Richard Hamilton, Just what is it that makes today’s homes so different, so appealing? 1956 – collage – 26×25 cm

Traduction : Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui nos intérieurs sont si différents et si attrayants?

Cette œuvre est considérée comme le manifeste du Pop Art. Hamilton a commencé en 1952 par peindre d’autres tableaux qui annoncent cette veine. Mais « l’Histoire de l’Art » va retenir cette œuvre ci parce qu’elle condense et exprime les idées principales du Pop Art.

Le collage n’est pas nouveau,

Nature morte à la chaise cannée, Picasso, 1912 – collage – 29x37cm

Picasso est dans sa période analytique du cubisme et pour faire comprendre son sujet et atteindre son objectif, il colle un morceau de toile cirée représentant  du cannage et peint par dessus. Il enserre le tout par une corde collée.

Il y a aussi Kurt Schuitters qui  à partir de 1918 va élaborer des collages composés d’éléments de toutes sortes récoltés autour de lui. Il sera associé au Dada et construira une œuvre totale nommée Mertz, tout au long de sa vie

Des femmes sont également parties prenantes de ces mouvements comme Hannah Höch qui était une membre  importante  du mouvement Dada de Berlin.

Pour aborder cette thématique du Pop Art nous allons décortiquer cette œuvre de Hamilton et recenser les principales thématiques qui seront traitées dans ce mouvement naissant.

Procédons par catégories :

Les médias: le cinéma, les spectacles, la presse, la télévision, les comics.

La technologie: l’aspirateur, l’enregistreur à bande, la télévision, l’automobile symbolisée par le blason de Ford sur le lampadaire, la conquête de l’espace représentée par la lune dans le plafond. Cette course à  la conquête de l’univers fait l’objet d’une lutte entre les États Unis et l’URSS pour savoir qui atteindra la lune en premier. Le Pop Art se concentrera sur ce qui est à la page, ce qu’il y a de plus nouveau, de plus moderne, de plus recherché.

Le mobilier: celui qui est représenté est ce qui se fait de plus moderne, design. Les lignes sont épurées mais le confort n’est pas toujours au rendez-vous.

La décoration des murs: un portrait très classique pour faire référence à ce qui est connu, et le blason qui est une mise en évidence de la famille.

La nourriture: la boîte de jambon en conserve, et la sucette. Ces deux éléments sont à une échelle disproportionnée. C’est un procédé que le Pop Art va largement utiliser. Cela sert à attirer l’attention, donner de l’importance, mettre en avant les éléments en créant un contraste d’échelle entre ceux-ci pour créer une mise en évidence.

Ce n’est pas de la nourriture fraîche.  C’est de la nourriture industrielle reliquat de la guerre où il a fallu trouver des solutions pour conserver la nourriture. En 1956 c’est en passe de devenir un mode de consommation. C’est très différent des représentations des natures mortes du 17ème siècle où il y a de la nourriture en abondance. Elles illustrent une autre représentation de la nourriture. Il y a ici aussi un angle de vue, une idéologie que Hamilton met en lumière.

Les humains: il y a un homme et trois femmes. L’homme est représenté comme un homme idéal. Il est blanc, à cette époque, bien que Martin Luther King commence à faire parler de lui, tant en Angleterre qu’au Etats-Unis on ne traite pas encore des questions raciales. Cet homme a une certaine prestance et Hamilton le ridiculise en lui mettant une sucette gigantesque dans les mains.

La femme sur le sofa fait référence aux Pin-up, femme objet et fantasme sexuel masculin qui à cette époque sont épinglées par certains hommes sur leur lieu de travail et que l’on retrouve dans les magazines comme Lui ou Playboy.

La femme qui passe l’aspirateur représente une image de la femme au foyer.  Elle est idéalisée d’ailleurs elle est en haut de l’escalier. Pour mieux la lier à sa fonction on lui offre tous les appareils ménager modernes.  Et on lui fait croire que grâce à Hoover elle a un peu plus de liberté. Dans la flèche il est dit : « les aspirateurs ordinaires ne vont que jusque là »

La femme qui est représentée dans la télévision est l’image de la femme futile, puérile,…. C’est une constante dans les images de représenter les femmes avec la tête inclinée, en oblique ligne qui comme on l’a vu annonce le déséquilibre, le chaos.

Ces trois images de femmes ne sont pas valorisantes, elles perdureront comme modèle véhiculé par les médias et surtout la publicité jusqu’aux années 70 où les mouvements féministes entreront en jeu et viendront déconstruire ces représentations aliénantes.

En 1957 Hamilton donnera une définition du Pop Art en gras, le reste est le commentaire que nous en avons fait:

Le Pop Art est: populaire, donc destinée à tous contrairement à l’art qui précède qui lui était destiné à une élite nantie financièrement, intellectuellement, culturellement. C’est une coupure avec tous les mouvements précédents. Éphémère, qui ne dure pas longtemps parce qu’il fait référence au temps présent, tant par les matériaux utilisés que par les sujets abordés alors que les mouvements précédents parlaient abondamment du passé. Consommable, cela peut-être acheté facilement, mais cela veut dire aussi qu’on le remplace facilement, qu’on jette.  Alors qu’avant l’objectif était la  pérennité, la durée dans le temps. Bon marché, donc accessible à tous et les reproductions vont faire florès. Jeune, c’est un art destiné à la jeunesse nouvelle catégorie sociale qui n’était pas prise en compte par les mouvements artistiques précédents. Insolent, pas de politiquement correct dans cette œuvre. Sexy, une certaine vision désirable même si elle est critiquable ( toujours se remettre dans l’époque où l’œuvre à été crée). Fantaisiste, le Pop Art introduit l’humour, rejette le sérieux qui était l’apanage des œuvres précédemment. Séduisant, certaines œuvres du Pop Art sont même un peu racoleuses. Et qui rapporte gros, la grande référence par rapport à ces derniers termes et plus généralement au Pop Art c’est Andy Wharol.

Le terme Pop Art apparaît en 1954, et en 56 mais c’est Lawrence Alloway qui en 1958 il écrit un essai sur les arts et les médias où il parle de culture de masse qui commence à être identifiée et étudiée. Alloway  donne une légitimité au Pop Art et prend La Défense de cette forme de culture qui a pour objectif de donner une place à cette population qui jusque là n’avait pas accès à l’art.  L’abstraction qui règne depuis 1910 n’est pas accessible au tout venant, le Pop Art revient à de la figuration par le biais de sujet de la vie quotidienne. Les spécialistes qui pensent l’Art, qui catégorisent la production culturelle vont trouver cela trivial. Le tout venant va adhérer car enfin, il va comprendre cet art là.

La naissance du Pop Art c’est en Angleterre contrairement à ce que l’on pense d’emblée.

En 1952, à Londres, un groupe d’artistes créent l’Independent Group. Ils sont peintres, sculpteurs, architectes, écrivains et critiques. C’est donc un groupe hétérogène, ouvert, éclectique, intéressé par la multiplicité et les différences. Ils veulent être indépendants par rapport à l’art du moment qui est l’abstraction mais aussi des marchants et autres faiseurs de règles. Comme la majorité des artistes qui se rebellent face aux codes de leur époque. Ce qui les intéresse c’est le monde du présent, la technologie, la publicité qui parle de ce nouveau mode de consommation.

Eduardo PAOLLOZI 1924-2055

Malgré son nom à consonances italiennes est écossais.

Ce sont des collages, on constate que les supports sont remis en question. Techniquement, les artistes vont briser les codes de l’histoire de l’art telle qu’on la pense à l’époque. La composition et ses procédés techniques qui prennent une place énorme dans l’art traditionnel vont être rejetés. Fini le plan,  la ligne de direction, les formes géométriques, la perspective, la lumière pour mettre en évidence les espaces. Ces procédés techniques seront abandonnés pour ne conserver que la mise en évidence des sujets par la couleur.

Ici, tout est collé sur un seul plan et on pourrait même dire sans plan, tout est plat, il n’y a pas d’espace suggéré, c’est collé l’un à côté de l’autre sans aucun respect des proportions. Seule la couleur permet de distinguer les éléments et met en évidence le sujet.

Il y a provocation, pour le monde établi de l’Art, dans l’utilisation d’une vulgaire feuille de papier, d’en conserver l’aspect déchiré, brouillon. Provocation également dans le choix du sujet, une boîte de thon, Minie, une limonade orange probablement fabriquée au départ de la poudre Tang et cette femme apprêtée.

Schwitters, artiste Dada, est un des premiers à utiliser le collage, il procédait déjà comme cela; parfois il déchirait pour garder le côté irrégulier, spontané de la découpe et parfois il coupait aux ciseaux pour l’aspect net de celle-ci.

Richard HAMILTON 1922 – 2011

Il y a ce collage que nous avons décortiqué qui pour rappel est considéré comme le manifeste du Pop Art et correspond à la définition que Hamilton donne d’une œuvre Pop Art. Mais il a fait d’autre choses.

C’est aussi du collage associé à de la peinture. Comme il est l’un des premiers, on sent dans certaines œuvres collées qu’il a du mal à lâcher  la peinture, qui est l’art dominant. Et en terme de gestion d’espace il nous propose des choses qui font référence aux procédés habituels comme la perspective pour nous faire comprendre les différents espaces mais c’est à peine convaincant. Le mélange du noir et blanc et de la couleur annonce les techniques mixtes ce qui est novateur.

Hommage à Chrysler Corp 1957
1220x810mm
Peinture à l’huile, feuille de métal, impression sur bois.

C’est un an après l’œuvre que nous avons vu en premier, c’est intéressant de constater que les artistes ont du mal à lâcher prise sur ce qui est connu maîtrisé. C’est bien normal après avoir fait des études ou l’on enseigne des règles qui ont quelques siècles de références.

Sans le titre nous aurions du mal à y voir un phare de voiture et le début d’une calandre. C’est confus. Nous sommes dans la semi figuration.

La figuration est l’art majeur, au début du  XXeme siècle des artistes vont faire des propositions sans sujets dites abstraites et entre les deux il y a des artistes qui chipotent un peu, qui donnent des indices sans révéler le tout du sujet, cela engendre le doute, la confusion. C’est la demi-figuration.

Quand on parle du Pop Art ce n’est pas ce genre d’œuvre que l’on présente. Nos références sont plutôt issues de l’américain Andy Warhol et ses boîtes de soupe Campbell ou les Marylin Monroe. C’est pour cela que l’on se rend pas compte que l’origine du Pop Art est en Angleterre avec des artistes comme Hamilton.

She, Richard Hamilton 1958
Peinture à l’huile, peinture au nitrate, plastique, papier- 1219x813mm

Il y a la suggestion d’un buste et un grille pain. Quelques éléments qui structurent un espace. Une porte ouverte sur l’intérieur d’un réfrigérateur.

Hamilton dit de cette œuvre « le sexe est partout, symbolisé par le glamour du luxe produit en série » et encore « cette relation entre la femme et l’appareil est un thème fondamental de notre culture; aussi obsessionnel et archétypal qu’un duel dans un film western »

Hamilton et Paolozzi feront partie d’Indepedence Group. Deux grandes expositions en 52 et en 53 où ils vont exposer leurs œuvres et c’est à ce moment qu’émerge le concept de Pop Art.

Peter BLAKE 1932

Sur le balcon 1955 – huile sur toile – 1213×908 mm

Il ne respecte pas les règles de la composition. C’est fantaisiste la couverture de Life remplace la tête d’un des personnages. Un autre est coupé on ne voit pas, la tête.

Il y a un côté irrévérencieux. Il représente,  comme par collage, tous ces objets de consommation quotidienne et notamment ces magazines que l’on lit de plus en plus pour y découvrir la vie des stars et autres princesses qui évoluent dans un monde auquel on rêve.

Tattooed Lady 1, 1955 – encre et huile sur papiers collés – 53,3×35,6

Ce sont des planches de bois sur lesquelles il peint. Les tatouages sont tout à fait fantaisistes tout comme là femme représentée. On a du mal à  faire le lien avec le Pop Art.

Magasin de jouets 1962

Il pense en 2D. Cette œuvre annonce les prémices des installations. Il fait un ancrage à la réalité en utilisant une porte avec le bouton et les moulures. Une vitrine proche du réel. Mais derrière se sont des collages.

Robert RAUSCHENBERG 1925 – 2008

Rauschenberg, 1954 Charlene – Combine – 226,1×284,5×8,9 cm –  huile, fusain, papier, impressions, bois, plastique, miroir, monté sur quatre panneaux de bois avec ampoule électrique le tout assemblé.

Artiste Neo Dada, sa démarche est liée à Marcel Duchamp qui, pour rappel, a pris un urinoir l’a posé à l’envers, l’a signé R Mutt avec une date et déclare que c’est une œuvre d’art. Nous sommes au sortir de la guerre 14/18 et les artistes estiment que si l’Homme se détruit ils peuvent détruire l’Art

Il peint volontairement de manière  brouillonne sans se soucier de la facture picturale et ajoute des éléments réel comme un parapluie, une ampoule électrique qui fonctionne.

Bed 1955
Combine : huile, graphite, oreiller, quilt et bout de tissus. 191,1x80x20,3 cm

Il place des éléments réels, oreiller, patchworks traditionnel américain, accroché tout sur un panneau le redresse à la verticale et clash de la peinture. Un autre artiste à fait cela un peu plus tôt.

C’est Jackson Pollock et ses drippings qui en 1955 sont devenus une manière de peindre académique. Ne sous estimez pas la difficulté de « clascher » de la peinture. Dans le geste qui paraît très intuitif, sauvage, il faut de la maîtrise et savoir doser la quantité de peinture.

Rauschenberg sera considéré comme un des premier Pop artiste aux Etats-Unis parce qu’il utilise des techniques mixtes ce qui qui n’est pas courant mais le sujet est on ne peut plus quotidien. C’est un lit. Et sur ce lit, il n’y a pas une Odalisque ou une Vénus nue. Il le réduit à son aspect le plus rudimentaire. Et il n’y a pas non plus l’aspect humain puisque celui-ci n’apparaît pas non plus. Il y a cette volonté de casser les codes en mettant ce lit verticalement au mur alors qu’un lit c’est posé horizontalement et au sol. C’est un moment de bouleversement, de recherche. En cela, c’est plus une attitude Neo Dada que PopArt. En Europe on le classera dans les Neo Dada cela nous parle plus tandis qu’aux États-Unis on le classera dans le Pop Art.

Jasper JOHNS 1930

Techniquement il fait une sculpture dans les règles de l’art, à la cire perdue avec des alliages de métaux. On est trompés par ces étiquettes qui sont en fait peinte sur la sculpture. En plus, il leur donne un aspect vieilli. C’est Pop Art dans le sens où il utilise cette technique ancestrale à haute valeur artistique pour représenter un objet on ne peu plus trivial que ces canettes de bière et par ce geste , il les porte au rang d’œuvres d’art ce qui en fait aussi une œuvre Neo Dada.

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