Une mise au point au sujet du procédé technique « plan ».

Pour rappel, la définition et la règle d’usage pour définir le nombre de plan est :

Le tableau, la gravure, le dessin, la photographie, ou tout autre médium artistique qui se présente en 2D et est donc plat et le plus souvent présenté verticalement. Lorsqu’il y a de la profondeur dans une 2D c’est une illusion et en histoire de l’art on va analyser le procédé technique plan au départ d’une définition qui à deux règles.

La première règle dit que : le plan est une portion d’espace qui se déroule de moi, qui suis devant l’objet, et va vers le « fond » de la composition. Il peut y avoir un seul plan ou plusieurs.

La deuxième règle dit que : quand on change d’espace on change de plan et on peut imaginer cette séparation en faisant descendre une vitre transparente qui sépare l’espace mais qui ne peut rien couper. Si la vitre coupe quelque chose cela veut dire que l’on est encore dans l’espace précédent.

Cela peut être difficile à comprendre surtout si on a une expertise en dessin ou que l’on fréquente l’atelier dessin ou pluridisciplinaire. Quand on dessine on réfléchit aux éléments qui sont dans la composition. En dessin on parle des éléments placés dans la composition en terme de mise en place par plan. Par exemple, au premier plan je mets la pomme, au second plan la carafe et au troisième plan le bouquet. Si tous ces éléments sont sur une table dans la cuisine, ils sont, au terme de l’analyse esthétique en histoire de l’art, dans le même plan. Il y aura un second plan si la table est devant une fenêtre ouverte et qu’il y a un jardin.

LE HORS CADRE

Les formes géométriques  qui construisent la composition se prolongent hors du cadre du tableau, cela a pour effet de rapprocher le sujet et le spectateur.

On le sent aussi très bien dans ce portrait de Berthe Morisot peint par Édouard Manet.
Quand on est confronté à cela dans une analyse il est important de le noter.

4 LA COULEUR

C’est un procédé technique qui provoque beaucoup d’émotions et qui nécessite beaucoup d’informations.

Il faut aussi de la méthode puisque nous sommes dans un procédé d’analyse. C’est parfois répétitif.

1 LE CERCLE CHROMATIQUE

Une des premières informations que l’on va chercher c’est quelles sont les couleurs du cercle chromatique utilisées par l’artiste.

Au centre: les trois primaires : le jaune, le rouge et le bleu. Trois couleurs qui vont permettre de développer tout un nuancier.

Ce sera le premier point à établir, l’artiste a-t-il, elle utilisé le jaune, le bleu et le rouge et en quelle quantité.

Autour des primaires: 3 secondaires, qui sont l’addition de deux primaires : l’orange, le violet, le vert.

Et dans le cercle extérieur : les tertiaires qui peuvent varier à volonté selon que l’on augmente l’une ou l’autre des primaires ou secondaires.

Les bruns ou marrons peuvent également être obtenus en mélangeant la secondaire et la primaire opposée par exemple le vert et le rouge, le violet et le jaune, l’orange et le bleu. Les teintes obtenues pourront à leur tour être dégradées pour obtenir d’autre bruns. Les marrons n’ont pas de complémentaires mais comme il peuvent avoir des reflet orangés on peut aller chercher du côté de bleu.

A côté du cercle chromatique, on a le noir et le blanc. Dans ce cours d’histoire de l’art nous considèrerons le blanc et le noir comme des non couleurs et nous en parlerons à part. Et souvent, c’est le professeur qui indiquera si elles sont présentes ou pas parce que les artistes tirent parfois la saturation d’une couleur jusqu’au plus foncé que l’on pourrait percevoir (aspect technique de la photo projetée) comme un noir alors que ce n’en n’est pas. Il faudra  également quantifier le noir et le blanc.

Quelques mots de vocabulaire :

  • La teinte : C’est le ton dominant, par exemple, les teintes primaires sont le rouge, le bleu et le jaune. Elles sont dominantes dans le sens où d’elles découlent toutes les couleurs secondaires et tertiaires.
  • La valeur de la couleur : Signifie la clarté ou l’obscurité d’une couleur ou pour le dire autrement : claire/sombre, lumière/obscurité.
  • L’intensité ou saturation : A quel point une couleur est vibrante chargée en pigments. C’est la couleur qui sort du tube. On peut désaturer ou dégrader une teinte de plusieurs façons : + blanc ou + noir ou + une autre teinte ou la combinaison de ces manières.
  • Le dégradé : est le résultat du mélange d’une couleur avec une autre ou avec du noir ou du blanc.
  • Le camaïeu : est l’ensemble des teintes pures comprises dans l’empan qui mesure la longueur d’onde d’une couleur. Par exemple, pour le bleu c’est entre 380 nm et 500nm. Mais on parle aussi de camaïeux dans le sens de couleurs ayant une même base et qui sont dégradées mais dont la dominante reste visible. Cela variera d’une personne à l’autre du fait que nous ne percevons pas les couleurs de la même façon que d’autres.
    https://revuedada.fr/5-nuances-de-bleu/
  • Le contraste : c’est l’opposition ou la juxtaposition de deux choses différentes. Dans l’art, il peut se manifester de bien des façons.  En 2D l’artiste  y a recourt : dans la couleur, voir les 7 contrastes de Itten ; dans la touche picturale, la matière, le geste ; dans la lumière.

2 LES ASPECTS TECHNIQUES

Les contrastes : les contrastes apparaissent quand les choses s’opposent, et ici les couleurs. Johannes Itten (1888-1967) peintre suisse et professeur au Bauhaus a, dans sa théorie sur la couleur, définit  7 types de contrastes à savoir : le contraste de clair/ obscur ; le chaud / le froid ; le contraste des complémentaires ; de couleur en soi ; de qualité ; de quantité et le contraste simultané.

Dans ce cours, je vous demande de repérer les contrastes complémentaires c’est à  dire les opposés dans le cercle chromatique ou autrement dit, jaune/violet, bleu/orange, rouge/vert. Ces contrastes activent l’œil et attirent le regard assez rapidement.

Les harmonies : apportent de l’équilibre, de la douceur, de l’unité. L’harmonie se travaille par, l’association de plusieurs tons purs d’une même couleur par exemple bleu cyan, bleu turquoise, bleu outremer, bleu ciel, bleu Klein. Ou par les dégradés ou la désaturation d’une teinte pure en vue de l’éclaircir en ajoutant du blanc ou l’assombrir en ajoutant du noir ou la  couleur complémentaire ou une couleur terre. L’objectif étant d’obtenir une série de tons proches mais différents. On parle alors de camaïeux ou encore de dégradés et ceux-ci créent une ou des harmonies.

Dans une analyse au départ d’une photo, et ou quand on n’est pas une spécialiste de la couleur il est compliqué de distinguer ces subtilités entre camaïeux ou dégradés.

L’important est de constater si l’artiste travaille plus dans le contraste ou dans l’harmonie ou un peu des deux, en relevant quelques zones de l’un ou l’autre processus.

Le chaud et froid : s’il y a bien un seul endroit où on en parle c’est dans cette partie ci.

Par rapport aux couleurs chaudes et froides on se pose deux questions :

1) Quelle température est la plus présente ?
2) Face a ce constat, on se pose la question de l’ambiance de l’œuvre ? Cela paraît évident, si l’artiste a utilisé des couleurs chaudes, l’ambiance devrait être chaleureuse et à contrario si elle, il a utilisé des couleurs froides l’ambiance devrait être frigorifique.

Matisse, à la fin de sa vie avait une très mauvaise vue et il travaillait par découpages et il a découpé une silhouette de femme bleus. La théorie dit que le bleu c’est froid et pourtant …

En regardant ce nu bleu ce n’est pas nécessairement le terme froid qui nous vient en tête. A partir du XX-ème siècle les artistes vont un peu triturer cette théorie. Chez les renaissants, quand ils utilisent des couleurs froides nous aurons une impression de froid parce qu’ils sont encore dans une approche classique.

L’intensité : est en lien avec la quantité de pigment qu’il y a dans la couleur. On qualifiera les différents états d’une même teinte en fonction de sa teneur en pigment de : transparente, faible, pâle, terne, pastel, moyenne, vive, pure, éclatante, flash, acide, fluo, saturée, rompue. Cette liste va nous aider à décrire les couleurs. Comme nous ne voyons pas les couleurs de la même manière (la faute aux bâtonnets que nous avons au fond de l’œil qui réagissent à la lumière) parfois notre voisin, voisine voit une couleur que nous ne percevons pas ou pas de la même manière et il y a débat. Il y bien sûr des anomalies génétiques qui modifient la vision c’est le cas des daltoniens. L’âge modifie aussi la vision des couleurs parce que le cristallin devient moins élastique et on a besoin de plus de lumière pour mieux distinguer. Mais la prise de médicaments peut aussi influencer notre vision, c’était apparemment le cas de Van Gogh qui peut-être du fait de son abus d’absinthe et où de digitaline prescrite pour réguler ses crises de démence aurait souffert de xanthopsie, maladie qui fait ressortir le jaune dans la vision.

Tout ceci pour dire que, lorsque vous êtes en atelier et que vous choisissez une couleur avec une intention spécifique dites vous que ce sont vos yeux qui voient cette couleur et que ce serait peut-être judicieux de vérifier auprès de vos camarades d’atelier si sa vision est la même que la vôtre afin de ne pas rater votre effet.

En conclusion, l’important est de vérifier le choix de l’artiste. A-t-il, elle privilégié les intensités faibles, fortes, à joué des deux ou a modulé subtilement toutes les intensités.

Après avoir décortiqué les deux aspects techniques précédents, il nous reste à établir le troisième point de  ce paragraphe.

3 L’ASPECT EMOTIONNEL

Ce serait dommage de ne pas faire émerger les émotions qu’apportent les couleurs.

Il faut faire un exercice conceptuel, c’est-à-dire qu’il faut repérer trois ou quatre couleurs dans la composition et pour chacune d’elle faire l’exercice mental de la « sortir de la composition en imagination », pour ne pas être influencé.e par le sujet, et « la poser sur une feuille blanche ou imaginer votre intérieur,  ou encore porter un vêtement de cette couleur » et faire monter l’émotion associée.
Isolée, quelle émotion dégage-t-elle ? Et donc ce sera à nouveau différent pour les uns des autres.

Claude Monet Fête du 30 juin 1878 rue Saint Denis, 1878 – Huile sur toile – 76×52 Musée d’Orsay

1 LE CERCLE CHROMATIQUE

Les trois primaires sont présentes : le rouge le bleu le jaune. Le rouge est tellement vif qu’il semble majoritaire cependant le jaune est présent sur toutes les façades mais, comme il est affadi il semble moins présent et c’est pourtant lui qui occupe le plus de surface. C’est donc en terme de quantité : le jaune, le rouge, le bleu qui prévaut.
Les secondaires, du vert en petite quantité ainsi que du violet et de petites touches d’orange. Elle sont présentes mais de façon parcimonieuse.
Les tertiaires, du marron.
Le noir et le blanc, Monet est connu pour ne pas utiliser de noir et donc les tons qui semblent être du noir, sont sans doute des tons déjà foncés comme le bleu outremer rompu de terre brûlée ce qui donne un bleu presque noir. Et le vrai blanc, il y en a très peu et ceux du ciel sont légèrement bleutés.

2 LES ASPECTS TECHNIQUES

Les contrastes : le bleu et le rouge des drapeaux, le violet et le jaune des complémentaires comme le rouge et le vert , jaune et bleu.
Les harmonies : on les trouve dans le bleu du ciel, et aussi dans les drapeaux, le jaune des façades, le violet dans le haut des façades, des verts dans la foule, le rouge dans les drapeaux est peu modifié. Le constat est donc que Monet travaille plus dans les harmonies bien qu’au premier abord on aurait envie de dire que les contrastes sont plus présents parce qu’ils sont très présents.

Le chaud / froid : puisque le jaune est majoritaire suivi du rouge on peut dire que l’ambiance est chaude.

Les intensités : elles vont de pâles à foncées en passant par le vif. Il y a des tons saturés, des couleurs sortant du tube et d’autres dégradées vers le pastel ou vers le sombre. Monet a voyagé dans toutes la gamme d’intensités.

3 L’ASPECT EMOTIONNEL

le bleu ciel : douceur, sérénité, calme
le bleu moyen : tristesse, peur, gravité, mélancolie

Pour se donner un aperçu des émotions sur l’ensemble de l’œuvre on choisi quelques teintes des différentes couleurs et on fait l’exercice. Il est inutile de faire toutes les couleurs.

Question : parler de la sérénité du bleu ciel n’est-il pas en contradiction avec le sujet du tableau qui est plutôt dans le « Aux armes citoyens! »

A ce moment de l’analyse nous cherchons quelles émotions Monet à cherché à faire passer par les couleurs. On peut parler de cette énergie du « Aux armes citoyens! » avec le rouge par exemple ou à d’autres moments de l’analyse (le contexte culturel et le message).
Mon objectif, ici et maintenant est de vous faire comprendre que le choix d’une couleur dans une composition, indépendamment du sujet, induit des effets émotionnels. Et que parfois ils sont contradictoires avec le premier effet qu’une œuvre nous donne. Cela peut vous aider a approfondir le message, le bleu ciel qui suggère le calme ou la douceur peut parler de la paix retrouvée. Mais, à  ce stade, mon objectif est surtout de vous faire comprendre l’outil couleur pour votre travail en atelier.

Autoportrait Rembrandt -1640
80×102 – Huile sur toile

(HA) Rembrandt a réalisé de nombreux autoportraits, non pas qu’il ait eu un ego surdimensionné, mais il était pour lui même un modèle toujours disponible. Ses autoportraits lui permettaient d’exercer sa technique, d’affiner sa recherche. Grace à cette constance on peut, aujourd’hui, étudier l’évolution de sa technique qui a été très novatrice au niveau de la couleur, de la lumière et de la facture picturale (introduction du flou).

1 LE CERCLE CHROMATIQUE

Les couleurs primaires rouge et bleue sont absentes. Présence de la primaire jaune mais très mélangée, la secondaire orange au niveau des lèvres, et des tons de carnation, de rose et puis la couleur marron en nuances multiples allant de la valeur la plus claire à la valeur la plus saturée. Il n’y a pas de noir ni de blanc.

2 LES ASPECTS TECHNIQUES

Les contrastes: Il n’y a pas de contraste de couleurs complémentaires, mais un contraste entre la gamme des jaunes et des teintes de carnation du visage et le marron de la tenue. Les contrastes sont amplifiés par la saturation des marrons et la pâleur des jaunes et des roses
L’harmonie : Il y a de l’harmonie dans les marrons et dans le visage les tons de carnation.
Les intensités :  le jaune: pâle, doux, pastel. L’orange: intense, mais pas encore pur. Les marrons sont les plus présents et vont de l’intense au saturé..

Constat : Rembrandt travaille plutôt dans l’harmonie même si de prime abord on aurait en vie de dire le contraste. Celui-ci est très présent mais il est construit avec les harmonies. L’ambiance est chaude par le marron et les oranges. Il voyage dans les intensités.

3 L’ASPECT EMOTIONNEL

  • Jaune: dur, douceur, glaçant.
  • Orange de la balustrade: apaisant, sécurisant, douceur, confiance, tendresse, gaité, réconfort
  • Marron intense: tristesse, écrasement, indifférent,…

Mary Cassatt Petite fille dans un fauteuil bleu 1878 – Huile sur toile – 89,5×129,8 National Galery of Arts, Washington

1 LE CERCLE CHROMATIQUE

Les primaires, sont présentes en petite quantité.  Un peu de bleu cyan et de rouge dans le motif du tissu recouvrant les fauteuils, dans le motif écossais du tartan qui ceinture l’enfant et dans ses chaussettes. Le jaune encore moins que le rouge est présent dans le tartan.
Les secondaires, les bleus rompus ou dégradés dominent, le vert secondaire dans le tartan, de l’orange dans la tête du chien, du violet dans l’ombre de l’accoudoirs à droite.
Des tertiaires, là aussi les bleus dominent un peu d’ocre, du vert rompu en plusieurs tons, des rouges affadis.

Il y a du noir et du blanc.

2 LES ASPECTS TECHNIQUES

Les contrastes : Et puis des bruns pour le petit chien, bruns qui contrastent ici avec tout. A savoir que le brun contraste toujours dès qu’il entre en scène.  Et enfin, ce ton bizarre au sol. C’est un gris qui vient faire un contraste simultané avec les bleus.
Le contraste simultané est un phénomène optique qui fait que notre œil, pour une couleur donnée, exige sa complémentaire et si elle n’est pas présente il la suggère. Si on regarde intensément le bleu pendant un moment et puis qu’on fixe le gris on aura l’impression qu’il se teinte d’orange et, à y regarder de plus près Mary Cassat en a sans doute mis un peu, c’est une manière d’aider l’œil du spectateur. C’est le plus facile des simultanés, on peut aussi avoir du contraste simultané entre un ton et un autre qui n’est pas la complémentaire, les deux tons cherchant à repousser l’autre vers sa complémentaire.

Il est évident que la robe blanche de l’enfant contraste avec les couleur autour d’elle mais nous ne le relevons pas parce que dès qu’il y a du noir et / ou du blanc, il y a contraste.

Les harmonies : elles sont dominantes et bleues.

Les intensités : il y plus d’intensités moyennes que d’intensités pâles ou saturées.

3 L’ASPECT EMOTIONNEL

Le turquoise, angoisse, réconfort, calme, …

Romaine Brooks Autoportrait – Huile sur toile – 117,5×68,3 Smithsonian American Art Museum

1 LE CERCLE CHROMATIQUE

Jaune, rouge, bleu ? un petit peu de rouge sur les lèvres et au revers de la veste. Par contre, elle utilise le noir et le blanc et tout les dégradés de gris.

Il n’y ni secondaires, ni tertiaires mais il y a des marrons en bas à droite.

2 LES ASPECTS TECHNIQUES

Les contrastes : évidemment, le noir et le blanc. et le rouge de ses lèvres et la touche rouge du revers.

Les harmonies : elles ont bien présentes du faits de la multiplication des dégradés de gris et de tons gris bruns.

Le constat : ce que l’on voit en premier c’est le contraste mais elle utilise largement les harmonies, on peut dire qu’il y a équilibre entre les deux.

Chaud / froid : on dit rarement que c’est chaud, mais est-ce vraiment froid ?

Les intensités : cela va d’intensités assez pâles dans le fond et sur le visage, pour aller vers des intensité plus soutenues dans les bâtiments et le muret derrière elle. La veste et le chapeau sont encore un peu plus saturés et les zones les plus opaques sont dans les plis et sous le bord du chapeau. Elle équilibre les intensités, même si c’est le contraste qui apparait au premier regard.

3 L’ASPECT EMOTRIONNEL

Le gris taupe, sinistre, tristesse, … le gris plus pâle, calme, équilibre.

5 LA LUMIERE

1 SITUATION DE LUMIERE POSSIBLE OU INVENTEE ?

Pour comprendre la lumière dans une 2D on va se poser deux questions :
La situation de lumière que je vois est-elle possible ?
Ou est-ce une invention de l’artiste ?

On a souvent une première impression et puis au plus on regarde au plus, parfois, le doute s’installe et, parfois, on change d’avis. Et ce qui sera intéressant c’est de voir si l’artiste arrive à nous tromper ou pas.

2 LES CARACTERISTIQUES TECHNIQUE DE LA LUMIERE

La source et plus spécifiquement son orientation, par exemple : en haut à gauche. Parfois il y a plusieurs sources, il faut les identifier et dire leur orientation.

La nature de la lumière : naturelle, le soleil, la lune. Artificielle : c’est tout le reste … la bougie, un spot, …

La couleur de la lumière.

La lumière est contrastée, elle change de puissance selon les endroits de la composition. Ou homogène, c’est-à-dire la même partout ce qui est assez rare.

3 L’ASPECT EMOTIONNEL DE LA LUMIERE

Comme pour la couleur il s’agira de sortir la lumière de la composition et l’imaginer dans notre espace de vie et identifier les émotions ressenties.

Johannes Vermeer La femme en bleu lisant une lettre 1662/1663 – Huile sur toile – 45,5×39 Rijksmuseum Amsterdam

1 SITUATION DE LUMIERE POSSIBLE OU INVENTEE ?

La situation de lumière est possible.

2 LES CARATERISTIQUES TECHNIQUES DE LA LUMIERE

Elle prend sa source en haut à gauche où nous supposons une fenêtre assez grande. Le coin supérieur gauche du tableau est plus éclairé qu’entre la chaise et la femme et ces deux zones sont encore plus éclairées que le mur derrière la femme.
C’est la seule source de lumière, les ombres du dos de la femmes et l’ombre portée de la chaise devant elle en témoignent.

Sa couleur et nature : c’est une lumière naturelle, blanche qui perd un peu de sa clarté en avançant, Vermeer la salit un peu de jaune, vers la droite derrière le personnage.

Lumière contrastée ou homogène ? Elle est contrastée on voit clairement des zones de lumière différentes.

(HA) Vermeer travaillait dans un atelier dont les grandes fenêtres étaient munies, à l’intérieur, de volets multiples qu’il pouvait ouvrir et fermer selon ses intentions.

3 L’ASPECT EMOTIONNEL DE LA LUMIERE

Ce type de lumière dans mon espace de vie me rend : bien être, paisible, en sécurité, serein, inquiète,…

Marie Denise Villers, Marie Joséphine Charlotte du val d’Ognes 1801 – huile sur toile – 161,3×128,6 Metropolitan Museum New York

1 SITUATION DE LUMIERE POSSIBLE OU INVENTEE ?

On pourrait commencer par se poser la question des plans, et, constater qu’il y en a deux : un intérieur et un extérieur donc deux sources de lumière.
Dans l’espace intérieur il y une source de lumière qui éclaire la jeune femme plus ou moins de face. Elle crée des ombres dans les plis de son vêtement, une aura autour de sa tête, et éclaire le dossier de la chaise.
Il y a débat, en tout cas cette situation de lumière semble pour le moins bizarre, ses genoux étant fort éclairés comme son cou alors que son visage ne l’est pas. Serait-ce quand même une lumière extérieure qui tombe sur elle et sur la feuille blanche qui se reflète sur sa poitrine ?
Dehors, il y a une lumière qui éclaire l’espace de manière assez homogène.
Constat :  deux sources 1) la lumière de l’espace intérieur est inventée par l’artiste parce que trop de choses sont sujettes à caution. 2) la lumière extérieure est homogène.

2 LES CARACTERISTIQUES TECHNIQUES DE LA LUMIERE

Nature : A l’intérieur, artificielle; dehors, naturelle.
La couleur de la lumière : à l’intérieur blanche; à l’extérieur bleutée à cause du ciel.
Homogène ou contrastée ? contrastée à l’intérieur; et relativement homogène à l’extérieur avec un léger assombrissement vers le haut du tableau.

3 L’ASPECT EMOTIONNEL DE LA LUMIERE

inquiétante, dérangée, intime, …

Rembrandt La ronde de nuit 1642 – Huile sur toile – 363×437 Rijksmuseum Amsterdam

1 SITUATION DE LUMIERE POSSIBLE OU INVENTEE ?

Propositions: D’en face… impossible, tous les éléments ne sont pas éclairés de la même façon.
D’en haut… impossible, les personnages ne sont pas tous éclairés il y a des ombres qui partent à droite, donc la lumière vient de la gauche…impossible
pourquoi la jeune fille est mise toute en lumière?

Et les personnages autour ont chacun un petit rayon de lumière sur le visage mais on ne voit pas de détails de leurs vêtements.
Ici rien ne fonctionne, trouver une source de lumière est vraiment impossible. Si on pose la question : lumière naturelle ou artificielle? on tente naturelle avec la lune. Mais les visages ont l’air éclairés de face, et la dame est fort dans la lumière alors qu’autour d’elle il n’y a pas de lumière.
Inventée par l’artiste ne veut pas, nécessairement, dire artificielle. Cela peut être une lumière dite naturelle mais ou l’artiste génère tellement d’invraisemblances que l’on doit se dire que c’est inventé par l’artiste.

Même si c’est fait de manière subtile comme dans ce procédé que l’on nomme clair-obscur : procédé technique, de distribution de la lumière artificielle, inventé par le Caravage 1571/1610. Il est ici  choisit par Rembrandt qui décide de mettre de la lumière sur certaines zones et d’en assombrir d’autres les rendant obscures.

2 LES CARACTERISTIQUES TECHNIQUES DE LA LUMIERE :

Source de la lumière?
Une seule source de lumière ne nous apparait pas de manière évidente. Dans les cas où l’on a l’impression de ne pas trouver la source, c’est que celle-ci ne vient pas de l’extérieur mais de l’intérieur, c’est-à-dire de LA COULEUR.

C’est la couleur qui donne la lumière.
Il y a des ombres, car l’artiste l’a décidé, d’où difficulté d’analyser la lumière dans le clair obscur.
Et pourtant dans notre procédé, il faut faire la différence entre lumière et couleur. Nous parlerons donc de la lumière qui émane de la couleur.
Les deux sujets du tableau les plus illuminés sont peints avec des jaunes pâles et des blancs.
Les autres personnages et le décor sont dans l’ombre et donc peints avec des tons assourdis ce qui donne une intensité différente.

La lumière est jaune, intense
Contrastée ombre/lumière, pâle, faible à certains endroits, voire absente à d’autres, c’est du clair obscur.

3 L’ASPECT EMOTIONNEL DE LA LUMIERE

Joyeuse, gaie, agressive, réconfortante, dérangeante, déstabilisante, angoissante, intime à certains endroits.

https://www.beauxarts.com/grand-format/la-ronde-de-nuit-de-rembrandt-mutinerie-en-clair-obscur/

6 LA PERSPECTIVE

DEFINITION :
C’est un procédé technique qui donne l’illusion de la profondeur dans une 2D et invite la spectatrice, le spectateur a y voir un espace.
On est bien d’accord que c’est une illusion puisque le tableau a deux dimensions  : hauteur , largeur; mais l’artiste nous fait croire qu’on peut y entrer et parfois aller loin, loin, loin…

Pourquoi parler de la perspective maintenant alors qu’elle est au même titre que le plan, la ligne de direction, la forme géométrique (abordés au début de ce cours) un des procédés de construction de la composition d’un tableau? Ce n’est pas par fantaisie, mais parce que la perspective peut être construite à partir de la couleur et / ou de la lumière. C’était donc intéressant de traiter et comprendre la couleur et la lumière avant d’aborder la perspective afin de pouvoir se positionner en connaissance de cause.
Dans le cadre de ce cours d’histoire de l’art, nous aborderons quatre types de perspectives mais il y en a beaucoup plus.

1 LA PERSPECTIVE LINEAIRE

c’est la plus connue depuis la Renaissance, moment de sa codification au moyen des mathématiques.

(HA) Constatez cette composition étrange / on flagelle le Christ et cette scène religieuse est reléguée au fond de l’espace, alors que les personnages secondaires sont au premier plan. C’est un indicateur infaillible pour repérer un tableau renaissant. Au moyen âge on ne ferait pas cela. Ce tableau illustre ce nouveau point de vue de l’époque sur la place de l’être humain dans son environnement apporté par l’humanisme. Nouveau positionnement dont les artistes vont s’approprier et dès lors représenter :

L’Homme au centre de l’univers

L’Homme entouré d’un environnement

L’environnement, voilà le nouvel enjeu et pour le représenter les artistes, les architectes vont développer la perspective.

L’aspect religieux est encore très prégnant. Les artistes ne peuvent ignorer cet aspect car à cette époque on ne peut envisager le monde sans religion. Mais ce nouvel ordre philosophique qu’est l’humanisme va les inciter à d’autres représentations et va petit à petit transformer la perception du monde. Il faudra attendre le siècle des Lumières pour voir apparaître une remise en question de l’existence de Dieu.

Piero della Francesca, La flagellation du Christ, 1444, 58×81, tempera sur bois

Regardons maintenant comment est construite cette composition et ne confondons pas lignes de perspective et lignes de direction. Ici les lignes de direction sont les verticales et les horizontales, elles sont équilibrées.

quels sont les éléments qui indique la profondeur ?

Les lignes (obliques) du plafond,

  • les lignes du carrelage,
    la gouttières du bâtiment à droite,
    les personnages qui rapetissent entre l’avant et la fond du tableau.
    Elles vont toutes vers un point que l’on nomme point de fuite.

Conclusion : une perspective linéaire est construite par des lignes se rejoignant sur un point de fuite. Les éléments pris entre deux de ces lignes vont immanquablement en rétrécissant.

Le palazzo Spada a été construit en 1540 pour le cardinal Girolamo Capodiferro(1501-1559). L’architecte en fut Bartolomeo Baronino,

Le palais a été acheté en 1632 par le cardinal Bernardino Spada, qui chargea Francesco Borromini (1599/ 1667) de le modifier selon ses goûts. Dans le jardin il y a cette structure architecturale construite en 1653. appelée colonnade Borromini ou galerie perspective.

On voit bien la profondeur grâce aux lignes du carrelage, les caissons du plafond, les chapiteaux des colonnes. Colonnes qui rapetissent au fur et à mesure que l’on avance dans l’espace. Le point de fuite est derrière la statue.
En voyant cela on est d’accord que Borromini a utilisé les éléments pour reconnaitre la perspective linéaire, à savoir les lignes de fuites vers un point de fuite et les éléments qui rapetissent, pour construire son édifice.

En prenant la dame qui est inclue dans la photo comme référence, combien de mètres faudrait-il parcourir pour aller au fond de cette galerie ? Souvent on pense entre 20 et 30 mètres. Et on évalue la hauteur de la statue à 2 mètres.

En réalité, la sculpture fait 90 centimètres, la dernière colonne fait moins de 2 mètres de haut, et les rectangles de mosaïque ont 60 centimètres de long.
Le sol monte et le plafond s’abaisse, les colonnes sont physiquement de plus en plus petites. La statue est posée un peu en hauteur. Tous ces effets là concourent à nous faire croire que la statue est plus grande qu’en vrai. Borromini à travaillé avec un mathématicien pour calculer cet effet de trompe l’œil. La galerie fait 8,80 mètres de long.

Borromini est un architecte baroque qui reprend certains codes renaissants : l’équilibre, l’organisation, la symétrie qui eux même ont été repris de l’antiquité grecque et ensuite romaine. Les baroques vont eux introduire la surprise et l’illusion. Et donc l’illusion d’optique en est une des expressions particulièrement réussie ici.

Le plan : on constate que les murs vont en se rapprochant, les éléments colonnes se rapprochent les unes des autres. Tout concourt à tromper l’œil dans cette structure d’apparence rigoureusement symétrique, équilibrée, mais très illusoire.

2 LA PERSPECTIVE CHROMATIQUE

Claude Monet, Impression soleil levant – 1872
– 48×63 – Huile sur toile

(HA) Claude Monet titre d’abord «  Vue du Havre » et le rédacteur du catalogue lui demande un autre titre. Monet propose alors « Impression » et le rédacteur ajoute « soleil levant ». C’est un journaliste et critique d’art qui dira entre autre « … puisque je suis impressionné, c’est qu’il doit y avoir de l’impression là dedans… » il se moquait et pensait faire un bon mot. Mais le terme désignant cette nouvelle manière de peindre, sur le motif, en plein air, sans attendre que la couche précédente soit sèche, en une fois,…était inventé.

Nous sommes bien d’accord, qu’entre le bord du tableau et les éléments du fond il y a un espace, une profondeur.
Est-ce que cela fonctionne comme le tableau précédent de Piero de la Francesca ?
Non! Même s’il y a cette ligne orangée due au reflet du soleil. Mais elle ne va pas vers un point de fuite et il n’y a pas d’autres lignes qui convergent vers le soleil. Même si les éléments bateaux diminuent cela n’a pas l’air aussi rigoureux que dans le Piero de La Francesca.

Donc si ce n’est pas de la perspective linéaire qu’est-ce que c’est ?

  • Le flou ? Non, ici on pourrait dire que tout est flou.
  • Les couleurs ?
  • En effet, il y a plus d’harmonie dans le bas du tableau alors que dans le haut il y a plus de teintes différenciées.
  • Le travail de la couleur est différent entre le bas et le haut du tableau.
  • Les champs chromatiques nettement différents et complémentaires nous permettent de conscientiser un espace proche de nous et un espace loin de nous.
  • C’est ce que l’on va appeler une perspective chromatique. et il ne suffit pas de dire il y des zones de couleurs différenciées il faut expliquer comment elles nous font avancer dans le tableau.

3 LA PERSPECTIVE AERIENNE

Claude Monet Un coin d’appartement 1860 – Huile sur toile – 81,5×60 Musée d’Orsay

Dans ce tableau, il y plusieurs types de perspectives. Une ligne suggérée au centre par le chevron du parquet qui rejoint presque la verticale de la fenêtre au point de fuite, voilà pour la linéaire.

Il y a aussi de la chromatique avec successivement les blancs rosés puis les bleus plus soutenus et le bleu plus clair du voilage au fond.

Une lumière intense blanche et homogène sur les pots de plantes vertes et les tenture et plus on avance dans l’espace, plus la lumière devient bleue et diminue d’intensité. Au fond au niveau de la fenêtre elle suggère une séparation entre le dedans et le dehors, qui est matérialisée par cette lumière blanche plus ou moins homogène, qui se reflète sur le parquet et trace la ligne et l’ombre du garçon. On l’appelle perspective aérienne. Dans ce tableau trois zones de lumière différenciée mais on peut en trouver parfois quatre ou cinq.

Quelqu’un évoque l’idée du précis et détaillé devant et du flou progressif. C’est la perspective atmosphérique. Nous la verrons dans un tableau suivant.

 

4 LA PERSPECTIVE RABATTUE

C’est le nom donné à cette perspective qui bien que l’on aie conscience d’un espace, on a l’impression que les éléments vont glisser hors du tableau car le sol est visible en contre plongée.

Otto Dix, Metropolis, 1927, 181×402, techniques mixtes sur bois

Concentrons nous au centre du triptyque. Il y a un espace dans lequel les personnages à gauche et à droite sont placés sur de vagues obliques de façon à suggérer de la perspective. Ce que notre cerveau dressé à la perspective linéaire accepte. Mais il y aussi un problème avec le parquet qui semble se dresser et on se demande comment ces danseurs peuvent ternir debout. C’est sans doute pour signifier la chute imminente de la république de Weimar.

(HA) Entre 1918 et 1933 c’est la République Weimar en Allemagne, Hitler est en train d’accéder au pouvoir et il renversera cette République pour installer son régime nazi. Otto Dix sera d’ailleurs classé comme peintre dégénéré par ce régime en 1937, ses toiles seront sorties des musées et certaines brulées.

Paul Cézanne Pommes et oranges- 1899 – Huile sur toile – 74 x 93 Musée d’Orsay

Bien que l’on conscientise un espace, il y a comme un problème. On a l’impression que les éléments vont tomber, qu’il y a du déséquilibre. La perspective rabattue est en lien avec le sentiment que ce que l’on regarde est bancal. Les objets sont juxtaposés comme s’ils n’avaient pas de liens entre eux. Le drap du fond semble peint à la verticale, on ne sent pas le plié qui devrait apparaître pour signaler le bord de la table…

Cézanne est en recherche sur la gestion de l’espace et il refuse d’utiliser les procédés techniques classiques, académiques.

Nous avons vu les perspectives de manière séparée mais les artistes peuvent en utiliser plusieurs dans un même tableau pour exprimer la profondeur.

Nous avons vu les différentes perspectives séparément mais, les artistes peuvent en utiliser plusieurs dans un même tableau. comme par exemple ici.

Jan Van Eyck, La vierge au chancelier Rolin, 1435, huile sur bois, 66×62, musée du Louvre

Il y la perspective linéaire, avec le carrelage, les colonnes qui diminuent de taille, le fleuve qui poursuit les obliques linéaires de l’intérieur. Les personnages qui rapetissent au fur et à mesure même si Van Eyck ne respecte pas la perspective mathématique des renaissant italiens; mais l’idée est là.

Il y a de la perspective chromatique avec des couleurs vives et des contrastes crées par un cercle chromatique restreint, rouge bleu marron au 1er plan. Au dehors, des verts et bleus pâles, pour terminer par un bleu et du jaune encore plus pâle. Travail de couleurs différenciée dans les trois espaces. Une petite subtilité de Van Eyck à l’intérieur il a mis du bleu à gauche sur le chancelier et du rouge sur la Vierge et sur le chemin avant le parapet le bleu est à droite avec un chapeau rouge.

La perspective aérienne avec les lumières contrastées qui jouent avec les ombres à l’intérieur et à l’extérieur une lumière jaune intense et homogène.

Et la perspective atmosphérique évoquée plus haut qui, ici, donne des détails très précis dans l’espace intérieur et sur les vêtements des personnages, la physionomie du chancelier et puis à l’extérieur un paysage qui s’il est encore précis et détaillé va en perdant de sa précision pour finir dans le flou.

Constat : quatre perspectives dans ce tableau.