LES GRECS ET LES ROMAINS
Rapide chronologie
– 2600 la Crète Minoenne
– 1650 Mycènes
– 1200 / – 800 développement de la civilisation grecque sur les décombres de la civilisation mycénienne
– 800/– 480 époque archaïque
– 480/– 323 époque classique
– 323/– 31 époque hellénistique
La Grèce, l’Égypte et la Mésopotamie (-6000) sont les 3 grandes civilisations de la Méditerranée. Nous, les Européens, on parle souvent des Grecs et des Romains, en oubliant les Égyptiens, et encore plus les Assyriens, qui sont situés entre le Tigre et l’Euphrate. Ces civilisations ont pourtant énormément d’impact.
En termes de peinture, la Grèce antique est assez pauvre en lien notamment aux problèmes de conservation. De plus, ce n’est pas vraiment l’expression majeure de cette civilisation où l’architecture et la sculpture sont dominantes. Énormément de céramiques en Grèce revêtant des motifs géométriques, bases décoratives très riches, ne représentant aucun sujet (même si ce n’est pas de l’abstraction, ces motifs ne racontent rien). Cependant, d’autres céramiques présentent des décors figuratifs.
Un exaleiptron (nom de la céramique ici présentée, l’art de la céramique réunit une typologie très vaste) – 570 ans, conservée au Louvre.
Il y a deux types de céramiques : les figures noires et les figures rouges. Ici, il s’agit d’une « figure noire », les personnages sont en noir sur fond clair. Avec des rehaussements un peu rouge à certains endroits, il faut une haute technicité en matière de réalisation.
On voit différents espaces : des personnages placés les uns à côté des autres, un personnage assis sur un tabouret ; ils sont richement vêtus, l’artisan a illustré différents motifs sur les vêtements. Ce personnage est centralisé dans l’espace, c’est probablement un personnage important. Il y a une organisation symétrique des personnages par rapport à l’élément central. Au-dessus et au-dessous de ce personnage, on remarque deux autres figures de plus petite taille. L’artisan a utilisé tout l’espace dont il disposait, et a dû « rapetisser » ces motifs, on a déjà vu ce procédé chez les Égyptiens. Tout l’espace est occupé : idée de remplissage, combler au maximum l’espace pour donner un maximum d’informations. Il y a des « devant-derrière » la volonté de marquer la profondeur avec cette caractéristique déjà vue précédemment. Notre esprit accepte de comprendre qu’il y a bien de l’espace dans lequel les individus se trouvent. Les proportions ne sont pas respectées pour les plus petits personnages.
Amphore avec les figures d’Héraclès et d’Athéna.
C’est une figure rouge sur fond noir. L’espace utilisé : le col de l’amphore et le début de la panse. L’espace est délimité par des bandeaux horizontaux et verticaux (mais courbé de par la panse de l’objet). Ces bandeaux présentent des motifs décoratifs géométriques comme repris également sur les anses.
Le cadre est une manière de limiter l’espace dans lequel la scène se déroule. Il y a une plante, probablement une vigne, le tronc, qui passe derrière le mobilier, les branches et feuilles derrière les personnages. Conscientisation de l’espace par le principe « devant-derrière« .
Héraclès est sur un lit, vu de face (pas de perspective d’objet), on nous montre l’objet avec des détails intéressants, mais on ne voit pas le volume de l’objet. Tout l’espace est de nouveau rempli.
Détail d’une autre amphore : Combat des Dieux et des géants.
Un processus déjà vu chez les Assyriens et les Égyptiens, l’accumulation : il y a 4 chevaux superposés, on perçoit l’espace grâce à ce système d’accumulation. Le fond noir n’indique rien qui puisse nous faire comprendre qu’il y a un espace.
Des « devant derrière » comme avec les pattes du cheval situé le plus à droite qui se positionnent devant un personnage.
L’arrondi du vase donne également la sensation d’espace.
Plaque de bois, écriture qui indique à qui c’est dédié, 540 av JC
C’est une scène religieuse. Les personnages portent des objets pour faire des offrandes. Un mouton va être sacrifié.
Il n’y a pas de suggestion d’espace, mais l’artiste utilise des effets de proportions des personnages qui se succèdent. Un personnage apparaît plus éloigné, or la tête du mouton est devant la robe, mais celle-ci descend plus bas. Il y a des « devant-derrière« . Les artistes tentent de trouver des solutions pour indiquer que la scène se passe dans un espace, mais les possibilités sont minces d’autant que le morceau de bois détermine des limites irrégulières. Il utilise celle du bas pour évoquer le sol. Il y a aussi la perspective hiératique ou hiérarchique, des personnages de taille différentes selon leur niveau social.
On remarque une évolution dans la gestion de l’espace.
L’épouse de Ptolémée III, assise sur un fauteuil bien élaboré. La représentation du fauteuil témoigne déjà d’une perspective d’objet (ce n’est pas encore de la perspective linéaire = lignes fuyantes et point de fuite). L’objet est perçu dans l’oblique. Il devient de plus en plus réel.
On sent les genoux, le corps sous le tissu ; la lyre est également en oblique. Les plis du tissu donnent de la matérialité.
Un autre personnage plus petit, principe de la perspective hiératique (une servante probablement, ou sa fille). Ce deuxième personnage est placé derrière. Tout cela indique de la profondeur, sans pour autant montrer de l’espace.
Comment est traité l’espace ? Un mur de fond composé de bandeaux de couleurs différentes en alternance de clair et de foncé. On suppose un sol, là où sont posés le siège et les deux personnes. Les bandes de couleurs rouge et orange suggèrent l’espace du mur, le vert pour le sol.
Mosaïques romaines – Détail de calendrier rustique de plantations.
Mosaïques petites tesselles de pierre, de verre colorées, placées les unes à côté des autres de manière à former des motifs. Parfois, on ne remarque pas les divisions du motif en petits éléments. Ici, c’est une frise décorative ; il y a un sujet, c’est un calendrier, il n’y a pas de personnages.
L’artiste utilise des bandeaux, espace utilisé depuis très longtemps. La ligne horizontale limite des espaces, des éléments décoratifs sont répétés. Les courbes, suivies de contre-courbes, donnent du mouvement. La construction est presque mathématique. Des petits éléments comme les sarments, feuillages, rinceaux apparaissent. L’artiste occupe une grande partie de l’espace, sans pour autant exploiter le remplissage. Cela crée aussi une régularité. Des sarments passent « devant ou derrière » les lignes, ce qui suggère une profondeur de l’espace. Hypothèse : montrer le déroulement de la vie, du temps, bien en adéquation avec le sujet du calendrier.
mosaïque de sol, 200 ap JC.
Située au sol, dans un couloir qui relie les bâtiments d’une villa ; les villas sont un ensemble de différents bâtiments reliés entre eux.
Motifs géométriques, des carrés, intégrés dans d’autres carrés, puis encore d’autres … grande recherche autour du motif du carré. Il y a des losanges, avec des jeux de contrastes de couleurs, qui donnent un effet de volume,- avec des tailles différentes. Ils sont juxtaposés. Ces réalisations sont des prouesses techniques et l’intention de l’artisan veut faire croire à du volume en utilisant la technique du trompe-l’œil.
On ignore comment ils préparaient leurs travaux. La surface est spacieuse. On marche sur ce sol en ayant l’impression de volume, c’est attractif et cela peut générer de l’inconfort, tant les motifs en cube se surélèvent.
Mosaïque romaine, située en Israël (l’Empire romain s’étendant dans tout le bassin méditerranéen, de l’Ecosse jusqu’à Israël).
Pavement au sol, même principe, compréhension de l’espace limité par un cadre. Motif décoratif torsadé, cadre avec des petits triangles posés sur une ligne rectiligne.
À l’intérieur, un ensemble de poissons, qui ont l’air de voler dans l’espace, deux bateaux à voile carrée.
Certains poissons sont en train d’être mangés par d’autres, ils se dirigent soit vers la gauche ou vers la droite, donnant du mouvement, il y a une profusion de poissons, avec une occupation totale de l’espace. Diversité d’animaux et des coquillages de tailles différentes. En haut à droite, deux poissons superposés, devant/derrière, tout comme la queue du grand poisson qui s’enroule. Au point de vue proportions, on n’est pas dans le réalisme (il faut attendre la Renaissance pour avoir une vision mathématicienne des espaces, respect des proportions, réalisme).
Vie, mouvement, profusion, richesse de la nature sont les idées que l’artiste veut représenter. Il y a des incohérences, tous les poissons sont de profil, de même pour les bateaux, cela ne donne pas une vision réaliste (bateaux au-dessus de l’eau, poissons en dessous). Ce qui fonctionne est l’intention de montrer une nature multiple et diversifiée.
Tunisie, fin 200 ap JC. Scène maritime.
Profusion, remplissage : barques avec des pêcheurs, des poissons, des crevettes surdimensionnées, des oursins, des filets de pêches, des sèches… La vérité est dans la diversité des animaux proposés. Les proportions, la gestion réelle de l’espace, on oublie. Les barques sont en perspective d’objet, mais l’ensemble ne présente pas la réalité. Les artistes n’ayant pas les possibilités techniques de le faire et en même temps, cela n’est pas leur objectif. De petites vaguelettes de teintes plus foncées sont simulées et nous font croire en la réalité de l’eau. Cependant, le fond est blanc pour faire ressortir les éléments.
L’axe de vue est frontal pour les poissons, par contre, pour les barques, l’axe de vue est en plongée, comme si on était au-dessus d’eux.
Ulysse à Carthage (détail) – Mosaïque.
Un bateau sur une mer étrange représentée par les bandes horizontales de couleurs contrastées, il y a un motif décoratif de courbes dans le bas. Des personnages dont Ulysse centralisé. Les autres sont derrière lui, les boucliers devant. Les proportions ne sont pas respectées, le bateau étant trop petit pour être réaliste. La perspective hiératique est appliquée ici. La voile carrée et le mât, proposent des « devant/derrière« . Il y a une « cabine » sur le bateau, située derrière les personnages. L’artiste utilise le noir pour donner de l’ombre à l’intérieur et la forme courbée de l’objet, nous permettent de conscientiser que c’est en volume. Sur la proue du bateau, à droite, 2 éléments courbes de couleurs différentes, ce qui nous invite à croire que l’un est plus éloigné de nous.
Ulysse est attaché au mât afin de ne pas céder au chant des sirènes. Le fond est blanc, il représente le ciel. Il y a du contraste entre le bateau et les personnages qui sont pourvus de beaucoup de détails soignés, alors que le fond et les quelques traits en zigzag sont schématisés. Que représentent-ils ? Le vent ? Le son des sirènes ?
Espagne – Villa romaine IV av JC. – Mosaïque sur pavement.
Succession d’éléments rectangulaires, avec une profusion de scènes. Ici, des scènes de chasse représentant le combat entre l’humain et la puissance animale.
Diversité, multiplicité, profusion, puissances tant animale qu’humaine, remplissage total de l’espace. Lignes qui partent à gauche, à droite, une dynamique qui s’offre au regard. Des éléments végétaux, plantes, arbres, illustrant la diversité de la flore. Un décor de rochers, l’artiste essaye de contextualiser la scène, mais sans vouloir la rendre réaliste, parce qu’il n’en a pas les moyens techniques. Le fond blanc pour mettre en évidence tous les éléments.
Kronos et l’éternel recommencement du temps.
Aiôn, dieu de l’éternité, est représenté dans un orbe céleste constellé des signes zodiacaux. À ses pieds la terre-mère Tellus (Gaia romaine) avec quatre enfants, les quatre saisons personnifiées.
Des « devant/derrière » : un enfant disposé à l’avant-plan, derrière lui, sa mère Gaïa, deux autres enfants se superposent derrière elle et le père tout à l’arrière-plan. L’enfant à gauche presque sur le même niveau que sa mère, avec la jambe droite qui s’élance vers l’avant. Rien qu’en disposant ses personnages, l’artiste nous fait conscientiser qu’il y a un espace.
Un autre élément, le père est placé sur un rocher, qui occupe une grande surface, et les éléments posés dessus (membres de l’enfant, pieds du père, le cercle) nous font comprendre qu’il y a un espace, pourtant, visuellement, techniquement, c’est plat. Il y a des ombres subtiles, les positions des bras, l’orbe – qui fait penser à l’anneau de Moebius – autant de petites éléments subtils qui nous font prendre conscience de l’espace.
Fresque murale, Pompéi. Vers 50 ap JC
Des espaces avec des éléments décoratifs qui se répètent.
Un mur, divisé par un soubassement coloré, des éléments peints avec des effets d’ombrage (=trompe-l’œil) pour faire croire qu’il y a un relief, une séparation du mur, avec des éléments peints comme ce cadre central qui représente une peinture. C’est un peu une mise en abîme.
Des trompe-l’œil nous font penser qu’il y a des ouvertures (fenêtres) et nous invite à croire à l’existence d’un espace extérieur. Ces éléments, sorte de toiture courbe, sont en perspective d’objet et non de la perspective linéaire. Mais on est face à une proposition intéressante.
Vers 1er S av JC, Pompéi, la villa des Mystères.
Murs peints de scènes où l’on trouve les encadrements, pour délimiter les espaces. Dans le bas, un soubassement avec du noir et de l’ocre, qui invite à penser conscientiser la base de l’espace. Une large bande rouge divisées par des lignes verticales qui structurent l’espace. Enfin, des scènes avec des personnages et des éléments ornementaux qui habillent tout cet espace.
Voyons une scène de plus près, celle située à gauche.
L’artiste nous fait croire qu’il y a de la profondeur avec des « devant/derrière« : les pieds des personnages posés sur des niveaux différents; la dame en avant, près de nous, une enfant derrière elle; une autre dame à droite, avec les jambes devant/derrière; le personnage assis, les pieds plus hauts que ceux des autres.
On a l’impression d’avancer dans l’espace par la présence d’un sol. Le sol est constitué de lignes rouges et vertes qui se succèdent. Ces changements de couleurs nous invitent à croire en ce sol.
Dans la réalité visuelle, tous les personnages sont à plat contre le mur du fond et le sol n’est que le prolongement vertical du mur. Cependant, les détails subtils employés par l’artiste font que notre cerveau va les accepter comme étant des éléments de compréhension de profondeur.