Magritte a réalisé, entre 1949 et 1961, dix sept versions de ce sujet en peinture à l’huile et 10 gouaches. Il les réalise tantôt en format paysage, tantôt en format portrait. Bien qu’il y ait dix sept versions on ne parle pas de série car elles n’existent que par l’effet de la commande et du rapport financier pour l’artiste.
Dispersées un peu partout dans le monde, elles n’ont jamais été rassemblées. Le Musée Magritte de Bruxelles a acheté une des versions à l’huile directement à l’artiste en 1954.
1 IMPRESSIONS GÉNÉRALES
« je me sens… » « l’ambiance est… »
Surprise intrigué curieux inquiète / Serein apaisé détendue alangui heureux / Fasciné époustouflée invitée
L’ambiance est mystérieuse.
2 PROCÉDÉS TECHNIQUES
1 LE PLAN
1 = pas possible
2 = jusqu’au paysage + le ciel (correct)
3 = jusqu’avant la maison + la maison et le paysage + le ciel (correct).
On ne peut pas faire autrement que considérer le ciel comme 1 plan, car il fait partie du fonctionnement de l’œuvre.
2 LIGNES DE DIRECTION
Verticale : l’arbre, la maison, les fenêtres qui se succèdent, les volets
Horizontale : la séparation entre l’eau et la rue, les fenêtres.
Il faut hiérarchiser les lignes de direction. Quelle est celle qui prévaut ? La verticale.
Il faut leur donner un rôle. La verticale : élever le regard vers le ciel, donner un mouvement vers le haut, sortir de la terre.
L’horizontale : redonner un mouvement vers le sol, stabiliser la composition, rappeler au sol.
3 FORMES GÉOMÉTRIQUES
Un rectangle ? Non il n’y a pas de forme géométrique qui structure la composition. Même si nos regards voient des formes géométriques, celles-ci construisent les éléments, les objets (maison, arbres, réverbère…) mais pas la composition générale de l’œuvre.
4 LA COULEUR
Cercle chromatique : primaire : jaune, bleu (=majoritaire) / secondaire : orange, vert, violet.
Noir et blanc (non-couleurs) non, ce ne sont pas de vrais blancs ni de vrais noirs. Elles sont nuancées, pas pures.
Caractéristiques techniques :
Y a-t-il des contrastes ? Oui : dans les associations des presque noirs et des presque blancs et des couleurs les plus saturées avec les autres moins saturées. Le jaune et violet (rappel HA les contrastes complémentaires sont jaune et violet, rouge et vert, orange et bleu) Il n’y a pas de contrastes complémentaires directs.
Y a-t-il des nuances ? (= des couleurs travaillées avec des ajouts de blanc ou de noir). Le bleu, le violet, le vert, la masse des feuillages, couleur peu définissable marron très saturé, vert très saturé.
L’artiste a-t-il plus travaillé les contrastes ? Ou a-t-il travaillé plus en harmonie ou se situe-t-il entre les deux ?
Il voyage entre les deux. C’est au premier coup d’œil très contrasté, mais en observant, on se rend compte qu’il y a beaucoup de nuances. Il a donc travaillé tant dans la nuance que dans le contraste.
Chaud ou froid ? En général on ne parle pas de « chaud » ou « froid », mais ici on peut se le permettre. Impression chaleureuse car il y a des petits points qui agressent notre œil, le bleu est considéré comme une couleur froide, la couleur « indéfinissable » entre le marron ou le vert, vert : froid, le marron, c’est chaud. Il faut répondre comme on le voit, chacun voit les couleurs à sa manière. L’ambiance est –elle chaude ou froide ? A chacun.e de décider.
Quelles sont les intensités des couleurs ? = quantité de pigments dans les couleurs. Cela va donner un vocabulaire : peu de pigments =pâle, fade, terne, plus de pigments : vif, pur, criard, acide, saturé. L’orange : vif, le jaune : pâle, les bleus : délavés, pastels, ternes. Les feuillages : saturation. Constat : l’artiste propose beaucoup d’intensités différentes.
Caractéristiques émotionnelles de la couleur. Quelle émotion la couleur génère-t-elle ? Prendre quelques couleurs parmi celles du tableau, mentalement, les isoler et les poser sur une feuille blanche. Déterminer quelle émotion donne la couleur ? Au choix de chacun. L’orange : vie, bonheur, gaité, rassuré. Le bleu : douceur, tendresse, calme, mélancolie. On oublie le « chaud », « froid ». Exemple : le collage nu bleu de Matisse : est-ce que c’est froid ? Non, or, le bleu est considéré comme couleur froide.
Le violet est « intime », peut-on utiliser ce terme ? Oui.
5 LA LUMIÈRE
Est-elle possible ou inventée ?
Est-ce que la lumière est une situation possible ou inventée par l’artiste ? Nous avons un ciel de jour et un paysage de fin de journée, en bas, en clair-obscur, avec un réverbère allumé. Situation où la lumière est inventée par l’artiste. En fait, Magritte essaie de nous piéger. Et cela fonctionne. Son intention : jouer avec la réalité.
Caractéristiques techniques :
Les sources : en haut du tableau, la source vient du ciel, on ne voit pas le soleil. La lumière est produite par les couleurs.
Dans le bas du tableau, les sources de lumière sont le réverbère, les lumières des fenêtres, qui se reflètent dans l’eau.
Lumière naturelle ou artificielle ? Le ciel : naturelle, les autres : artificielles.
La couleur de la lumière : en haut : blanche, en bas, jaune ou orange.
La lumière est-elle contrastée ou homogène ? Elle est contrastée, réaliser un petit schéma en indiquant où se retrouvent zones de lumière et les zones d’ombre. Indiquer « lumière contrastée ».
Effet émotionnel de la lumière : perdu, apaisé, déstabilisé.
6 LA PERSPECTIVE
Chromatique : des champs colorés différents qui permettent d’avancer dans l’espace (définition). Comment fonctionne-t-elle dans le tableau (explication) ?
On parle de profondeur, on commence par ce qui est à l’avant-plan pour aller vers le fond. Il y a des couleurs qui sont contrastées à l’avant-plan, à l’arrière-plan c’est plus homogène (ciel).
Aérienne : il y a des zones de lumière qui font avancer dans l’espace. Comment cela fonctionne-t-il ? Zones de lumière contrastées (jaune et orange) devant et lumière (blanche) homogène pour le ciel. Couleur et lumière sont souvent associées. On peut dire qu’il y a du clair-obscur en bas, et que dans le ciel c’est homogène.
Y-a-t-il de la perspective linéaire ? On pourrait dire qu’il y en a (le muret à droite de la maison, avec une partie en oblique) mais c’est une perspective d’objet qui manifeste la prise de volume d’un objet, ce n’est pas une perspective d’espace. Ce n’est pas cet objet qui nous fait comprendre la perspective d’espace du tableau. Il n’y a pas de point de fuite, que l’on trouverait s’il y avait de la perspective linéaire. (= perspective inventée à la Renaissance qui conditionne notre regard depuis 500-600 ans).
On remarque une oblique qui borde l’eau, est-ce une ligne de perspective ? NON. Elle ne va pas vers un point de fuite. On sort du cadre par la droite, on ne va pas vers la profondeur.
Ce qui donne le plus l’effet de profondeur, c’est le reflet dans l’eau. C’est une portion de l’espace des perspectives chromatique et aérienne (couleur et lumière qui se reflètent dans l’eau).
Magritte aurait pu ajouter de la perspective linéaire dans son tableau. Il ne le fait pas. Pourquoi ? Son intention est de travailler surtout sur la lumière, mise en évidence par la couleur, il ne veut pas conditionner notre regard avec de la perspective linéaire. Depuis la Renaissance, nous sommes conditionnés pour « voir » de la perspective linéaire, là où il n’en existe pas.
Perspective atmosphérique ou sfumato (netteté devant et fou au fond) ? Non il n’y en a pas.
7 LA FACTURE PICTURALE
Comment est la surface au toucher ?
Elle est lisse.
Quelle est la consistance, la texture de la matière ? Liquide, yaourt ou fromage blanc, plâtre ? Nous sommes entre la consistance liquide et crémeuse.
Quelle est le résultat obtenu avec cette consistance ?
De la précision, de la netteté, un résultat photographique.
Quelle est l’humeur du geste du peintre ? Apaisée, maîtrisée, précise, assurée.
3 LES EFFETS RECHERCHÉS
LE PLAN :
Épatée par l’utilisation du collage de ces deux plans qui après la première impression de réalité me renvoie au mystère sorti de l’imagination de Magritte.
LA LIGNE :
Fasciné par les lignes horizontales de la berge qui m’invitent au voyage et les lignes verticales qui m’invitent vers le ciel, je me sens poussé à la méditation et au voyage intérieur.
LA FORME GÉOMÉTRIQUE :
Intriguée par l’absence de forme géométrique qui me fait penser que le tableau est non fini ».
NON, on est dans le regret de l’absence du procédé forme géométrique. Magritte a vraiment envie de générer un effet par le choix de ne pas utiliser le procédé forme géométrique.
Intriguée par l’absence de forme géométrique, je m’interroge sur la véracité de ce moment figé dans le temps.
LES COULEURS
Fasciné par le mélange de contrastes et le mélange de couleurs, qui m’emmènent vers dans des rêves féériques
Apaisée par l’intensité de la couleur orange qui m’invite à rentrer à l’abri dans la maison, alors qu’il fait nuit dehors.
Le lien avec ce qu’il se passe dans le tableau ; effet recherché qui va plus loin.
LA LUMIERE
Intriguée par le contraste de lumière inventée dans le ciel et les points lumineux contrastés du premier plan, je me demande à quel moment de la journée sommes nous.
LA PERSPECTIVE
Je me sens invité par la perspective aérienne qui fait monter mon regard vers le ciel, alors qu’avant cette rencontre, il y a ce paysage étrange d’une autre qualité de lumière.
4 LE CONTEXTE CULTUREL
Magritte fait partie du mouvement surréaliste, qui fait suite au dadaïsme (= remise en question de l’art, du travail de l’artiste et de l’œuvre). Principe du surréalisme = s’autoriser à traiter des sujets de manière très libre, qui ne correspondent pas nécessairement à la réalité. Un des procédés que les surréalistes vont utiliser (mais ce n’est pas le cas de Magritte) : c’est l’écriture automatique et une autre grande source d’inspiration, ce sont les théories de Freud par rapport à l’inconscient. Aller chercher dans l’inconscient, dans le monde des rêves, des espaces, des faits, des objets, des scènes, des êtres qui n’existent pas dans la réalité.
Magritte n’adhère pas à ce mode de pensée, il n’est pas intéressé par le monde des rêves ; il est dans l’expression d’espaces, de scènes, de sujets avec la plus grande réalité possible hyper maîtrisée et peinte de manière quasi photographique, mais il nous confronte à des éléments qui n’existent pas.
« Je veille dans la mesure du possible à ne faire que des peintures qui suscitent le mystère avec la précision et l’enchantement nécessaires à la vie des idées ».
Il a une formation classique (Beaux-Arts à Bruxelles). Il va aller à Paris où il rencontrera les Surréalistes, il va vite exposer, même à New-York. Il vivra très vite de son art.
5 LE MESSAGE
Méthode :
Quel est le sujet représenté (objectivement) ? Un paysage avec une maison, des arbres, de l’eau à l’avant-plan, nous sommes pendant la nuit, et à l’arrière-plan, le ciel de jour.
Quels sont les procédés techniques essentiels ? la lumière et la couleur contrastées et la précision de la facture picturale.
Quels sont les éléments de contexte culturel importants ? Son intention : créer du mystère en peignant des sujets précis, maîtrisés.
A travers l’Empire des Lumières, Magritte nous propose la vue d’un paysage mystérieux avec une représentation réaliste alors que la situation est impossible ou irréelle.
Il génère du PARADOXE.