vie mais il en fait quelque chose de déshumanisé.
Ses œuvres opposent le passé et le présent. Faire référence au passé italien avec l’Antiquité et la culture antique romaine, dont on ne peut se dégager facilement, et la valorisation du présent avec l’industrie sont des aspects qui vont beaucoup plaire aux fascistes. Les œuvres de Di Chirico vont être référencées dans leurs manifestes. L’artiste ne s’en plaindra pas. C’est une part d’ombre de Di Chirico qu’il ne démentira pas. Est-ce de l’opportunisme ou de la survie ? On ne sait. Comment aurions-nous réagi à l’époque ?
Il va influencer les surréalistes, Dali, Magritte. Dans « Chant d’amour », on retrouve les caractéristiques de l’œuvre métaphysique de Di Chirico (paysages urbains, déshumanisés, couleurs et lumières étranges, composition et perspectives incongrues, référence à l’antiquité, association passé-présent) et c’est l’aspect « absurde » qui va intéresser fortement les surréalistes car cela ouvre la créativité sur l’association des éléments issus du hasard et non de la raison. Les surréalistes vont faire référence à l’exploitation du subconscient plutôt qu’à la conscience.
A partir de 1920, il va revenir à ses références premières, le classicisme, il s’éloigne du style métaphysique. Techniquement bien maîtrisé, cela correspond plus à ce que l’on attend de l’art, mais reste moins intéressant. Les critiques seront mitigées. Il va être complètement renié par les surréalistes qui ne trouveront plus aucun intérêt à ce qu’il créera.
Il a de très grandes influences philosophiques :
Nietzsche : les notions de destin, d’éternité, de questionnements, d’énigmes sur le monde. Il veut nous faire entrer dans un monde mystérieux mais avec un ancrage dans la réalité. Révéler la face cachée de la réalité.
« La nouveauté de ce poète est la rêverie infiniment mystérieuse et solitaire d’un après-midi d’automne lorsque le temps est clair et les ombres plus longues que pendant l’été parce que le soleil commence d’être plus bas ».
Description de ce qu’il favorise comme contexte de couleurs et de lumières dans ses œuvres métaphysiques.
« Je cherchais à exprimer ce sentiment puissant découvert dans les œuvres de Nietzsche ».
Nietzsche développe le cycle infini où tout se répète et Di Chirico sera dans une répétition d’éléments qui vont exprimer le même type d’ambiance mystérieuse, un monde énigmatique où les certitudes s’effondrent. Nietzsche admirait la Grèce antique et voyait l’art grec comme l’art ultime pour transcender la souffrance humaine. En quoi Di Chirico fait des liens avec Nietzsche, avec lequel il se sent en communion d’esprit.
Schopenhauer : univers où la réalité n’est qu’illusion, illusion conditionnée par nos perceptions. Di Chirico va transposer cette idée, en créant des paysages étranges, silencieux, hors du temps, idée qui active nos perceptions, on essaye de comprendre, mais on est surtout touchés par les couleurs, les lumières. Schopenhauer met l’accent sur la souffrance humaine aux contextes bien lourds et sur la mélancolie de l’être. Chez Di Chirico, il y a absence de l’humanité ou, si elle y est, ce sont des mannequins inanimés et assurément une solitude extrême.
Schopenhauer s’inspire aussi des philosophies orientales, de l’éternel retour. Avec ses scènes cycliques, répétitions d’éléments récurrents où il associe le passé et le présent, Di Chirico propose une sorte de cycle.
Rimbaud : le poète particulier avec une écriture spécifique qui va transformer le réel avec des récits symboliques et énigmatiques ; la lecture de Rimbaud associe des éléments de manière incongrue comme le fait Di Chirico.
V LE MESSAGE
Quels sont les éléments techniques qui sont importants dans cette œuvre ?
Quels sont les éléments du contexte culturel importants pour mieux comprendre cette peinture ?
Construire le message :
Déterminer l’intention de l’artiste dans l’œuvre analysée. Pour ce faire, répondre à des questions qui mettront en évidence des informations permettant de trouver l’intention du peintre.
Le sujet :
Une description succincte : une sculpture, centralisée, composée de différents éléments hétéroclites en bois, semble-t-il. Ce qui paraît comme étant reconnaissable : une tête sans caractères physiques (yeux, nez,…), une tête de mannequin déshumanisée.
La sculpture est située dans un espace urbain, il n’y a personne, à peine une silhouette au loin. Des immeubles imposants, l’ambiance est lugubre, froide, déshumanisée.
Les procédés techniques importants :
En 2D il y en a 7.
Les couleurs : contrastées, mais des contrastes inhabituels, inattendus, qui génèrent de l’étrangeté et des intensités assez fortes.
La gestion de l’espace avec des perspectives linéaires, rabattues, exagérées, incongrues. Le peintre déforme l’espace. Il a une bonne connaissance technique mais ne traite pas la gestion de l’espace d’une manière mathématique comme on le faisait à la Renaissance.
Les lumières : on est fin de journée, moment d’entre-deux, avec des lumières irréelles, amplifiant encore l’aspect mystérieux, des ombres très présentes.
La facture picturale est précise, nette, qui rend la scène réelle. Il tente de faire croire en un espace vrai.
Les éléments de contexte culturel importants:
Le contexte historique, sociologique, économique , l‘artiste , l‘œuvre :
La 1e guerre mondiale avec « l’homme qui s’autodétruit », il ne montre pas directement les conséquences dramatiques sur les hommes, il nous met en contact avec la solitude et la déshumanisation.
La rencontre des surréalistes, c’est lui qui va les influencer.
L’influence de ses lectures philosophiques qui lui apportent une réflexion intense sur la condition humaine, la réalité que l’on vit, l’aspect cyclique des événements auxquels on ne peut pas échapper, une destinée imparable.
LE MESSAGE
Assembler les éléments retenus et en faire un texte.
Partir de la description : De ce paysage urbain complètement isolé avec une lumière étrange, des ombres portées très importantes, des couleurs mystérieuses, émerge une sculpture faite d’objets hétéroclites surmontée d’une tête de mannequin déshumanisée.
Faire intervenir les impressions générales ressenties : qui accentue la solitude et la destinée inquiétante de l’être humain, qu’en est-il de l’humanité, où est l’être humain ? Ne doit-il rester que des bâtiments et une place vide ?
Proposition : il y a des références culturelles à l’Antiquité ou à la Renaissance, une recherche de ses origines mais aussi un questionnement de la spiritualité (réf : Nietzsche), tendance à la solitude, l’ennui et à la souffrance (réf : Schopenhauer), aspect d’assemblage hétéroclite (ref : Rimbaud). Association d’éléments qui n’ont rien à voir les uns avec les autres qui composent la sculpture : cela préfigure ce que deviendra la sculpture 30 ou 40 ans plus tard et qu’on appellera « accumulation » ; en cela Di Chirico est novateur. Attention à ne pas utiliser de terme inadéquat dans la description (un « ramassis » est un terme péjoratif avec une connotation négative, ce n’est pas ce terme qu’il faut utiliser ici).
La sculpture occupe une place centralisée dans la composition, elle est imposante et s’élève très fortement. On a parlé de « totem ». On est dans la recherche de l’élévation, s’élever de cette condition humaine tellement triste, désastreuse, il faut s’élever de cela pour échapper à cette triste réalité que l’humain propose en 1917.
Les procédés techniques utilisés sont en lien avec ses objectifs : couleurs, lumières, ombres portées, amplification de l’isolement dans la ville, la gestion de l’espace, les perspectives qui amplifient l’étrangeté de cette zone de vie, certes, mais où il n’y a plus rien. Les bâtiments sont bien présents, ancrés dans le sol mais l’homme est absent.
Ce « totem » n’est-il pas là pour que le souvenir de l’homme puisse perdurer ?
L’aspect de totem a quelque chose de sacré, de l’animisme, avant d’arriver aux religions. L’espoir d’une construction, d’essayer de récupérer une humanité là où il n’y en a plus. Ici, on n’y arrive pas, on n’arrive juste à proposer une tête de mannequin.