Anthony Mc CALL, 1946

Est un artiste New-Yorkais d’origine britannique, à la croisée du cinéma, du dessin, de la performance. Il produit des « volumes » immatériels ce qui le classe aussi parmi les sculpteurs.
Au cours des années 70, il réalise une série de films qu’il appelle « lumière solide. » Il y introduit des éléments de volumes axés sur la géométrie. Ses récentes installations ne sont plus réalisées à partir de formes géométriques simples, il y combine des lignes, des courbes et des sinusoïdes en mouvement. Toutes ces lignes se rencontrent à certains moments et créent des volumes immatériels.
Lucio Fontana (tableaux monochromes lacérés), en 1951, crée déjà des « signes lumineux » faits de lignes lumineuses suspendues qu’on peut mettre en lien avec ce que présente Mc Call.

Fontana, Signe lumineux, 1951

Les films de Mc Call étaient d’abord projetés de manière horizontale, comme on le fait habituellement au cinéma.

Il a eu l’idée de projeter verticalement depuis le plafond et s’est rendu compte qu’il pouvait générer des volumes qui pouvaient prendre de l’emprise sur l’espace et être habités par les spectateurs.

Les Solids Ligths Works concrétisent dans l’espace réel ce qu’il montrait dans ses films. La lumière crée un volume dont la limite est marquée au sol par une ligne de lumière projetée. Le procédé technique essentiel de l’œuvre est donc la lumière, associée à une couleur ou non couleur, le blanc.

Cela n’a plus rien à voir avec de la sculpture « sculptée » dans la ligne d’un Michel Ange mais il s’agit bien de créer un volume dans l’espace. Il y ajoute un peu de brume, de brouillard pour rendre la perception plus difficile à comprendre. La lumière prend de l’épaisseur, devient opaque et donne l’impression qu’on est face à des solides, « Solid Ligths » lumières solides.

Avec ce type d’œuvre, l’intention de l’artiste n’est plus la même que celle d’un sculpteur comme Bourdelle, Germaine Richier ou Mona Hatoum. En terme de typologie, on ne peut pas appeler cela une ronde-bosse bien que l’on puisse tourner autour des volumes… Il s’agit d’environnements : l’œuvre ne peut exister que dans un espace où la lumière est présente. Ici, l’espace est absent de lumière et c’est la lumière projetée qui matérialise le volume. C’est un changement de modalité de présentation des œuvres. La présentation d’œuvres dans le noir existait déjà mais ici la présence de lumière habituelle détruirait complètement l’œuvre. D’ordinaire, on dit que sans lumière on ne voit pas alors qu’ici, c’est l’absence de lumière qui permet de voir.

Quand on rentre dans cet espace, on perd ses repères. C’est un environnement immersif, on est dans l’espace dans lequel se déploie l’œuvre mais on peut également entrer dans les œuvres constituées par la lumière et en modifier le volume.

La main passe à travers mais ne peut rien saisir.

L’immatérialité de l’œuvre est un héritage d’Yves Klein. C’est devenu un élément constitutif de la production artistique. On peut reconstruire le vide dans son esprit lorsqu’on est face à la sphère de Rodchenko, l’immatérialité, quant à elle, est plus difficile à conceptualiser. Chez Yves Klein, l’immatérialité est conceptuelle, elle est le produit de la réflexion intellectuelle.

Ici, en entrant dans cet espace immersif, il se passe autre chose, ce n’est plus limité à l’intellect. L’immersion agit sur le corps, les sensations, les émotions.

L’œuvre de Mc Call dépasse l’art conceptuel, il explique dans la vidéo qu’il souhaite faire vivre une expérience, que le spectateur soit transpercer par l’émotion de la rencontre avec ces volumes de lumière qu’on peut traverser avec ses mains ou tout son corps, de manière lente ou plus rapide.

Dans cette vidéo d’une exposition de Mc Call en Espagne, il explique sa démarche à partir de la 45eme seconde.

Yann KERSALE, 1955, artiste breton.

« J’installe des lumières sur l’objet choisi, révélant des présences invisibles sous le soleil. L’objet connu se révèle autre, offrant au passant, même habitué, de nouvelles sensations immédiates. Emergent une nouvelle mémoire du moment vécu et des jeux de sensations entre le connu, le reconnu et le souvenir. »

Décodons cette citation : il dit travailler avec des objets préexistants, connus. Comme les land artistes qui travaillent sur des objets que l’on ne voit plus, il souhaite faire réémerger une nouvelle conscientisation de ces objets hyper connus. Il travaille avec la lumière dans le but de faire naître de nouvelles sensations quand on rencontre ces objets redécouverts grâce à la lumière. Il travaille sur une nouvelle mémoire du moment vécu. Yves Klein a initialisé cette idée de l’art de la mémoire par l’intermédiaire du souvenir, utilisé ensuite par Boltanski.

Kersalé utilise les technologies : l’éclairage led, le néon, l’image vidéo qu’il installe de manière à mettre en évidence ces objets des paysages quotidiens. Il travaille avec la lumière directe mais aussi la lumière indirecte, le contre-jour, des faisceaux traceurs, la lumière graphique, la lumière rasante, colorée, qui bouge, a du rythme… Il donne beaucoup de caractéristiques différentes aux lumières qu’il utilise et cela donne des résultats surprenants qu’on peut voir sur son site officiel. https://yannkersale.com/


Installation pour la maison Baccara qui produit du cristal. Il projette de la lumière à travers des objets de cristal et crée un espace amplifié grâce au quatrième effet de la lumière, les jeux de lumière et d’ombre projetées qui donnent une expansion de l’espace. La beauté et la lumière des éléments de cristal sont amplifiés par la projection. Leur valeur est d’autant plus révélée.


LO, parc sous le Musée du quai Branly. Les espaces de végétation et de petits plans d’eau sont enrichis de tiges lumineuses dont la projection des reflets sur le bâtiment en décrochage génère une nouvelle perception de l’environnement par la lumière colorée.


Le songe est de rigueur, 1986. Performance.

Il installe sur la plage des éléments qui projettent de la lumière, il enregistre les bruits de la mer (ressac, oiseaux, vent) et les variations de lumière entre le jour et la nuit. Le tout va être projeté à l’intérieur d’un blockhaus allemand sur les côtes bretonnes. Il fait revivre cette journée que la mer offre dans un espace fermé : vent, oiseaux, couleur et intensité de la lumière. C’est une de ses premières performances.

Le reflet de mer inversé. Il enregistre des images sur la mer puis pivote l’image pour la projeter de manière verticale et envahit l’espace avec elle. Cela en modifie complètement la perception. On voit quelqu’un passer derrière : cela devient un pénétrable comme ce que proposait Soto, mais celui-ci est immatériel.

Le Mucem de Marseille.
Il est de plus en plus connu et est appelé dans le monde entier pour réaliser ce genre d’interventions dans les milieux urbains, mettre en évidence des éléments et donner de nouvelles émotions en voyant des bâtiments et objets tellement déjà vus qu’on ne les voyait plus. Il remet de la couleur dans la ville.

Vidéo TED où Kersalé explique sa démarche. Voir de la minute 5.30 à 8.50.

Ce qui le distingue est qu’il travaille en deux temps. Il fait d’abord une installation de type « performance. »

HA Dans la typologie artistique, la performance est une mise en scène dans laquelle soit des personnes interviennent, soit les objets sont en mouvement, soit on travaille avec l’espace ou les trois ensemble. Au départ, c’était assez codifié, scénarisé, l’idée de ce qu’on allait obtenir était assez claire mais petit à petit le hasard s’est invité de telle façon que l’artiste ignore ce qui se passera réellement. Les gens feront-ils exactement ce qui était prévu ? Les éléments naturels, quant à eux, sont des plus imprévisibles. Klein fut le premier à initier ce mode d’expression artistique dans lequel le résultat tient beaucoup au hasard.

Kersalé travaille en premier une performance dans laquelle il met en jeu de la lumière et dont il capte le son. Lors de la deuxième phase, les résultats visuels et sonores obtenus font l’objet d’une installation : il inverse, renverse ou modifie les images, associe, combine, retire des éléments et utilise tout cela dans un nouvel espace. C’est un travail en plusieurs phases dont le point commun est la lumière envisagée dans des états multiples. Elle lui permet de mettre en évidence des espaces qui lui sont souvent très proches et qu’il veut montrer différemment afin de donner une nouvelle conscience de ce qu’on voit tous les jours.

Yann NGUEMA, 1973

artiste multimédia, performeur, musicien à la formation scientifique.
Voir son site officiel https://yannnguema.com/projects

Gravity, performance dans la collégiale Saint Martin à Angers. 2023
Cette installation voit se succéder dans la nef trois éléments constitués de quatre piquets qui soutiennent un immense voile de soie.  Sous celui-ci, sont disposés des sources de lumière et un ventilateur qui insuffle un mouvement à la toile et la font monter, ses angles glissant le long des piquets. La lumière et les images sont projetées sur la toile.

S’il n’y avait que les images sur le voile, on serait dans l’art vidéo mais il s’agit ici d’un environnement 3D, d’une sculpture cinétique.
La vision des artistes contemporains sur la 3D est très ouverte, très différente de la sculpture traditionnelle. Yann Nguema utilise de la lumière projetée, du vent, des images et du tissu. Le résultat est immersif et provoque un ressenti.

Pixel Motion  est un projet en attente de financement. Constitué d’un dispositif dynamique tridimensionnel de points lumineux jouant sur la perception et sensitive de chacun.
Cela ressemble à une « nappe » de points lumineux déformable dans l’espace, de la taille d’une scène de spectacle. Chaque point lumineux peut se déplacer sur une ligne verticale d’une amplitude de 7 mètres pour créer des volumes immatériels et évolutifs. A nouveau se sont les points de lumière qui font l’œuvre.