Née en 1929 – artiste japonaise – elle bat tous les records de vente – connue pour ses motifs du « pois ».
Rencontre de l’œuvre par la vidéo.
Infinity Mirrors, room 3 The Souls of millions of Light years away, 1966
On entre dans un espace fermé, dans lequel il y a une plateforme. On peut fermer la porte et on est seul dans cet espace. On ne peut aller au-delà de la plateforme.
I IMPRESSIONS GÉNÉRALES
Émerveillé, distordu, extasié, intrigué, peur, envahi, déstabilisé, écrasé, étouffé, joyeux, captivé, emporté, excité, désincarné, minuscule, en apesanteur, perdu, coincé, oppressé, déséquilibré, dispersé, atomisé.
À proscrire : Fantomatique, féérique = de l’ordre du sujet ; ébloui = physiologique
II PROCÉDÉS TECHNIQUES
On considère que l’on est dans de la 3D
VOLUME
On pose l’hypothèse d’un cube. Difficulté à conscientiser quel est le volume. Plein ou vide ? Il y a plus de vide que de plein. Des parois limitent le volume mais ces parois sont constituées de miroirs, en conséquence, le cube « explose » et amplifie l’espace.
LIGNES DE DIRECTION
Il n’y en a pas, cela part dans tous les sens. Il y a des lignes de séparation entre les miroirs mais ces lignes ne structurent pas le volume, ne construisent pas le volume. Ce ne sont pas des lignes de direction.
ÉTAT DE SURFACE
La surface limitante du volume est constituée de miroirs, effet de réflexion, qui amplifient l’espace et font perdre la notion du cube.
Les petites sphères de lumière, colorées et suspendues, de manière apparemment non organisée. L’état de surface des sphères et des miroirs : c’est lisse. Cet aspect de l’état de surface n’est pas essentiel, le travail de l’artiste n’est pas axé sur la sensation de toucher, mais plus sur la vision que l’on en a.
LA LUMIÈRE
Comment agit elle ? Réflexion (miroir), dispersion, démultiplication du reflet.
Absorption de la lumière, la lumière de l’espace intérieur nous fait percevoir les zones noires, le personnage, les sphères de lumière. Alliance très complexe entre le reflet de la lumière qui est majoritaire et l’absorption. Les miroirs absorbent la lumière et dans le même temps la reflète.
LA COULEUR
Les sphères ont des couleurs différentes, multiples. Dans d’autres travaux, elle utilise une couleur uniforme. Elle a ici choisi d’utiliser plusieurs couleurs. Elles sont plus dans l’opposition que l’harmonie. L’intensité varie en fonction de la force de la lumière qui active ces ampoules colorées.
L’INTÉGRATION DANS L’ESPACE
Est-ce que l’espace a de l’impact dans l’œuvre ? Contrairement à ce que l’on a l’habitude de voir (un objet situé dans un espace extérieur à lui-même), ici on doit parler de l’espace intérieur de l’objet (puisqu’on y est entré) et oui il a de l’importance. C’est assez novateur.
III EFFETS RECHERCHÉS
Perdue par l’absence de ligne de direction qui m’aiderait bien à retrouver mes points de repère pour reprendre pied dans cette galaxie de pointillés.
Insécurisée par l’amplification de l’espace créé par la surface des miroirs qui me fait perdre la notion d’espace et me donne le vertige.
Émerveillée par la démultiplication de la lumière due la réflexion qui me fait penser à une nuit pleine de lucioles.
Captivée par les changements de couleurs qui m’emmènent à chaque fois dans une expérience nouvelle de découverte de cet espace étrange.
En apesanteur par le volume vide intersidéral rempli de lucioles colorées qui m’entraînent dans une autre dimension.
Perdue dans l’espace amplifié dont j’ai du mal de trouver les limites qui me donneraient des points de repère.
IV CONTEXTE CULTUREL
Jeune femme japonaise qui commence à peindre dès l’âge de dix ans. Née dans une famille où elle peine à trouver sa place, et où il n’y a pas beaucoup d’amour exprimé par ses parents. Pour échapper à cette ambiance pesante, elle vit des délires hallucinatoires dans lesquels elle perçoit des pois et des points. Ce pois va devenir son motif récurrent, qu’elle va répéter à l’infini dans beaucoup de ses œuvres. Cela va devenir obsessionnel.
Ma vie est comme ce pois perdu parmi des millions d’autres pois.
Elle va faire des études d’art, sans l’accord parental, commencera à exposer mais au Japon, la carrière artistique n’est pas ouverte aux femmes dans ce pays aux traditions conservatrices.
Pour un art comme le mien, le Japon est trop petit, trop féodal, trop méprisant pour les femmes. Mon art a besoin d’une liberté plus illimitée et d’un monde plus vaste.
Elle va partir aux Etats-Unis. Elle va côtoyer des artistes du Pop Art. Elle va exprimer son art avec une orientation très féministe.
Aggregation : One thousand Boats show, 1963
Installation et performance avec accumulation d’objets phalliques qui symbolisent la masculinité et la fertilité, avec une dimension sacrée dans la culture japonaise.
Elle expose son travail avec Andy Warhol, Claes Oldenburg tout au long des années 1960. Warhol reprenait l’idée de Kusama dans son Cow Wallpaper, un papier peint jaune sur lequel il avait aligné la photo d’une vache rose fluo. Le sculpteur Claes Oldenburg avait fait de même, et avait alors rencontré beaucoup de succès.
Ces emprunts incitent l’artiste japonaise a s’enfermer dans son studio et masquer les fenêtres pour protéger son art.
Jardin de narcisses 1966
Reproduction de l’œuvre à New York.
Yayoi Kusama décide d’exposer son art à la Biennale de Venise. “Décide”, car elle n’y a pas été invitée : elle fait fabriquer 1 500 sphères miroitantes et les dispose devant le pavillon de l’Italie, sans aucune autorisation. Devant, elle plante une pancarte sur laquelle est écrit “À vendre : votre narcissisme”, et vend ses sphères aux visiteurs pour quelques dollars.
Elle remet en question l’art réservé à une élite et suscite le mécontentement des organisateurs de la Biennale, qui lui demandent de partir.
Pourquoi mon art ne se vendrait-il pas comme des glaces ou des hot-dogs ?”
Ensuite, elle va perdre en reconnaissance aux Etats-Unis et, dans les années 1970, elle revient au Japon. À sa demande personnelle, elle va vivre dans un hôpital psychiatrique, où elle vit toujours aujourd’hui. Elle est encadrée médicalement, mais sort de l’hôpital pour travailler dans son atelier qu’elle a pu financer elle-même. C’est positif, elle a réussi à trouver des modalités de vie qui lui conviennent. Elle y travaille 12h par jour, à réaliser des œuvres où les pois sont majoritairement présents.
Elle vend énormément. C’est la femme artiste qui vend le plus et le plus cher. Elle est reconnue mondialement. Mais les pois l’envahissent toujours et elle ressent la nécessité de vivre dans ce milieu médicalisé étant en en complet décalage entre la réalité du monde extérieur et ce qu’elle vit à l’intérieur d’elle-même.
V LE MESSAGE
Le sujet de l’œuvre : la lumière dans un espace infini complexe à percevoir.
Procédé technique important : cet espace est matérialisé par la lumière ; la réflexion dans les miroirs ; la lumière colorée.
Les éléments du contexte culturel les plus importants : elle est perdue dans notre monde réel, elle voit des pois partout.
Construction du message :
Dépasser ses limites.
Je suis une étincelle dans l’univers.
Dans l’espace infini, il y a toujours de la place pour quelqu’un.
Il n’y a pas d’issue possible dans l’espace envahi de points de lumière.
Partager ma personnalité.
D’un côté elle nous partage son univers intérieur qui est éclaté et envahi de pois. Dans un premier temps, on ressent de l’émerveillement, mais in fine, l’angoisse s’installe et on a envie de sortir de là. C’est vraisemblablement ce qu’elle vit au quotidien. C’est immersif, elle nous fait entrer dans sa perception, dans ce qu’elle ressent dans sa vie.