Il y a une faille sismique à 24km du site et en cas de séisme, la Crète peut être impactée. Mais comment se fait-il que la structure ait tenu si longtemps ?
On considère que les colonnes étaient faites en bois de cyprès ; ils sont colossaux et en nombreux. Des centaines de tonnes de bois ont été utilisées pour construire Knossos et les autres palais.
Le diamètre à la base est moins important qu’au-dessus, on pense qu’ils inversaient la position du tronc pour éviter que cela ne repousse. Les colonnes en bois étaient posées sur un socle en pierre pour éviter que le bois soit en contact avec l’eau, lorsqu’il pleuvait, même rarement.
Toutes les colonnes ont un aspect uniforme, de par la peinture qu’elles recevaient, on n’imaginait pas qu’il y avait du bois à l’intérieur. Ce que l’on voit actuellement du site a été entièrement reconstitué en béton par Evans. Et cela pose problème aujourd’hui car le site est fragilisé.
Le bois de cyprès est résistant, et plus souple que la pierre qui est rigide. Grâce à l’ensemble des fibres solides constituant le tronc, les colonnes absorbent les secousses lors des tremblements de terre. Les minoens étaient des ingénieurs.
Lors des séismes, des irruptions volcaniques, des cendres, des tsunamis ont détruit les sites, les cultures, la flotte, ce qui a provoqué un arrêt du commerce maritime, et des famines. La population n’a pas été détruite d’un seul coup comme à Pompéi mais a périclité progressivement.
Les échanges commerciaux
Une des rues descendantes (reconstituée), sur la droite, un petit théâtre, et un accès direct vers le port.
Les archéologues ont trouvé un jeu de société constitué de verre bleu, de cristaux de roche, d’ivoire, d’or : des matières venues de très loin. On ne connaît pas les règles de ce jeu, il est déformé.
Qu’offraient les minoens en échange de ces matières provenant d’Afghanistan, de Syrie ou d’Égypte, assez éloignées de la Crète, prouvant l’importance des échanges économiques ?
L’huile d’olive est un élément essentiel que les minoens échangeaient. D’énormes jarres, certaines comportant des traces de suie ont subi des incendies.
L’huile d’olive était utilisée pour la cuisine, la parfumerie, la médecine, le savon. Les minoens la transformaient en véritables produits de luxe recherchés dans l’est de la Méditerranée. Le peuple minoen (pas seulement Knossos) a ainsi accumulé beaucoup de richesses grâce à ces échanges commerciaux.
Apogée et subitement disparition
On retrouve sur la majorité des plages du nord de la Crète, des pierres ponce, issues de l’éruption du volcan de Santorin. On sait qu’un tsunami a eu lieu. Cette énorme vague impressionnante qui arrive sur les côtes mais en repart aussi, emporte tout sur son passage en laissant des restes d’éléments mélangés sur les côtes. L’éruption du volcan, le tsunami,… les minoens ont eu des difficultés pour se relever de ces cataclysmes.
L’explosion a engendré des cendres, des gaz, qui ne se sont pas seulement concentrées sur la Méditerranée. Au Groenland, des carottages ont été réalisés et les scientifiques ont repéré des traces de 20cm d’épaisseur de cendres et de ces gaz sulfureux de la même époque.
L’analyse dendrochronologique des écosystèmes en Irlande, comme les tourbières, confirme les souffrances des arbres à la même époque également.
Aux alentours de -1750, il y a eu des impacts de l’irruption jusqu’au Nord de l’Europe.
L’écriture en Crète
On considère qu’il y a trois écritures :
– Les hiéroglyphes/idéogrammes crétois
– Le linéaire A que l’on trouve dans l’île mais aussi tout autour de celle-ci mais que l’on a toujours pas déchiffrée. La plupart des textes en linéaire A datent de ±1750 à ± 1450 avant J.-C. et apparaissent surtout dans des tablettes d’argile comptables mais aussi sur certains bijoux, statues, murs, vases, offrandes.
Le linéaire A est essentiellement attesté en Crète, mais il apparaît aussi dans d’autres îles de la mer Égée, en Grèce continentale, en Asie Mineure et peut-être même en Israël.
– Le linéaire B provient d’une civilisation dite mycénienne (civilisation sur le continent grec) et ses textes datent de la période comprise entre au plus tard le 14e s. et ± 13e avant J.-C. Ils ont été également gravés dans la pierre. On en trouve seulement dans les sites mycéniens du continent et dans les îles et dans les palais crétois. Elle a été déchiffrée par un anglais, elle provient d’une langue grecque, on trouve des mots que l’on utilise encore aujourd’hui, comme démos = démocratie.
Les tablettes d’argile crue, donc fragiles, utilisées et ré-utilisées, ont pu être cuites lors d’événements malheureux comme des incendies et ont pu ainsi nous parvenir (heureusement). Ce sont des listes de produits inventoriés, des stocks, achetés, des salaires de fonctionnaires,… Une utilisation économique, comptable et non poétique ou de récit. Cette langue bureaucratique nous apprend beaucoup mais pas le mode de pensée de la civilisation.
Elle ne ressemble pas du tout à la Linéaire A.
Il y a moins de pièces retrouvées que pour le Linéaire B, et pas de correspondances avec lesquelles faire des liens pour tenter de la déchiffrer. Des spécialistes étudient toujours aujourd’hui la linéaire A afin d’en trouver la signification.
Le musée archéologique d’Heraklion
La céramique
Les pitoï : on en a retrouvé ±400, de taille impressionnante, on est vers -1800/-1650 ; c’était une production colossale, et on imagine la taille des systèmes de fours qui permettaient la cuisson de ces pièces formées en colombins. Des grandes jarres pourvues de socles ou de pieds, contenant des aliments secs ou liquides. On produit et on exporte beaucoup. Ces productions devaient nécessiter un important travail en matière de manipulation et de production.
La vaisselle de Kamarès, poteries trouvées sur Knossos et d’autres sites, -1900/-1700. Considérée comme de la vaisselle luxueuse trouvée dans des sites architecturaux complexes, comportant des ateliers.
On y trouve : le rouge, le noir, des motifs géométriques, des répétitions d’éléments décoratifs de tailles différentes, des registres ou bandeaux, des frises avec des formes en spirales ou plus élaborées.
De petites tasses, contenant aux décors très intéressants. Technique de l’engobe nécessitant parfois plusieurs cuissons. Variété des couleurs, rouge, noir, blanc, de l’orange.
Les objets aux décors complexes en poterie luxueuse, prouvent la richesse et l’aspect luxueux de cette civilisation.
Les formes sont variées, subtiles. La production en atelier est importante en matière des chiffres sans être « industrielle » au sens où on l’entend depuis le XIXe siècle de notre ère. Haute technicité de cette vaisselle variée et typologiquement riche. Elle se retrouve dans les Cyclades, le Péloponnèse, à Chypre, en Syrie, en Égypte, dans des lieux considérés comme des lieux d’élite.
Vers -1600, évolution vers des motifs floraux et motif marins, des feuilles de roseaux, placées les unes à côté des autres, des pieuvres et leurs tentacules, des coquillages, répétition de ces motifs. Si elle est essentiellement à caractère ornemental, la représentation est cependant réelle.
Il n’y a pas de scène construite, pas d’intention de montrer un espace. On repère un remplissage de l’espace, des motifs également à l’intérieur des pièces. Une grande variété dans la forme des pièces, certaines sont de véritables défis à l’équilibre.
Vers -1450/-1350, surgira un style dit « palatial », très grand en taille et riche en ornementation, luxueux, découlant du style floral et marin précédant. De nouveau, on retrouve une « horreur du vide », avec remplissage des espaces. Les anses sont parfois décorées subtilement, des éléments en relief, des motifs de papyrus, d’influence égyptienne.
Encore des témoignages d’échanges commerciaux : économie et culture. Comment voit-on le monde, comment le pense-t-on ?
C’est important d’avoir une ouverture sur d’autres cultures que la sienne. Des civilisations apparaissent un peu partout et ce qui les différencie, c’est la culture.
De la vaisselle rituelle existe également, de nouveau très complexe.
Par exemple, des oiseaux stylisés avec une volonté de représentation, non plus du réel, mais axée sur l’organisation spatiale de l’espace disponible. Organisation symétrique avec un élément central, sur certaines pièces. Mais également une représentation non symétrique sur d’autres. Des motifs répétés d’animaux comme le taureau, mais qui sont différenciés, la symétrie proprement dite, n’existe pas, il faudra attendre la Renaissance pour avoir ce dictat de la symétrie parfaite. Il faut remarquer la finesse des traits, les détails des visages par exemples finement représentés.
-1640/-1100 : la civilisation mycénienne a envahi la Crète.
Avec les mycéniens, changement au niveau du panthéon des dieux. Le culte va être modifié. La déesse de la fertilité, la déesse mère est une déesse essentielle pour les minoens, mais progressivement, avec les mycéniens, on va avoir une multitude de dieux masculins, guerriers, qui vont envahir les espaces iconographiques. Ces dieux correspondent à la réalité historique et sociétale d’expansion et de conquête. Les minoens perdent leurs caractéristiques propres.
La vie quotidienne
Sont exposés dans les vitrines du musée :
Des casseroles, marmites, en métal au format conséquent (80 cm de diamètre), où l’on cuit de la viande mais uniquement lors des cérémonies ou des moments de vie particuliers. La viande ne fait pas partie de l’alimentation quotidienne. La céramique quotidienne n’est pas colorée.
Des scies, d’1m de long.
Des poids servant aux métiers à tisser, des fuseaux en ivoire. Pas de décoration, puisque c’est de l’usage quotidien.
Des fumoirs pour les ruches utilisés par les apiculteurs. Un récipient pour rincer les lentilles. Ces objets témoignent de la vie quotidienne bien plus sûrement que des pièces comme les bijoux et autres ornements luxueux.
Le site de Malia où l’on n’est pas intervenu, comme Evans sur le site de Knossos, est plus indicatif de la réalité de l’organisation structurelle du complexe architectural. Les éléments retrouvés sont de très grande qualité. Une visite de ce site nécessite l’intervention d’un guide, pour pouvoir en décoder ce qu’il en est. Malia a été découvert par accident en 1915, situé à 40 km de Knossos. Un paysan a soulevé avec le soc de sa charrue, un ensemble de pièces d’or. Il est composé d’un « palais », d’une nécropole et de l’artisanat.
On y a découvert une épée sur laquelle figurent des traces d’or, c’est une pièce d’apparat pour les rituels.
La poignée d’un poignard en métal montre une panthère ou une lionne (il n’y a pas de panthère en Crète !) avec beaucoup de précision et les éléments ornementaux occupent tout l’espace, des bandeaux, des cercles sur la tête, le museau et la moustache, beaucoup de détails pour un objet qui mesure ± 10 cm.
L’orfèvrerie
Les bijoux composés de pierres semi-précieuses, de perles colorées, d’or, les couleurs sont très recherchées, des colliers, des boucles d’oreilles, bracelets, pectoraux, bagues, des accessoires pour les cheveux, barbes.
De l’ivoire aussi, des représentations du Minotaure, des cônes de métaux qui forment un collier (faisant penser à la colonne sans fin de Brancusi), des feuilles de papyrus en or, des dessins très précis.
Du travail à la cire perdue, des personnages, des félins, sur bague, des amulettes d’1 cm gravées de plusieurs motifs détaillés très finement, sur une si petite surface. Lien avec le cosmos, faisant référence à des rites animistes.
La pièce maîtresse d’orfèvrerie du musée d’Héraklion, considérée comme un chef d’œuvre de la bijouterie minoenne : un pendentif pectoral, 4cm de large, -1800/-1700.
Deux abeilles (hyménoptères = guêpe) sont représentées, elles tiennent une perle d’or (miel) qui sera déposée sur la ruche sous les abeilles. Sur leur tête, une cage de fil d’or enfermant aussi une perle d’or, de leurs ailes pendent trois petits cercles représentant la nature, les fleurs où elles butinent.
Travail exceptionnel, technique de granulation très maîtrisée (qui disparaîtra et réapparaîtra chez les Macédoniens).
L’abeille, animal essentiel à la vie, animal en lien avec une déesse minoenne, au rôle de régénérescence (le miel est utilisé dans les rites), le miel matière sacrée aux pouvoirs médicaux, et aux vertus reconnues. Le miel ne s’altère pas.
Le disque de Phaistos, -1700 : en céramique.
2 faces recouvertes de signes positionnés en spirale, séparés par des lignes verticales créant des zones spécifiques, des signes reconnaissables, d’autres pas.
Il a été découvert en 1908, lors de la fin d’une campagne de fouilles. Il était enfermé dans une boîte avec des fragments de vase rituel. La caisse était tombée d’un étage supérieur.
A l’époque, ils ont pensé que l’objet avait été créé par les archéologues, pour assurer de la continuité des fouilles. Par la suite, on a trouvé d’autres objets avec une écriture semblable. Ce qui a réfuté l’idée de la fausseté.
Le disque comporte 241 caractères hiéroglyphiques, dont 45 signes différents. La surface en céramique a été imprimée, le texte commence par l’extérieur vers l’intérieur. Il est presque entièrement traduit. Deux linguistes anglais ont compris un signe qui apparaît à plusieurs reprises, « mère ». L’une des faces raconterait une prière lunaire, et l’autre serait destiné à la déesse qui porte la vie.
Ce serait donc bien un objet rituel axé sur la vie des femmes.
Figurines
-1650/-1500 – deux objets interpellant : deux femmes, l’une mature portant une haute coiffe démontrant son statut de déesse, elle a les yeux ouverts et un serpent qui entoure son corps, ses bras. Mais elle contrôle le serpent. Le vêtement est rigide, la poitrine dénudée.
L’autre plus jeune porte un petit chapeau et un chat dessus, une robe à volants, assez lourde, et elle lève les bras dont les mains tiennent chacune un serpent. On voit que les bras ont été rajoutés. En réalité, ce ne sont pas les « bons » bras. C’est issu de l’imaginaire d’Evans. Il a « inventé » les bras et les serpents.
Trois attitudes en archéologie qui sont différentes :
- On ne sait pas donc on ne restitue pas, on préfère le vide que l’erreur.
- D’autres restituent mais en faisant quelque chose d’une autre couleur, d’un autre matériel pour bien montrer que ce n’est pas la vraie pièce.
- On invente, comme l’a fait Evans.
Il est probable que le personnage tenait une ceinture car on a retrouvé dans une peinture à Santorin une scène équivalente, qui serait la passation d’un rituel d’une prêtresse aguerrie à une autre plus jeune.
Evans ne connaissait pas cette peinture et il lui a certainement paru plus spectaculaire de lui faire contrôler 2 serpents plutôt qu’une ceinture…
Au niveau de l’avancement des recherches au cours des siècles, des explications et analyses interviennent, elles sont validées, c’est la réalité de ce moment-là.
On laisse ces 2 figurines en place dans le musée parce que c’est la réalité archéologique, même si elles sont par la suite remises en question, voire réévaluées comme erronées.