Anthony GORMLEY
sculpteur anglais né en 1950.
Ses œuvres nous questionnent sur la place que prend notre corps dans l’espace. Son thème majeur est une réflexion sur la condition humaine.
Cette œuvre est un environnement, elle envahit et modifie l’espace.
Des milliers de petites figurines en terre cuite sont disposées sur toute la surface d’un très grand espace d’exposition. Chaque figurine est unique, de forme humanoïde, sans bras, sans pied. Toutes ont deux yeux mais pas nécessairement de bouche ni d’oreilles, certaines sont plus hautes ou plus foncées, d’autres sont plus petites ou plus larges. Aucune n’est semblable aux autres mais cela crée un ensemble uniforme, une sorte de tapis qui recouvre le sol et évoque la surpopulation, l’entassement des gens serrés les uns à côté des autres. Nous sommes tous différents et formons ce tapis unique qu’est l’humanité. Il parle de l’importance de l’existence humaine et fait référence au traitement de la question de la migration par les Etats-Unis. Mais aussi de la surpopulation de certaines villes. l’Amérique serait-elle devenue un fourmilière ?
La couleur aide à l’uniformisation, c’est la couleur de la terre, avec quelques nuances dans la tonalité. Le travail non fini des figurines ramène à la question de la fragilité des choses. Ces petits bonshommes ne sont ni forts, ni durs, ni puissants, ils expriment la fragilité de la condition humaine.
Imaginons-nous face à l’œuvre, de toute notre hauteur humaine, beaucoup plus grands que ces personnages. Cela nous donne une sensation de puissance mais en présence de cette immensité, nous pouvons ressentir une grande humilité. Les vastes champs d’humanité nous confrontent à notre incapacité à agir. C’est le paradoxe puissance / impuissance.
Quand la lumière pénètre la surface, elle est surtout absorbée et met en évidence tous les reliefs. Elle révèle la couleur qui uniformise l’ensemble. Entre les personnages, émergent des ombres qui matérialisent chacun des éléments. Gormley ne travaille pas l’ombre et la lumière comme dans les plis des vêtements qui recouvriraient un corps. Ici, les espaces entre les figurines ne permettent pas à la lumière de pénétrer. Chaque ombre met en évidence chaque individu.
Empreintes
Des éléments de céramique de même forme sont entassés les uns sur les autres pour former un parallélépipède rectangle. Certaines de ces plaques sont creusées et forment deux empreintes. Gormley travaille en creux, évoquant l’absence, la disparition. Nous connaissons le bas-relief, le moyen-relief, haut-relief. Ici, c’est du relief en creux.
La lumière est absorbée, il n’y a pas d’ombre, et aucun reflet.
Learning to Think / Apprendre à penser, 1991.
Gormley exploite une grande leçon de sculpture de Brancusi, il n’y a plus de socle. Au lieu de mettre la sculpture au sol, il la suspend au plafond. Les pieds ne touchent pas terre, on imagine les têtes dans le plafond. Quand on rentre dans cet espace, on est confronté à ces cinq corps suspendus, de taille humaine, en métal.
L’intention de l’artiste est de nous montrer que nous n’avons plus les pieds sur terre, nous n’avons plus de tête. Nous ne pensons plus. Nous sommes des humains décérébrés, nous avons perdu le statut d’êtres pensant. Les messages de Gormley sont durs. Lorsque nous pénétrons dans cet espace avec notre propre corps, les pieds au sol et la tête sur les épaules, l’œuvre provoque un questionnement : quelle est notre place dans l’espace ? Où mettons-nous notre corps là où pendent ces corps ?
Tout cela fonctionne grâce à la lumière qui vient des fenêtres qui donnent une lumière assez forte, blanche. Sur les corps de métal poli, quelques reflets apparaissent mais la lumière est principalement absorbée. Le contraste est fort entre la couleur des corps et la clarté du lieu. La lumière est un élément de mise en évidence de la position de ces humains dans l’espace.
L’œuvre, ce n’est pas seulement les cinq corps, c’est l’ensemble de la pièce. On parle d’environnement. Sans l’espace, l’œuvre ne fonctionne pas. Les fenêtres grillagées renforcent l’idée d’enfermement.
Série de corps constitués de fils métalliques. Gormley matérialise le corps humain mais celui-ci est surtout constitué de vide et d’éléments piquants. Ce n’est pas une vision très positive de l’humain.
Pour revenir à la question de la lumière, on voit ici qu’elle est essentiellement absorbée pour permettre la matérialisation globale du corps humain. Le quatrième élément de la lumière est présent : l’ombre portée amplifie cette figure qui devient un monstre de picots et perd sa dimension humaine.
Another place, une autre place, 1997.
Gormley commence un travail qu’il poursuivra pendant de nombreuses années. Il dispose des sculptures sur la côte anglaise. Il tient compte des marées, du ressac. A certains moments l’eau rejoint et même recouvre les sculptures, à d’autres moments elle se retire. Il amplifie progressivement cette installation par dizaines de personnages, il y en aurait une centaine au total.
Il nous confronte à ces humains immobiles, le regard tourné vers la mer, qui pourraient sembler vivants mais ne le sont pas. Il nous invite à la contemplation de ce paradoxe et à nous reconnecter à la terre, à la mer, à l’espace.
Comment fonctionne la lumière ? Elle est absorbée sur chacune des sculptures. La lumière est naturelle et donc changeante, du lever au coucher du soleil. Elle change de qualité, de couleur et d’orientation et donne à chaque fois une nouvelle ambiance.
Les différentes photos nous font prendre conscience de ces changements mais nous rappellent d’être attentifs, lors d’une analyse d’œuvre en 3D, à ne pas nous laisser bercer par l’illusion esthétique choisie par le photographe. Il n’est pas certain que Gormley travaille sur cet aspect esthétisant.
GEGO 1912- 1994
Gertrud Goldschmidt, germano-vénézuélienne.
Lignes parallèles, 1957
Dans les années 60, Gego travaille sur les effets optiques des lignes, l’oscillation et la vibration. Elle s’intéresse aux caractéristiques physiques des lignes et au départ elle sera classée dans l’art cinétique. Si on observe longuement ses œuvres, on aura une impression d’oscillation, de battements, jusqu’à en avoir mal aux yeux si on suit les courbes tracées par les lignes, alors tout se met à bouger sur la rétine.
Elle dit s’intéresser au néant entre les lignes et souhaite avant tout rendre visible l’invisible.
Jets, 1970 – 1974, éléments de fer soudés, peints, suspendus au plafond. On pense à Rodchenko.
Cette œuvre n’existe que par deux éléments techniques : le volume essentiellement constitué de vide et de lumière. La lumière est absorbée par les tubes d’acier et les éléments de soudure bien visibles, marquant la rencontre des éléments. Tout cela ne représente rien, on est dans l’abstraction.
Quelqu’un propose d’y voir des constellations : c’est le signe de son besoin de retrouver une réalité. Face à une œuvre abstraite, on est tenté reconnaître des éléments concrets !
Troncs 1974 – 1980
Même principe : c’est suspendu au plafond, une succession de volumes simples situés les uns sur les autres ne sont constitués que de vide. Leurs limites sont exprimées par des éléments tubulaires soudés. Ils sont matérialisés par la lumière absorbée. L’ombre portée, quatrième effet de la lumière, amplifie l’œuvre qui se matérialise au-delà du tronc lui-même.
Geco travaille cette typologie à l’infini en utilisant différents volumes selon le même principe de l’ombre portée qui multiplie dans l’espace la structure à l’extérieur de la sculpture elle-même.
C’est une série. On la voit travailler à l’assemblage des éléments métalliques fixés par des petites pièces qui les relient.
Louise NEVELSON,
1899 (Ukraine) – 1988 (USA)
Formée à la sculpture cubiste avec Hans Hofmann, elle s’oriente ensuite vers l’abstraction. Elle assemble des pièces de bois de récupération et les peint en noir pour unifier les objets hétéroclites.
Tropical garden II, 1957
Détails :
Assemblage de 15 boîtes à l’intérieur desquelles sont collés des éléments de récupération. Elle les peint ensuite en noir pour uniformiser le tout. Pour elle, le noir est l’absolu, la « couleur totale». Sans cette couleur, le chaos visuel ferait partir le regard dans tous les sens alors qu’ici, le regard est conduit par les verticales, les différentes courbes, les éléments géométriques. Les boîtes font référence à Marcel Duchamp et ses mises en boîte.
Georges Mathieu dira d’elle qu’elle pratique une « carbonisation de la société occidentale. » Elle fait aussi référence à Arman qui brûlait ses œuvres, les carbonisait. On se dirige vers une espèce d’absolu intellectuel.
La lumière est absorbée. Il y a quelques ombres portées dues aux condition de photographie mais face à l’œuvre, l’ombre est très peu visible. Le noir de l’objet se confond à l’ombre qui pourrait apparaître entre les éléments. C’est plus impressionnant que ce que ne peut rendre une photo, d’autant plus que le temps a fait son œuvre, le noir est moins intense que lors de sa création en 1957. Il s’agit d’un noir mat pour éviter tout reflet. L’intention de l’artiste était de n’être que dans l’absorption, sans ombre ni reflet alors qu’il y a différents éléments de volume et une mise en boîte. On comprend la complexité du travail de composition.
Mrinalini MUKHERJEE
1949 – 2015, Inde
Sculptrice indienne, issue d’un milieu artistique, elle est la fille d’un écrivain et d’une sculptrice. Elle fait des études de peinture et de design mural.
Son intérêt se porte sur des matières organiques, locales, considérées comme pauvres et insignifiantes mais qui lui permettent de créer un flux non conventionnel.

Waterfall / Cascade, 1975, chanvre et coton, 264 x 100 x 15 cm, National Gallery of Modern Art, New Delhi
Rivière d’eau, plus de deux mètres de haut.
La lumière est absorbée, avec un peu d’effets d’ombre et lumière pour mettre en évidence les plis. La lumière absorbée met en évidence les matières et les couleurs, la rugosité de la fibre, l’aspect du nœud et chacun des éléments de relief.
Des éléments végétaux ou humanoïdes sont représentés par du chanvre et d’autres fibres végétales noués qui peuvent être teints. Elle réalise des sortes de totems humanisés.