Artiste américain, il a profondément révolutionné l’expression artistique parce qu’il portera une réflexion particulière sur la 2D et la 3D. Il va également introduire de l’hétérogénéité dans l’art, et plus particulièrement dans la production d’un type d’œuvre d’art. Il va introduire la notion de temporalité et d’interaction avec le public.
C’est un artiste difficilement classable, dans la littérature on le trouve associé au POP ART, ce qui dans un premier temps lui convient mais qu’il réfutera par la suite. Il est considéré aussi comme un NEO DADA qui est lié au mouvement Dada dont l’un des représentants les plus connu est Marcel Duchamp, mais aussi Kurt Schwitters.
Dans un premier temps, il commence par des études de pharmacie. Et au moment de la seconde guerre mondiale il s’engage dans la Marine. En 1947, une fois le conflit achevé, et après les horreur de la guerre, Rauschenberg s’inscrit au Kansas City Art Institute. Il y suit les enseignements de peinture, sculpture, histoire de l’art, composition, musique, mode et anatomie.
1948 Rauschenberg part étudier l’art à Paris à l’Académie Julian. Il y rencontrera Susan Weil artiste peintre qu’il épousera en 1950, un fils naît de cette union mais ils divorcent rapidement.
1951
C’est tout à fait en lien avec les monochromes bleu de Yves Klein, En 1957, il se fixe sur la couleur du ciel : il fait breveter un bleu particulièrement intense (International Klein Blue) qui devient sa signature. Ils ne se connaissent pas, ne se sont jamais rencontrés mais parfois les artistes à différents endroits du monde s’engagent sur une voie qui les mène à une réflexion et un résultat semblable. C’est un constat que l’on peut faire dans diverses sphères culturelles, on voit également ce phénomène en science, …
Donc d’un côté Rauschenberg et de l’autre Klein font des monochromes qui auront une influence sur le minimalisme, mouvement où les artistes vont « avec le moins tenter de faire le plus ».
Rauschenberg commence avec la peinture abstraite et aura par la suite une production très particulière.
A la différence des White Painting il y a de la matière. Et ces peintures noires peuvent être associées à un artiste français : Soulages qui commence ses expérimentations avec les noirs dès 1946 mais c’est en 1979 qu’il y a la rupture et qu’apparaît la série l’outre noir. Cinquante ans séparent ces deux expériences picturales.
Musée à Rodez :https://musee-soulages-rodez.fr/
La question du vide va intéresser Rauschenberg car en relation avec l’espace, le plein, le lien entre les choses et il sera un pilier pour les artistes conceptuels et pour les minimalistes avec ce type d’œuvre.
Influencé par le musicien John Cage poète et musicien et Merce Cunningham danseur et chorégraphe, il va développer un intérêt pour différents concepts : la multiplicité, la simultanéité, l’indépendance, l’interpénétration, la non obstruction. Il introduira ce qu’il nomme comme « événement non intentionnel et non maîtrisé » et que nous nommerons : le hasard, l’aléatoire. Mais pour lui un de ces concepts est essentiel c’est l’hétérogénéité (Qui est hétérogène, hétéroclite, composite. Synonymes : disparité – dissemblance – diversité).
« Je ne veux pas qu’un tableau ressemble à quelque chose qui n’est pas, je veux qu’il ressemble à ce qu’il est, et je pense qu’un tableau est plus proche du monde réel quand il est réalisé avec des éléments du monde réel ».
Le message est clair : exit la peinture.
1952 Il fait un voyage en Europe et au Maroc c’est pendant ce voyage qu’il commence à faire des collages et des associations qui annoncent les Combines qu’il commence à son retour À New-York.
Cette œuvre est assez significative de ce que Rauschenberg va faire par la suite.
Il dira : « l’art est la vie »
Willem de Kooning qu’il rencontre en 1950 comptera parmi ses plus proches.
En 1953, il fait un premier coup éclat dans le monde de l’art en demandant à Willem de Kooning de lui céder une œuvre avec le droit d’en faire ce qu’il veut. Cela donnera « Erased de Kooning » on peu y voir une volonté de s’affranchir d’une ombre tutélaire.
Un dessin effacé : https://blogs.mediapart.fr/eric-monsinjon/blog/191222/il-faut-quune-oeuvre-sefface
1954 il rencontre Jaspers Johns qui a un atelier dans le même immeuble que lui, ils entament une relation homosexuelle. Ils vont s’influencer mutuellement.
En 1955 la vie aux Etats-Unis est marquée par le boum économique et la consommation de biens qui s’envole et en conséquence, on produit des déchets. Et c’est pourquoi on l’associe au POP ART mais c’est un peu réducteur par rapport à sa démarche.
Il va commencer à produire des « Combines » que l’on prononce à l’anglaise et que l’on ne traduit pas.
« Je les appelle COMBINES, c’est-à-dire œuvres combinées, combinaisons. Je veux aussi éviter les catégories, si j’avais appelé peintures ce que je fais, on m’aurait dit que c’étaient des sculptures, et si j’avais appelé cela des sculptures, on m’aurait dit qu’il s’agissait de bas-reliefs ou de peintures ».
Ce terme de Combines est un mot qu’il choisi pour qualifier son travail. On constate que ce sont des œuvres hybrides, difficiles à cataloguer, qui combinent différents matériaux mais aussi différentes techniques. Est-ce qu’on parle d’assemblages? oui d’une certaine manière et ils seront constitués de matériaux de rebut qui vont faire résonance à cette société de consommation qui s’engage dans un gaspillage évident.
Il est souvent classé dans les sculpteurs bien que l’idée que l’on se fait d’une sculpture ne correspond pas à ce que l’on voit ici. Et notamment, la sculpture « ronde bosse », celle dont on peut faire le tour. C’est déjà compliqué de déterminer la typologie de l’oeuvre, car ici elle est accrochée au mur.
Dans les Combines il propose une association de la 2D et de la 3D, on va voir à quel point ses proposition sont multiples. Ici, l’emprise sur l’espace se fait d’une part sur le plan vertical, et sur le dessus il y a une planche et sur cette planche une poule empaillée, qui si elle poursuit sa trajectoire, tombe.
Cette planche est en décrochement par rapport au plan vertical et la poule prend de la place , du volume. Il entremêle de manière assez soft la 2D et la 3D.
Franck Stella va faire ceci … l’influence est notable.
Cette œuvre est un rébus visuel, l’apport majoritaire est fait d’éléments de rebut et cette démarche est complétement assumée. Ce sont des cartons, des journaux, des photos, du textile, du plastique, des morceaux de verre et parfois de vrais objets. Un cap est passé, l’artiste décide d’utiliser des objets qui n’ont plus de vie et va leur en donner une seconde. Il se dégage de la 2D ou 3D et se place dans un entre deux.
Cela forme un tout hétérogène, on est bien d’accord que les éléments ne se ressemblent pas et de plus, il rajoute de la peinture sur certaines parties.
« Ce n’est ni de l’art pour l’art, ni de l’art contre l’art. Je suis pour l’art, mais pour l’art qui n’a rien à voir avec l’art. L’art a tout à voir avec la vie mais il n’a rien à voir avec l’art ».
Il est dans l’humour, et dans le refus d’un art conventionnel, classique. Et il veut être dans la vie. Il est très sérieux mais pas triste.
Quand on regarde cette oeuvre, on se rend bien compte qu’il casse les codes parce que dans une peinture classique il faut : un sujet, on est déjà bien embêté, en tout cas on ne le voit pas d’emblée ; au point de vue de la composition qui se fait avec le plan, la ligne, la forme, la perspective ; là encore : le chaos. Il n’y a plus d’ordre, apporté traditionnellement par les procédés techniques classiques. Ici, il va être difficile de les trouver. Rauschenberg va décider que dans les procédés techniques il n’y en a plus un qui est majoritaire par rapport aux autres, tous ont la même valeur. Et, il n’y aura pas de hiérarchie entre les éléments employés.µ
Troisième phase du cubisme dit « synthétique » ou Picasso veut montrer la « vraie réalité » mais comprend que les spectateurs ne comprennent rien devant ses tableaux cubistes et n’y voient pas la réalité. C’est pourquoi, pour ancrer la réalité il va « introduire» des éléments réels.
Marcel Duchamp, un des Pères du Dadaïsme, qui dans le contexte socio-politique d’après première guerre mondiale, balaie l’art classique et fait ces assemblages puis les déclare « œuvres d’art ». Il prend le contrôle et refuse de laisser le pouvoir aux organisateurs des salons et autres critiques d’art institués.
Le Merzbau, assemblage dans lequel on rentre.
Tout est dans l’intention : Picasso met des vrais éléments pour aider le spectateur à s’y retrouver. L’intention de Duchamp est encore différente. C’est de Schwitters que Rauschenberg est le plus proche.
Rauschenberg quitte donc la 2D pour envahir l’espace en utilisant « l’hétérogénéité formelle ».
Quand on regarde de plus près on voit ces coulures et elles font référence à un artiste américain du moment.
Au Etats-Unis, à cette époque, cet art là, l’expressionnisme abstrait est en quelque sorte considéré comme l’art académique. C’est l’art qu’il faut faire. Et pour Rauschenberg, exprimer ses émotions personnelles cela ne l’intéresse pas. Et l’abstraction ne l’intéresse pas non plus, parce que ce n’est pas la vie.
Et pourtant, il y a des coulures, qui nous disent qu’il a travaillé verticalement. Et, si l’art c’est la vie, où est le sujet? La vie doit-elle être nécessairement liée au sujet ? Rauschenberg dira non, en tout cas pas en lien avec un sujet représenté. Chez Rauschenberg, ce sont les matériaux qui vont faire ce lien avec la vie.
Le fait de n’y rien comprendre, de trouver cela bâclé, ridicule, n’enlève rien au travail complexe de Rauschenberg qui cache bien son jeu.
Rauschenberg Minutiae ( Menus détails) 1954, (214.6 x 205.7 x 77.5 cm) Huile, papier, tissu, papier journal, bois, métal, plastique, miroir, fil tressé sur structure en bois.
Œuvre auto portante qui souvent est exposée contre un mur mais qui a l’origine avait une autre destination. Conçue pour un spectacle de danse de Merce Cunningham, elle était posée sur une scène avec de l’espace tout autour pour que les danseurs puissent venir de derrière, circuler autour et dedans en passant dans cet entre deux où il y a du voilage.
Quelques images pour voir comment fonctionnait le dispositif : https://www.rauschenbergfoundation.org/art/archive/minutiae-excerpt-event-television
Il y a donc des parties rigides et des parties flottantes, toutes les parties sont reliées entre elles et sont autoportantes.
Si l’on tente une analyse du procédé technique facture picturale, on aurait : accidenté, rugueux, différence entre les matières sur toute la surface. Des collages, un miroir, les pieds sont tous différents. Donc hétérogène.
Le rejet de tous les procédés classiques va à l’encontre des attentes de l’art classique qui recherche une forme d’esthétique, d’harmonie, de beauté. L’objet a servi de décor pour un spectacle, c’est à la fois de la peinture et de la 3D, un volume, même si on a du mal à le nommer « sculpture », son intention est bien de prendre de la place dans l’espace de ne plus être dans le plan vertical. Il y quand même une harmonie par la couleur qui est dans un champ chromatique restreint. Et la partie en avant est décentrée ce qui est encore hors procédé classique qui veut que les choses soient centrées, équilibrées.
Questions :
Est-ce une ronde bosse ? Dans l’absolu on pourrait dire oui, sauf, que l’on ne sait pas si l’arrière est fini et travaillé comme l’avant. Et que les danseurs même s’ils venaient de l’arrière ne s’arrêtaient pas pour le regarder. De plus quand il est exposé il est contre un mur ce qui laisse supposer que le dos des panneaux ne sont pas travaillés. Dans l’intention de Rauschenberg il n’était probablement pas question de créer une ronde bosse.
Pourquoi dit-on que c’est une œuvre d’art ?
Duchamp est passé par là et il a donné le pouvoir aux artistes de décider que le travail réalisé est une œuvre d’art. Son intention est bien de réaliser une œuvre d’art qui est composée de matériaux hétérogènes et qui va servir à un spectacle vivant : la danse qui est une autre forme d’art.
Pour rappel son intention majoritaire est de faire de l’art en lien avec la vie. En utilisant des éléments non intentionnels et non maîtrisés ( les coulures de peinture, on ne sait pas où cela va s’arrêter) pour mettre en œuvre des principes de création basés sur l’aléatoire et le hasard.
De face on n’imagine pas qu’il y a autant de décrochement. Rien n’accroche le regard, c’est le chaos, si quelque chose s’imposait au premier regard cela voudrait dire qu’il y a une hiérarchie.
Il a une vaste culture en histoire de l’art et va faire référence à des œuvres connues, ici il dit faire référence à La tempête de Giorgione.
Il inverse et met la femme à gauche, il n’y a pas l’homme mais il y a le coq qui est pour lui un symbole de virilité, il va le réutiliser plusieurs fois. On ne retrouve pas la colonne, mais la femme est assise sur des troncs … Rauschenberg a des références et il les traduit dans son langage artistique, l’intéressant n’est pas de retrouver une copie plus ou moins modernisée d’une œuvre ancienne mais bien de voir une œuvre novatrice inspirée d’une œuvre ancienne.
Les titres sont importants pour Rauschenberg, il dit
« Ce sont tous des coups d’envoi. Ils sont au départ de mon travail. Soit que j’essaye d’être consciemment provocateur, ou humoriste ou macabre… Le titre est comme un autre objet dans l’œuvre. C’est une pensée délibérément solide et complexe qui oblige à tourner autour des pièces, car à cause d’eux(les titres), on a l’impression de n’être jamais à la bonne place »
Le titre est comme un autre objet dans l’œuvre. En affirmant cela Rauschenberg crée, provoque un lien entre l’œuvre et le spectateur. C’est une invitation à entrer dans l’espace de l’œuvre et de tenter de la comprendre. Mais souvent il nous laisse quand même un peu dans le brouillard .
« A trop en dire on ne voit plus rien. Mon travail est fait pour être vu. Deux personnes ne peuvent voir de la même manière. »
Merci Robert Rauschenberg de dire cela, et nous en avons confirmation chaque fois que nous faisons une analyse esthétique puisque en voyant tou.te.s les mêmes procédés techniques d’une œuvre nous en tirons des effets recherchés différents. On n’a pas la même vision et donc nous pourrons raconter plein de choses différentes. C’est une ouverture au dialogue et à la prise de pouvoir du spectateur sur la signification de l’œuvre. C’est un des premiers à donner aux spectateurs le pouvoir de dire comment il voit, comprend et d’échanger avec d’autres au sujet de l’œuvre.
Bed est placé à la verticale.
Des détails, on peut en agrandissant voir les coulures et des apport de peintures qui semblent être sorties du tubes sans intervention du pinceau. Le haut ressemble plus à une palette un peu brouillonne qu’ à une tête de lit.
En disant que ce Combine est une référence à la vie, c’est un espace de vie, un lit avec toute l’intimité que cela suppose. On dit qu’il fait « une fenêtre ouverte sur la vie ».
Et le concept de fenêtre ouverte est un concept qui remonte à la Renaissance.
Leon Battista Alberti, (1404 -1472) est entre autre théoricien de l’art et dans De Pictura (De la peinture) écrit en 1435 :
« La peinture est une fenêtre ouverte par laquelle on peut regarder l’histoire »
Face à nous dans ce premier plan il y a la Vierge face au Chancelier Rolin, chacun dans un triangle. Nous nous trouvons dans le même espace que ces deux personnages. Le pouvoir politique à gauche et le pouvoir religieux à droite. Dans cette position ils sont égaux, mais si Rolin se lève il sera plus grand que la Vierge.
Et puis, il y a l’espace extérieur, l’environnement qui montre toute la grandeur de cette nouvelle vision qu’est l’humanisme nouvelle philosophie qui se répand en occident.
La commande impose l’utilisation du cadre qui existait déjà. On voit que le paysage est continu entre les deux parties, certains artistes contemporains proposent des œuvres composées de plusieurs morceaux et invitent les spectateurs à constater que les éléments se suivent d’un tableau à l’autre. On constate que cela se faisait déjà à la renaissance.
Ces deux personnages sont face à face et toute sorte de détails montrent leur rang et leur puissance temporelle. Derrière eux, ouverture sur l’environnement symbolisant non seulement la richesse des deux époux mais aussi cette philosophie humaniste qui replace l’homme dans ce même environnement. Les personnages sont de profil, référence aux médailles ou au côté face des pièces de monnaie, manière de les glorifier mais, quelques défauts physiques sont présents, le duc est présenté sous son meilleur profil, il était borgne, mais on voit que son nez est cassé, on commence à montrer les gens tels qu’ils sont.
Nous sommes bien devant des sortes de fenêtres qui nous montrent des espaces intérieurs, voire intime, enchâssés dans l’espace extérieur, le monde. Avec aussi tous les éléments symboliques qui viennent raconter une histoire. Mais c’est une illusion puisque c’est plat et vertical, c’est le paradoxe de l’art, de la peinture en tout cas.
Nous retournons au lit, en quoi est-ce une fenêtre sur la vie pour Rauschenberg ?
C’est une fenêtre ouverte sur la vie intime de quelqu’un. Il n’y a probablement pas grand chose de plus intime qu’un lit.
Dans une première version il avait envisagé de mettre la chèvre sur un espace plan vertical et une échelle verticale encore par devant.
Cette autre version propose encore une disposition différente. Et puis il arrive à ceci :
Sur les conseils de Jasper Jones, il met le plan vertical à l’horizontale et place la chèvre au centre avec le pneu et on dira plus volontiers que c’est une 3D. Avec éventuellement l’idée d’un socle pour la partie horizontale, mais on sait depuis Brancusi que le socle peut fait partie de l’œuvre.
Jasper Johns est dans la verticalité, la peinture.
On constate une fois de plus l’hétérogénéité des éléments, des procédés, rien de semblable, rien d’attendu.
Odalisque … on pense à une belle femme allongée sur un divan.
Et cela n’a évidement rien à voir avec l’Odalisque de Rauschenberg :
A savoir : le coq c’est l’homme. L’homme est placé au-dessus sur cette boîte et sous la boîte un coussin. Et pour Rauschenberg le coussin c’est la femme qui est moelleuse, douce, accueillante mais aussi comprimée, oppressée, coincée, ….
Dans la boîte il y aussi des lampes qui s’allument de temps à autre. Un objet incongru.
On y voit plusieurs représentations de femmes. Et en bas à droite de la première image un loup. Il introduit des représentations féminines et masculines sous le mode de la parodie avec de l’humour, du sarcasme.
Il va jouer avec les codes conventionnels et les références artistiques mais sans que se soit accessible de manière directe et va installer une nouveauté : la temporalité.
Comment ? Pour commencer il fait un ancrage avec l’histoire de l’art en faisant référence à des courants artistiques. Il va utiliser des coupures de presse quotidienne où les dates apparaissent. Ensuite, il va mettre des miroirs dans lesquels les spectateurs vont se voir. L’idée est que lorsque le spectateur passe devant et se voit, c’est un moment T. S’ils reviennent et repassent devant à des intervalles de temps différents, le temps aura passé. C’est une démarche conceptuelle.
Dans d’autres, il introduira des réveils, le rapport au temps sera plus clair.
La chaise prend de la place dans l’espace et est en lien avec le plan vertical par la peinture. Aujourd’hui on est à l’aise avec ce genre d’œuvre mais en 1960 c’était plus compliqué.
La prolongation de la peinture sur la chaise montre bien la réflexion sur la 2D et la 3D de manière un peu plus complexe.
Rauschenberg l’a pensé de la manière suivante : le spectateur va dans la valise placée au sol prendre une fiche avec des consignes à suivre. Les consignes sont : prélever dans la valise un objet et le remplacer par un objet personnel. Ensuite dessiner, sur l’un des blocs notes ( qui devaient se trouver sur les plaques métalliques), des éléments de l’objet choisi pour en laisser une trace dans l’œuvre.
Interaction, participation, échange, donc implication personnelle. Pourquoi le titre Black Market ? Parce que le spectateur ne sait pas ce qu’il y a dans la valise, il ne sait pas non plus ce qui y sera laissé. Entre en scène l’inconnu, la surprise. Le temps intervient puisqu’il y aura plusieurs phases, le temps est découpé, cela peut être à l’infini. De plus, l’œuvre s’enrichit, change, elle ne sera plus la même et deviendra autonome, n’appartiendra plus à l’artiste. Il devient lui même spectateur de l’œuvre qu’il a initiée. C’est donc une œuvre vivante qui ne peut vivre que grâce au spectateur.
Rauschenberg a pris du pouvoir en tant qu’artiste mais il en a donné aux spectateurs en créant un lien entre ceux-ci et ce type d’œuvres. Manière de faire qui sera reprise et amplifiée par des artistes plus tard.
C’est également son travail qui fera naître les termes Art plastique, Artiste plasticien.